"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Intégré à La comédie humaine en 1846, Le chef-d'oeuvre inconnu évoque le lien entre amour et peinture.
C'est la rencontre de trois génies, le jeune Nicolas Poussin, Porbus, peintre à la cour d'Henri IV, et maître Frenhofer. Entre eux s'installent l'admiration et le respect. Mais une oeuvre mystérieuse et deux femmes, Gillette et Catherine Lescault, viennent rapidement troubler leurs relations. Passion pour l'art, dilemmes sentimentaux, incompréhension, déception mèneront à leur séparation et à la mort de l'un d'eux.
Dans La maison du Chat-qui-pelote, écrit en 1829, Balzac aborde les thèmes de l'amour et des différences de classes sociales et culturelles dans la France du début du XIXe siècle.
Ce court texte est écrit en 1831, publié dans le journal L’artiste la même année, puis dans un recueil Romans et contes philosophiques, chez Charles Gosselin remanié a diverses reprises, notamment en 1837 pour lui une portée plus philosophique moins axé donc sur l'intrigue et en 1845, version que Flammarion édite dans cette collection Etonnants classiques.
Je ne suis pas un spécialiste des grands classiques, je n’en ai pas lu énormément. Balzac m’a toujours fait un peu peur par ses longues descriptions parfois difficiles à lire de bout en bout : même dans ce petit texte, il y a un ou deux passages longuets qui n’apportent rien au récit, qui l’alourdissent même (suis-je bien fier pour me permettre de critiquer ainsi Balzac ici ?). Mais lorsque Balzac fait parler Frenhofer, quelle force et quels propos : "La mission de l’art n’est pas de copier la nature, mais de l’exprimer ! Tu n’es pas un vil copiste, mais un poète !" (p.38), et je vous passe la suite qui est une vraie leçon pour tous les peintres, sculpteurs, écrivains, tous les créateurs à qui il dit (je ne peux quand même pas raisonnablement tout passer) : "Il vous faudra user bien des crayons, couvrir bien des toiles avant d’arriver. Assurément une femme porte sa tête de cette manière, elle tient sa jupe ainsi, ses yeux s’alanguissent et se fondent avec cet air de douceur résignée, l’ombre palpitante des cils flotte ainsi sur les joues ! C’est cela, et ce n’est pas cela ! Qu’y manque-t-il ? Un rien, mais ce rien est tout. Vous avez l’apparence de la vie, mais vous n’exprimez pas son trop-plein qui déborde, ce je-ne-sais-quoi qui est l’âme peut-être et qui flotte nuageusement sur l’enveloppe ; enfin cette fleur de vie que Titien et Raphaël ont surprise." (p.40)
Le vrai personnage principal de cette œuvre est bien sûr Frenhofer. Personnage atypique qui ne rêve que de son chef-d’œuvre qui ne vit que pour le réaliser ou pour tendre vers sa réalisation qu’il repousse tant il n’est pas persuadé de la réussir et tant il sait qu’une fois qu’il l’aura réalisée, sa vie n’aura plus de sens. Un personnage énorme qui m’a emballé par ses emportements, ses théories qu’il énonce fortement et distinctement sans avoir cure des petites fiertés ou susceptibilités des uns et des autres. Et les souvenirs que j’avais de l’écriture un rien empesée de Balzac en prennent un coup : pas si datée que cela -certes certaines expressions, certains mots ne sont plus usités actuellement, tels "Tudieu" ou encore la si belle suite d’injures qui devrait faire son retour, parce qu’elle est tout simplement magnifique : "Tu ne vois rien, manant ! maheustre ! bélître ! bardache !" (p.64), c’est quand même mieux que ce qu’on peut lire de nos jours !- et même assez actuelle si l’on lit certains auteurs qui travaillent un peu leur langue.
Un classique passionnant, conseillé par un ami, qu’à mon tour je ne peux que conseiller à tous, amateurs d’art ou non. C'est un livre écrit il y a plus de 180 ans et qui colle parfaitement à une analyse des peintres modernes, notamment tous ceux qui ont commencé à destructurer le dessin, tels Picasso, Braque et nombreux autres.
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