"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Un fils porte un regard sur la relation qu'il a avec son père ; sur cet homme dont il espère la reconnaissance ; sur lui-même, devenu père à son tour.
Le regard d'un père est le travail le plus personnel de l'auteur, un récit où l'émotion contenue au fil des années se libère avec pudeur et sincérité.
Voilà une bd juste et sensible, dévoilant ainsi la réserve que de nombreux hommes devenus père contiennent à l'égard de leurs enfants par pudeur.
Laurent Bonneau nous ouvre son intimité et ses sentiments.
Et cela touche évidemment car nombre d'entre nous l'ont vécu aussi et n'ont pas su s'affranchir de cette retenue.
Ces relations père-fils sont souvent très particulières et distantes, tout en non-dit, où la timidité et la fierté masculine empêche d'exprimer pleinement et sereinement ses émotions.
Et avec cet ouvrage, Laurent Bonneau se libère et casse majestueusement cette barrière invisible, en faisant d'une pierre deux coup : exprimer ses sentiments à son père mais aussi préparer sa relation avec ses enfants.
Ceci dit, cette bd a ceci de magique aussi que tout semble encore rester en retenue et en discrétion.
Le graphisme réaliste fort et puissant de l'auteur accompagne élégamment cette humanité et cette sensitivité.
Les grandes cases et les très fréquentes pleines pages offrent un tableau à admirer à chaque fois. Elles nous permettent de savourer ces instants de simplicité et de familiarité.
Elles nous accompagnent aussi vers une sensation de liberté, de soulagement comme si le plus gros des fardeaux avait été vaincu.
Les compositions sont légères, harmonieuses et singulières. Elles représentent banalement des épisodes de vie, mais qui restent de souvenirs marquants et précieux aux yeux d'un homme affranchi.
Des petits "rien" qui font l'excitation d'une vie, une poésie quotidienne, un enchantement commun.
On prend ainsi le temps d'apprécier la vie, sa douceur et ce qu'elle propose de plus beau : l'humain
Les tonalités des couleurs sont judicieusement choisies.
Entre les nuances de noir et blanc afin d'évoquer le père et les souvenirs, les explosions de couleurs pour témoigner de l'instant présent et de la fraicheur de la jeunesse mais aussi de porter un regard certain vers un avenir serein, et enfin cette palette de bleu neutre pour recentrer le récit sur soi et ses sentiments, c'est une extase visuelle.
On se laisse porter ainsi au grés des vents, à suivre un chemin tracé semé d'embuches qui égayeront chaque jour, chaque moment et qu'un père accompagnera pour les surmonter de par son modèle et son stoïcisme du a son expérience.
Ce livre est un formidable témoignage d'amour pour son père. Un merci en majuscule, silencieux mais tellement émouvant qu'il en résonne encore aux yeux des lecteurs.
Une reconnaissance quasi éternelle pour celui qui lui a offert son sang, son éducation, sa patience, sa bienveillance.
Un regard tendre et réfléchi pour n'en tirer que la beauté du lien filial.
Ce récit est donc une bulle d'air dans ce monde de brutes.
Il ne nous révèlera pas les secrets pour devenir un bon parent si tant est qu'il y en a un...
Mais par contre il nous rappelle efficacement qu'il ne faut plus attendre pour dire les sentiments et les "je t'aime", et cela sans aucune honte à avoir.
Il faut le faire avant qu'il ne soit trop tard et que les regrets/remords ne deviennent résiduels.
Voilà donc un beau livre très intimiste, délicat et presque bouleversant eu égard aux émotions qu'il peut faire ressurgir.
Une belle lecture.
Ce livre me faisait peur… mais je me sentais attiré par lui et je savais qu’il fallait que je le lise.
Autant commencer l’année avec lui, en dépassant cette peur …
Laurent Bonneau nous offre un récit intime, personnel et ô combien universel. Il décide de ne pas attendre l’absence. Au moment où lui-même il devient père, il veut rendre hommage au sien de son vivant.
