"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
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Ce qui m'a attirée dans le choix de ce livre, c'est LA phrase. La longue et unique phrase qui compose ce roman. Peut-on même parler de phrase d'ailleurs ? Pas de majuscule en début, ni de point final. Parlons plutôt d'un souffle. un long souffle, avec peu de virgule, mais heureusement quelques retours à la ligne pour reprendre sa respiration.
"clair comme de l'eau de roche sur les murs et dans le mouvement de chaque mot et de chaque ligne, j'étais la forme sous-jacente qui poussait le tout en vagues jusqu'au plafond"
Marcus Conway est assis à la table de sa cuisine, seul. On est le 2 novembre et c'est l'heure du bulletin d'information, à la radio. C'est l'occasion de se souvenir. de revenir sur sa jeunesse, son mariage, ses enfants. Mais c'est aussi le moment de parler politique, économie, vie locale.
Pendant plus de trois cents pages, on écoute Marcus partir dans ses divagations. Son esprit s'égare, il passe d'un sujet à un autre. Et il nous emmène avec lui. Au fil de ses digressions on apprend à le connaître. Mais aussi sa famille.
Malheureusement pour moi, j'ai vite perdu le fil, je me suis perdue dans cette longue et unique phrase. Enfin, j'ai surtout été désorientée quand Marcus s'éloignait de sa propre vie et de celle de sa famille. Les aspects économiques, politiques et le contexte social ont eu raison de moi. C'est vraiment dommage parce que tout ce qui se rapportait au contexte familial était très intéressant. Si je suis allée jusqu'au bout, je l'avoue, j'ai lu certains passages en diagonale. Mais pour la fin, je n'ai pas regretté d'avoir persévéré.
"voilà comment une fois encore je perds le fil
emporté par les souvenirs
balayé dans cette espèce de rêverie qui n'a qu'un rapport tangentiel avec les pensées précédentes"
Le style de Mike McCormack est très beau, sa plume est originale. S'il ne met jamais de point, ses propos sont fluides et coulent les uns après les autres. Et l'absence de point final interpelle beaucoup. Comme si les souvenirs de Marcus était un cycle sans fin. Comme si arrivé à la fin du récit, on pouvait recommencer le roman du début. A l'infini.
"voilà comment l'esprit s'effiloche et sombre dans l'idiotie et la bêtise
si on lui lâche la bride
l'esprit au repos se débobine à l'infini"
D'os et de lumière est un objet littéraire très particulier, et original. Un roman qui ne laisse pas indifférent ni par la forme ni par les mots. Un livre qui s'écoute plus qu'il ne se lit.
Merci aux éditions Grasset pour cette lecture.
D’os et de lumière est une plongée en apnée dans la vie de Marcus Conway, irlandais installé et natif du comté de Mayo sur la côte occidentale de l’Irlande.
Un récit de plus de trois cent pages en une longue pensée, une longue phrase sans autre ponctuation que la virgule, saccadée par la rupture de groupes de mots au milieu de leur énonciation, rythmée parfois par des tierces de mots ( « rites, rythmes et rituels »). Le récit d’une vie qui peut surprendre par sa banalité mais accroche par sa ressemblance avec nos vies quotidiennes. C’est le récit d’un fils, d’un mari, d’un père, d’un citoyen, d’un ingénieur. Pour un lecteur d’un âge identique, c’est tout ce que nous sommes.
Nous découvrons Marcus en « ce putain de jour » où l’angélus sonne. Marcus est assis à la table de la cuisine. Il semble submergé, convaincu que sa femme et ses enfants ne repasseront pas par ici. J’ai souvent senti dans ce récit le poids d’une menace, d’une angoisse.
Les pensées de cet homme vont et viennent. A l’âge de son père, il se souvient de lui. Ce paysan pêcheur savait voir le monde dans sa globalité. La perte de sa femme l’a complètement déboussolé.
Aujourd’hui avec Mairead, sa femme, ils sont à cette période où les enfants sont partis vivre leur vie. Agnès, la fille aînée, monte sa première exposition, des oeuvres avec son propre sang, ce qui angoisse Marcus. Darragh, le fils, parcourt le monde, il est actuellement en Australie. Ce garçon bohème qui ressemble de plus en plus à un homme des bois communique par vidéo avec son père. Marcus et Mairead sont des parents inquiets qui s’interrogent parfois sur la qualité de leur éducation.
Marcus est aussi un citoyen qui ne rate jamais les informations à la radio ni la lecture des journaux. Ingénieur, il est confronté aux manigances politiques au détriment de la sécurité. Et c’est avec cette crise sanitaire, une pollution de l’eau qui a provoqué une grave intoxication chez Mairead et bon nombre d’habitants de Louisburgh que Marcus prend conscience de la fragilité de la vie.
Cet homme est touchant par son humanité, sa façon de raconter les instants de sa vie. Je me sens proche de sa vision du monde avec ces instants anodins qui résonnent pourtant de tant de plénitude.
