"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
«Limonov n'est pas un personnage de fiction. Il existe. Je le connais. Il a été voyou en Ukraine ; idole de l'underground soviétique sous Brejnev ; clochard, puis valet de chambre d'un milliardaire à Manhattan ; écrivain branché à Paris ; soldat perdu dans les guerres des Balkans ; et maintenant, dans l'immense bordel de l'après-communisme en Russie, vieux chef charismatique d'un parti de jeunes desperados. Lui-même se voit comme un héros, on peut le considérer comme un salaud : je suspends pour ma part mon jugement. C'est une vie dangereuse, ambiguë : un vrai roman d'aventures. C'est aussi, je crois, une vie qui raconte quelque chose. Pas seulement sur lui, Limonov, pas seulement sur la Russie, mais sur notre histoire à tous depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.» Emmanuel Carrère.
Limonov est un personnage clivant voire franchement problématique, c'est le moins qu'on puisse dire. Néanmoins, ce livre qui retrace son histoire réussit avec brio l'analyse honnête de ce parcours hors norme, notamment grâce aux aveux et commentaires réguliers de Carrère. C'est aussi le moyen de comprendre une partie de la culture russe rarement décrite dans les médias d'occident, celle de la diaspora non intellectuelle, qui, fière de son identité, ne veut rien partager avec Soljenytsine ou avec la culture occidentale et maintient par ce rejet un rapport complexe avec son pays.
J'ai découvert avec grand intérêt le parcours pour le moins atypique de Limonov. Merci donc à Emmanuel Carrère qui dépeint avec toujours autant d'adresse les personnalités improbables.
La vie de Limonov, figure politique de l’underground, russe de l’ère soviétique à nos jours. Ce livre est passionnant, et pas seulement parce qu’il relate la vie hors du commun de ce personnage dont je ne partage pas les idées. Celles-ci sont d’ailleurs plus dues à mon sens à une volonté de rébellion par rapport à l’ordre établi qu’à une nostalgie du stalinisme.
Ce qui fait ce livre encore plus passionnant, c’est qu’il relate une époque et la mutation, vue de l’intérieur, de la Russie qui est passée de l’ère soviétique au libéralisme à tous crins. Et à travers ces pages, Emmanuel Carrère nous fait découvrir la vision des russes sur la politique, l’Histoire, la vie. Une vision bien différente de celle des occidentaux. Excellent livre dont tout le relief est aussi donné par la vision intime de l’auteur sur ce pays auquel il est lié par son histoire familiale.
Etant férue de la Russie, j'ai tout simplement était conquise par Limonov.
Emmanuel Carrère y narre la vie de Limonov, un personnage réel qui est une figure reconnue en Russie. On y découvre en partie ce pays, mais surtout un homme aux multiples facettes, ayant vécu 1000 vies, qui nous transporte, nous révolte et nous fais vibrer par son "je m'en foutisme" et sa liberté.
Bien documenté, Emmanuel Carrère nous livre un roman biographique dont il faut savoir prendre du recul (car cela reste un roman et tout n'est pas que du réel), tout en donnant l'envie d'en savoir davantage. À mes yeux, il est à lire plusieurs fois afin de saisir toutes les subtilités historiques.
Parler d’une personnalité aussi complexe que Limonov, tenter de raconter son parcours plus que tortueux était un défi que seul un auteur bien au fait de l’histoire russe pouvait réaliser, ce que n’a pas manqué de réussir Emmanuel Carrère, avec le talent qu’on lui connaît (Le Royaume, L'Adversaire).
Entre octobre 2006 et septembre 2007, l’auteur repart à Moscou, après le meurtre d’Anna Politkovskaïa : « Que la police ou l’armée soient corrompues, c’est de l’ordre des choses. Que la vie humaine ait peu de prix, c’est la tradition russe. » Le décor ne peut pas être planté plus explicitement. Depuis octobre 2002 et le théâtre de la Doubrovka où environ 150 personnes (otages et preneurs d’otages) ont été gazées par les forces spéciales, une foule se rassemble devant ce théâtre. Parmi ces gens, Emmanuel Carrère remarque Limonov.
Il se souvient qu’au début des années 80, à Paris, « Limonov était notre barbare, notre voyou : nous l’adorions. » Il s’est battu ensuite avec les Serbes et a créé, en Russie, un parti national-bolchevik avant d’être arrêté en 2001 et emprisonné. Anna Politkovskaïa et Elena Bonner (veuve d’Andreï Sakharov) l’avaient défendu. À 65 ans, il a écrit sept à huit livres dont le meilleur s’intitule "Journal d’un raté", a aidé ses compagnons de cellule et rêve d’une révolution orange. Une vraie légende vivante.
