"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
L'action politique met en jeu des niveaux d'analyses et d'interventions si variés et interdépendants que le recours aux mathématiques y apparaît souvent comme un geste de simplification assez vain. Il ne s'agit pas seulement de la difficile mesure des hommes et des choses, mais encore de la construction, de la traduction et de la mise à l'épreuve des formes communes du raisonnement politique et des modalités concrètes de l'action. Les auteurs de cet ouvrage collectif, mobilisés par Thierry Martin, maître de conférences au département de philosophie de l'Université de Franche-Comté, mettent en évidence la longue durée de la réflexion et de l'expérience. Les analyses cardinales de Georges Th. Guilbaud sur la théorie des jeux (1949) ou d'Emil J. Gumbel, dont le texte " Lutte des classes et statistique " (1928) est ici traduit en français, procurent aujourd'hui une vaste matière à la réflexion. Ils encadrent un ensemble d'études qui associe l'examen critique de nature philosophique et l'enquête strictement construite de l'histoire des sciences. Marco Bianchini fait découvrir dans l'Italie du XVIIe siècle les débuts de l'économie mathématique et leur contexte philosophique et politique. Eric Brian analyse les conditions historiques dans lesquelles le dénombrement des personnes est devenu un objet légitime de calculs scientifiques. Michel Armatte étudie le projet technocratique des années 1930, la place qu'y occupait le recours aux mathématiques, et son destin pendant la Guerre, l'Occupation et la Reconstruction. Sébastien Hertz suit l'itinéraire intellectuel et savant d'E. J. Gumbel, lui-même statisticien allemand célèbre pour sa statistique des ex-trêmes et pour son engagement socialiste et pacifiste. Partant des travaux actuels, Emmanuel Picavet met en question la définition de l'optimalité sociale dans les choix collectifs. Marc Barbut explore certaines des clés mathématiques des textes de Machiavel. Daniel Parrochia passe les notions d'utilité et de préférence aux cribles d'Épicure, de Spinoza et de Stuart Mill. Thierry Martin, contre la double illusion fétichiste de l'empire des mathématiques et de leur stérilité, examine le lieu où ces sciences touchent effectivement les modalités de l'action politique.
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