Et si on sortait des sentiers battus de la rentrée littéraire ?
« Après Il fallait que je vous le dise, Aude Mermilliod continue dans Éclore, d'explorer son intimité sexuelle, sentimentale et psychologique. Elle se livre avec une sincérité et une liberté confondante à une analyse de ses expériences passées, qui l'ont parfois construite, parfois morcelée, mais dont elle a toujours appris et tiré des leçons.
Parcours résilient d'une femme en territoire intime, Eclore est un témoignage indispensable, un album tout en harmonie, d'une grande sensualité, durant lequel Aude Mermilliod va germer, s'éveiller et s'épanouir, entraînant les lectrices et lecteurs dans sa quête d'équilibre. »
Et si on sortait des sentiers battus de la rentrée littéraire ?
Aude Mermilliod se raconte, depuis son enfance jusqu’à aujourd’hui. Le fil conducteur est son corps, la connaissance et la compréhension qu’elle a de lui. Avec beaucoup de pudeur – à aucun moment, la vulgarité, le malaise ou le voyeurisme ne sont des ressorts de narration – et une mise en scène inventive, ce roman graphique raconte la succession de violences subies et qui ont marqué son corps.
La couverture illustre très bien l’état d’esprit et la ligne narrative de cette bande dessinée. Le corps d’une femme assise de profil dont la nudité est recouverte par l’ombre de fleurs et de plantes. Ces derniers éléments sont un clin d’oeil direct au titre et à l’émergence du personnage vis-à-vis de soi. Aude Mermilliod rappelle à quel point la question corporelle et charnelle, parfois, est nécessaire à penser comme parcours. Comment a-t-on appris que nous avions et étions un corps ? Un corps désiré, jugé, admiré, dénigré, objet de curiosité ? Nous n’avons pas encore réglé la question de notre propre regard sur lui que le regard des autres intervient. Or, quand c’est le regard et le désir des autres qui dessinent l’image de soi alors il y a un risque de ne pas se connaître et de se perdre. Le chemin se fait alors à l’envers. Le personnage principal doit se détacher d’autrui, se libérer des invectives, pour revenir à soi et se découvrir.
Les dessins, la manière que l’autrice a d’approcher les corps et de mettre en scène des souvenirs personnels sont bouleversantes. Elle dessine et raconte la réalité dans sa plus simple composition. Tout ce qu’il faut regarder c’est l’interaction des corps. Les hommes ont des comportements divers mais un point commun tout de même, le positionnement sexuel, social vis-à-vis d’une femme. Ce schéma tellement répété ressemble à un étau et l’autrice propose des perspectives d’ouverture. Elle traite également de la question de désir, d’un endroit où les corps peuvent dialoguer.
Progressivement, elle tente de tirer des leçons de ces expériences et de voir l’espace qu’elle peut emprunter. Un espace que la société ne lui offre pas simplement mais un espace pour lequel elle doit se battre.
A 14 ans, Aude est victime d’une agression sexuelle, qu’elle n’ose pas nommer viol. Elle n’a pas su dire non une seconde fois et le garçon a profité de sa faiblesse. Les années qui suivent sont difficiles, puis elle explore sa sexualité, tente, ose. Ce récit particulièrement intime raconte comment la jeune femme parvient à vivre malgré le traumatisme bien enfoui. Il dit aussi combien il est difficile pour une femme de parler de l’agression qu’elle a subie et que parfois, sa parole ne se libère que des années plus tard.
J’ai découvert Aude Mermilliod avec Il fallait que je vous le dise, un album autour de l’avortement. Elle explore cette fois, son intimité, ses désirs, ses peurs, ses doutes, ses questionnements sur l’amour, sur la relation à deux -ou a plusieurs-, sur la sexualité de manière approfondie. Les dessins et les propos sont très réalistes, très beaux, flirtant parfois avec la poésie, avec l’onirisme. Ils peuvent mettre mal à l’aise et choqueront les prudes et les puritains.
Un album qui évite le manichéisme qui parle évidemment des femmes mais aussi des hommes, des agresseurs bien sûr, mais aussi des autres. Il y a en lui, une fluidité, une profondeur dans l’intimité comme j’ai rarement vu dans la bande dessinée. Elle reste néanmoins pudique, n’est pas voyeuse et encore moins salace. Un exercice pas facile que Aude Mermilliod réussit à merveille.
Avec ÉCLORE, Aude Mermilliod nous ouvre la porte de son intimité avec sensibilité et franchise. Elle y dévoile son cheminement personnel, sa relation à la sexualité, ses amours vécues et ses diverses expériences amoureuses, qui tour à tour l’ont renforcée ou laissée profondément meurtrie. Au fil des pages, nous pénétrons l’univers d’une femme en quête d’équilibre, aspirant à une paix intérieure, cherchant à comprendre, à se révéler, à s’approprier ses désirs et ses failles pour se reconstruire et avancer.
« C’est trop important et sacré pour le faire quand tu n’en as pas vraiment envie. Pas de pression. »
C’est un voyage introspectif où se mêlent désillusions et espoirs, le courage de se montrer vulnérable, d’accepter ses blessures tout en avançant vers la possibilité de la guérison. Entre mondes intérieurs et résonances émotionnelles, ce témoignage, à la fois sincère et bouleversant, explore le poids des expériences de jeunesse, les traumatismes, la quête de liberté et d’épanouissement.
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