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«N'est pas Narcisse qui veut. Combien se penchent sur l'eau qui n'y voient qu'une vague apparence d'homme. Genet se voit partout; les surfaces les plus mates lui renvoient son image; même chez les autres, il s'aperçoit et met au jour du même coup leur plus profond secret. Le thème inquiétant du double, image, sosie, frère ennemi, se retrouve en toutes ses oeuvres. Chacune d'elles a cette étrange propriété d'être elle-même et le reflet d'elle-même. Genet fait apparaître une foule grouillante et touffue qui nous intrigue, nous transporte, et se change en Genet sous le regard de Genet. Dans le Journal du voleur, le mythe du double a pris sa forme la plus rassurante, la plus commune, la plus naturelle:Genet y parle de Genet sans intermédiaire; [...] Son autobiographie n'est pas une autobiographie, elle n'en a que l'apparence:c'est une cosmogonie sacrée. Ses histoires ne sont pas des histoires:elles vous passionnent et vous fascinnent mais vous croyiez qu'il vous racontait des faits et vous vous apercevez soudain qu'il vous décrit des rites; s'il parle des mendiants pouilleux du Barrio Chino c'est pour agiter somptueusement des questions de préséance et d'étiquette:il est le Saint-Simon de cette Cour des Miracles. Ses souvenirs ne sont pas des souvenirs:ils sont exacts mais sacrés; il parle de sa vie comme un évangéliste, en témoin émerveillé... si pourtant vous savez voir, à la jointure, la ligne mince qui sépare le mythe enveloppant du mythe enveloppé, vous découvrirez la vérité, qui est terrible.» Jean-Paul Sartre.
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