L’hommage n’évite pas les questions, les doutes, les souvenirs se confrontent à la réalité, on remonte le temps et on s’observe avec lui devenir père, comme un reflet.
C’est aussi magnifique, très varié graphiquement, fusain, couleurs, photos, Laurent Bonneau sait clairement toucher le lecteur autant par ses mots que par son dessin. Je referme ce livre en l’enviant presque d’avoir pu offrir ce beau cadeau à son père, d’avoir pu lui ouvrir son cœur avant qu’il ne soit trop tard, d’avoir le dessin pour remplacer les mots.
L’émotion est souvent à fleur de pages, je me suis identifié au narrateur, me suis posé les mêmes questions, chacun sera touché par la lecture de ce livre, c’est une certitude.
Au final, voilà une émotion qui me donne envie de prendre 2022 à bras le corps. « Doit-on attendre l’absence pour manifester sa présence ? » , n’attendons pas… Belle année à vous tous !
Regard, un beau mot, mouvement des yeux qui assimile ce qu’il voit, qui imprime au fond de l’être les images et leurs émotions. Je me suis toujours interrogée sur le pourquoi les maladies neurodégénératives effacent le regard de l’être atteint, il y a l’explication scientifique, mais…
Laurent Bonneau qui a fait du regard un métier, s’exprime avec son art sur Le regard d’un père, le sien et celui qu’il devient.
Regard qui se promène, il peut scruter ou effleurer, s’attarder ou se détourner, par le regard il y a existence.
Laurent Bonneau trace à grands traits des paysages colorés, ceux de l’enfance et de la liberté de l’innocence.
Innocence que nous perdons trop vite et qu’ensuite nous cherchons ou bien est-ce elle qui nous rattrape quand nous sommes, enfin, ancrés dans notre présent.
Couleurs et odeurs, un vélo et le nez au vent, vivre sa journée. La renouveler comme une promesse de vie, une introspection de ce qui construit l’homme en devenir.
« Nous naissons
Nous avons nos parents
Qui pour nous ne sont
Que de vivants monuments
Nous rêvons leur aura
Nous rêvons notre vie
Nous rêvons nos enfants
Nous nous rêvons parents
Nos enfants naissent
Nous ont comme parents
Pour eux nous ne sommes
Que des repères, des piliers
Qui donnent sans compter
Nous les aimons enfants
Puis nous les rêvons grands
Indépendants
Nous renaissons »
Ces mots comme antienne de la vie, immuables.
Il y a urgence à dire les choses quand il est encore temps, du vivant des êtres.
Devenir parent nous renvoie, comme un boomerang, les non-dits de notre histoire.
Laurent Bonneau entremêle avec subtilité ces émotions qui émergent, affleurent encore et encore en une ronde inépuisée.
Des couleurs qui éclatent car la vie au quotidien nous dit l’urgence de faire, des jours qui n’ont pas assez d’heures, l’enfance et ses paysages qui sont nos traces, le passé celui de nos parents, génération qui dit peu ou tard, qui a subi et s’est plutôt bien construit. Parfois ne pas avoir les mots ce n’est pas ne pas éprouver, c’est aussi ne pas vouloir encombrer ses enfants de sa propre existence alors que lui doit construire la sienne. Mais la vie est une belle chaîne faite de maillons, qui finalement peu ou prou se transmettent.
Il y a une force inouïe dans ces dessins, des émotions transmises par des couleurs fluctuantes, qui nous amarrent au temps.
Laurent Bonneau a un talent fou pour nous raconter « son » histoire intime et faire que nous lecteurs nous entamions le voyage de notre intimité.
Nos images se superposent aux siennes, nos émotions sont là, très fortes parce que nos parents n’y sont plus, et que nous n’avons pas cet art d’imprimer cette vie dans un album.
Se souvenir !
« Devenir parent est le plus grand des miroirs. » Quelle merveilleuse conclusion ouverte.
Merci à Masse Critique Babelio et aux éditions Des ronds dans l’O, pour ce sublime cadeau.
©Chantal Lafon
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