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Écrit au tournant des XIVe-XVe siècles par un auteur dont l'identité demeure incertaine, Les Quinze Joies du mariage - qui se lisent comme un seul récit ou quinze histoires courtes - forment une savoureuse satire de la guerre des sexes. À la première place : la femme. C'est elle qui mène la danse, faisant de cette comédie de moeurs un témoignage exceptionnel sur la vie de couple, le désir féminin et la société du Moyen Âge.
Dans ce recueil de nouvelles - l'un des premiers en langue française -, la parole prime. Dialogues piquants, mots à double-entente, commentaires satiriques : l'ironie et l'ambiguïté du propos font des Quinze Joies du mariage une oeuvre singulière, dont on ne peut dégager aucune morale ni aucun sens univoque. La traduction, présentée en regard du texte original, restitue la saveur du lexique, la subtilité de la polysémie, la force de la syntaxe. Rendant vive la langue médiévale, elle permet de saisir l'incroyable modernité de ce texte jubilatoire.
https://unepauselitteraire.com/2016/08/15/les-quinze-joies-du-mariage/
Parmi les œuvres caractéristiques et formatrices de la littérature française, outre des ouvrages comme Le Roman de Renart et Le Roman de la Rose, souvent laissés sans auteurs prédéfinis tant il paraît impossible de remonter au véritable créateur de l’œuvre, surgit, au milieu du XIVe siècle et à l’orée du XVe, un ouvrage atypique, écrit sur un style satirique relatant le couple dans sa vie quotidienne. Ouvrage tant et plus intriguant du fait que son auteur pourrait avoir été récemment identifié : il s’agirait, vraisemblablement, du seigneur de Lauresse, Alain Taillecoul. Bien que sujet à caution, cette information reste dispensable quand on regarde l’ouvrage en lui-même et qui présente notamment une avancée remarquable dans la forme du roman.
Les Quinze Joies du mariage, dont l’auteur parodie avec saveur un texte de dévotion populaire intitulé Les Quinze Joies de la Vierge, n’en demeure pas moins le précurseur de la nouvelle et de l’histoire brève. Divisant son ouvrage en quinze scènes, en quinze courts récits qui peuvent se lire indépendamment l’un de l’autre, l’auteur dresse, quatre cents ans avant Balzac, un tableau physiologique du mariage dans lequel il parle de joie. Car, en effet, le mariage est avant tout un évènement joyeux, une célébration, de nos jours, de l’amour entre deux individus et, à l’époque de l’écriture de l’ouvrage, avant tout un moyen de lier deux familles, une sorte de contrat comme on pourrait en conclure un de nos jours pour un travail.
Désireux de s’inscrire, dans une tentative d’explication dans le prologue, dans le cadre d’un traité, et donc dans un caractère scientifique et/ou philosophique, l’ouvrage est avant tout une satire à tendance misogyne du mariage et de cet aveuglement dont souffrent les différents époux, une fois le mariage consommé. Employant un style purement ironique, l’auteur narre les terribles malheurs qui s’abattent alors sur l’homme qui se voit être pris au piège dans cette fameuse « nasse », ce piège destiné à être immergé pour capturer des poissons : de cette première joie, ouvrant avec sarcasme l’ouvrage, le lecteur découvre un homme qui n’hésite pas à s’endetter pour offrir à sa femme son dernière lubie qui consiste en la dernière robe à la mode, en passant par les caprices d’une femme enceinte, prête à accoucher, ou par cette femme adultère qui, prise sur le fait, parvient, à force de rhétorique, à se faire enlacer l’amant et le mari trompé qui se séparent bons amis jusqu’à cette dernière joie où le mari est rendu cocu à la vue de tous, l’auteur met en scène des femmes trompeuses et égoïstes, prêtes à manipuler leur époux pour prendre du bon temps.
Toutefois, il convient de nuancer ce côté misogyne qui transparaît dans l’œuvre : certes, les femmes tiennent le mauvais rôle dans les différents récits, mais qu’en est-il de l’homme trompé et abusé, celui qui, au Moyen Âge, contrôle les affaires de la maison, cette figure qui est d’autorité ? Il tient un rôle peu flamboyant, dont on pourrait rapprocher la naïveté à celle d’Orgon dans le Tartuffe de Molière : l’époux, le maître de maison est alors présenté comme un individu incapable de gérer correctement sa maison, contrebalançant alors ce côté misogyne qui était habituel à l’époque.
Signalons que l’édition de Nelly Labère permet de rendre accessible le texte à un plus large public que les différentes éditions scientifiques qui ont l’inconvénient d’être onéreuses. Prenant le parti de proposer le texte médiéval d’un côté et une traduction nouvelle sur la page de droite, l’ouvrage permet aux lecteurs de se rapprocher du texte original pour en chercher une nouvelle signification et en savourer l’humour dans la langue de l’époque. Et, loin de proposer un ouvrage moralisateur, Les Quinze Joies du mariage est une satire présentant une guerre des sexes donnant la part belle à la femme, comme pour la mettre à l’honneur. Drôle et impertinent, ces récits, à lire d’un œil toujours amusé, sont une caricature dont on parvient encore à trouver les grandes lignes dans notre monde moderne et, de ce fait, un petit bijou d’ironie mordante.
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