Le retour au passé est inévitable et nous voilà en Ukraine, en 1943, le 2 février, jour de la naissance d’Edouard, vingt jours avant que la 6e armée du Reich ne capitule à Stalingrad. C’est l’occasion pour l’auteur de décrire la Russie de l’après-guerre.
Lorsque Staline meurt, en 1953, Edouard est « délégué du soviet des Pionniers de sa classe » et n’a que 10 ans. Il lit Alexandre Dumas et Jules Verne mais sa vie devient de plus en plus chaotique. Il tient les marathons d’ivrognerie russes, les zapoï. Un soir d’ivresse, il se bat, est arrêté, donne des coups de couteau à un policier puis est condamné à cinq ans de colonie pénitentiaire, condamnation ramenée à 15 jours grâce à l’intervention de son père. Toutefois, cela ne calme pas le jeune homme décidé à devenir « un roi du crime, pas un second couteau. »
Son histoire très détaillée foisonne d’événements, d’exploits plus ou moins avouables et d’aventures amoureuses. Il est fondeur dans une usine, vendeur de livres puis devient tailleur mais lit toujours et se met à écrire. Enfin, il s’installe à Moscou en 1967 où il tente de faire connaître ses poèmes. C’est en 1974 qu’il quitte l’Urss, comme Soljenitsyne. On le retrouve ensuite à New York : « Quand on vient de Moscou, c’est comme si on passait d’un film en noir et blanc à un film en couleurs. »
Enfin, revenu au pays, il est inculpé de terrorisme, connaît les prisons les plus dures mais lit et écrit toujours. Depuis son intermède carcéral, il est un opposant vertueux à Poutine, devenu « le patron ». Son mouvement se nomme « Stratégie 31 » et la vie s'est poursuivie pour Edouard Limonov, décédé le 17 mars 2020 à Moscou.
Chronique à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
« … Pourquoi est-ce que vous voulez écrire un livre sur moi ? » … je réponds… : parce qu’il a – ou parce qu’il a eu, je ne me rappelle plus le temps que j’ai employé – une vie passionnante. Une vie romanesque, dangereuse, une vie qui a pris le risque de se mêler à l’histoire.
La biographie de cet écrivain dissident Russe offre au lecteur un coup de projecteur magistral sur toute une génération des années 60 à nos jours, en URSS, aux USA, en France, aux pays baltes et enfin, un éclairage passionnant sur les vingt dernières années de ce grand pays qu’est devenu la Russie (ex URSS). Certes le vent de la misère a poussé cet auteur à se protéger dans des niches de hasard qui lui ont fait connaître les bas-fonds et la dépravation mais qu’il a, par fierté, sublimé jusqu’au jour où il a rencontré le succès avec ses écrits. Par la suite, sa soif de pouvoir l’a conduit dans des idéologies d’extrême droite, (le parti national bolchevik) plus parce qu’il y avait une place de leader à prendre que par convictions profondes, me semble t-il. Doté d’un goût et un don de leader, il a aimé conduire des groupes d’hommes, soldés par multiples aventures et beaucoup de déboires. C’est un homme fidèle en amour et en amitié. Il n'a jamais renié le milieu prolétaire d’où il est issu et restera toujours proche des faibles et miséreux. Une de ses amies rencontrée à New York, Olga Matitch, dit de Limonov : « Really, he is one of the most decent men I have met in my life ». Pourtant, être un contestataire systématique le décrédibilise. Son côté mégalomane, cyclothymique, hyperactif, narcissique, influençable, fait de lui un personnage instable et déconcertant.
J'ai été emportée par cette aventure passionnante avec le plaisir d'en apprendre un peu plus sur l’Histoire russe et les divers milieux culturels décrits. Emmanuel Carrere, dans ce récit objectif, nous rappelle, à petites touches, qu’il est lui-même un écrivain d’origine russe. Ce best-seller est bien écrit. Je l’ai lu quasi d’une traite et je le recommande vivement.
Ce livre est étonnant, non pas que le sujet "limonov" soit passionnant. Mais cette lecture décalée de la "civilisation" russe est vraiment interpellante et l'actualité prend une couleur différente. Je vous encourage à lire ce livre particulièrement enrichissant.
Le début a été difficile... mais finalement, cela valait la peine! E. Carrère a une façon tout à lui d'expliquer au lecteur ce qu'il entend exprimer, et pourquoi. Là où d'autres se seraient contentés de faire allusion à certains faits, lui les explique, les met en perspective, afin que même un lecteur totalement étranger à la Russie puisse en comprendre la portée. J'en garderai le souvenir d'un livre dont l'exposé de la vie de Limonov est un excellent prétexte pour découvrir le pays et son évolution depuis la fin de la seconde guerre mondiale!
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