Il est difficile de conseiller largement cette lecture parce que le style peut décontenancer, le fond décevoir. Je le conseillerai peut-être aux amateurs des romans de Jonathan Coe. Personnellement, j’ai beaucoup aimer vivre cette journée dans la tête de Marcus. Le monde s’arrête souvent à ce que nous sommes, à ce que nous en visualisons, ce que nous en pensons. Le monde de Marcus me parle.
lien : https://www.livresselitteraire.com/2019/01/dos-et-de-lumiere-de-mike-mccormack.html
Il est ce premier livre ouvert de la rentrée de janvier. Il est aussi cette première claque. Cet objet littéraire non identifié qui recèle une liberté folle. Un livre servi d'un souffle. Une phrase unique, une ponctuation minimaliste mais un contenu grandiose.
Publié par L'ivresse littéraire janvier 09, 2019
D'OS ET DE LUMIÈRE DE MIKE MCCORMACK : INCANTATION VENUE D'IRLANDE
D'os et de lumière
Paru aux éditions Grasset - Collection En Lettre d'Ancre
352 pages
Il est ce premier livre ouvert de la rentrée de janvier. Il est aussi cette première claque. Cet objet littéraire non identifié qui recèle une liberté folle. Un livre servi d'un souffle. Une phrase unique, une ponctuation minimaliste mais un contenu grandiose. Alors, vous la sentez la dingue qui va vous parler constamment de ce livre ?
2 novembre, jour de la fête des âmes. La cloche de l'angélus retentit. Marcus Conway, ingénieur civil, la cinquantaine passée, est assis dans sa cuisine. Une douleur, là dans la poitrine. Un vertige. Désorienté, il attend que Mairead, sa femme depuis trente ans, rentre du travail. Il déambule, ouvre le journal local et national. A treize heures, il allumera la radio pour écouter les informations. Une vieille habitude qu'il tient de son père.
Dans sa solitude du moment, il désosse sa vie comme un bilan de parcours. Le croit-on en tout cas.
Plonger dans ses souvenirs, dans la vie de ce comté. Ces terres où il est né, où il a construit sa vie de famille. Père de deux enfants. Agnes, artiste revelée lors de sa dernière exposition qui met en lumière des faits divers peints de son sang. Et Darragh parti arpenter le monde en Australie.
Des fragments de mémoire prenant vie sous nos yeux. Des paysages irlandais, entre mer et terre, ses virages de routes et de vie en passant par cette maison familiale qui s'anime à mesure que les souvenirs se dépoussièrent puis qui nous retient en apnée lorsque la maladie frappe. Violente. Une maladie qui touche près de quatre cent personnes dans le comté. Une contamination de l'eau. Un virus provenant des déjections humaines.
Marcus s'interroge, a-t-il été un bon père quand il voit l'expression artistique de sa fille et le choix de vie de son fils ? Est-il un bon mari, là au chevet de sa femme, dans cette intimité poisseuse de la maladie ? Cette femme cultivée et passionnée pour laquelle il se souvient avoir ressenti un désir fulgurant puis l'avoir un jour trahie. Une fois, juste une fois. Mairead, dont il mesure aujourd'hui l'amour qu'il a pour elle. Ne prend-on pas conscience de l'importance des êtres lorsque le chaos s'abat ?
Et puis, a-t-il été un homme correct dans sa vie d'ingénieur ? Dans cette vie régit par les batailles politiques. Répondre aux exigences des uns en prévision d'une réélection. Deviendrait-il comme son père, à sombrer doucement dans la folie ? Ce portrait poignant d'un homme hors normes. Visionnaire qui avait perçu le bouleversement contre l'avis de tous et des médias.
D'os et de lumière révèle la complexité d'une vie en apparence simple tout en la célébrant. Il se veut représentatif de notre époque, de ce qui est en train de se jouer dans nos sociétés à travers nos actions, nos décisions, nos médias. De ces rétrospectives, comme des fondations de vie, découlent une réflexion poussée sur le monde, l'ordre du monde à travers des questionnements quasi métaphysiques, un rapport au céleste. L'univers ingénieur en quelque sorte.
On pourrait aussi croire que D'os et de lumière est un long poème mélancolique mais ce serait sous-estimer ce roman inclassable qui répond davantage à une ritournelle ponctuée par les cloches de l'angélus. Par la douleur. Par les montagnes, les rivières et les lacs. Un chant proche de l'incantation. Quelque chose d'en-têtant, de transcendant. Qui vous colle frissons et baffes dans la foulée. Certains passages (et il y en a un petit paquet) sont d'une beauté et d'une justesse à couper le souffle. Dans cette construction libre de toute règle, l'écriture s'embrase et danse sous nos yeux à mesure que le vide se profile. Et cette voix, si singulière, m'a laissé bouche-bée.
Merci à Netgalley et aux éditions Grasset de m'avoir permis la lecture de ce roman déroutant.
Déroutant par sa construction puisqu'il n'y a pas de ponctuation et par la chute inattendue. Marcus ,ingénieur et sa femme Mairead,professeure vivent à Louisburgh en Irlande ,proches de leur fille ,jeune artiste peintre et éloignés de leur fils qui bourlingue en Australie.
Au fil de ce roman,Marcus revient sur son passé ,son travail ,la naissance des ses enfants,la mort de ses parents.Un livre atypique.
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