Liens du sang, quête de soi ou des origines, oppression et émancipation : des romans puissants venus du monde entier
De Bamako à Paris, deux amis, Manthia et Toko, vivent la route de l'exil de façon très différente.
Ils sont originaires du même village au Mali. À la vingtaine, face à une récolte infructueuse, ils n'ont d'autre choix que de rejoindre la capitale, Bamako. Mais en 1991, les troubles politiques et sociaux les poussent à nouveau à partir. En France cette fois.
C'est Manthia qui raconte leurs histoires depuis un centre de rétention administrative. Il se confie à son avocat grâce à un traducteur en espérant obtenir des papiers. Le traduc-teur l'interrompt souvent. Est-ce qu'il cherche le mot juste ou à le contraindre à un autre discours ?
Diadié Dembélé raconte avec force et originalité l'his-toire des siens entre la France et le Mali, et une profonde histoire d'amitié.
« A travers le destin individuel de son héros, Diadié Dembelé parvient ainsi à étayer avec beaucoup de finesse la réflexion sur la question migratoire. »
Le Monde Afrique
Liens du sang, quête de soi ou des origines, oppression et émancipation : des romans puissants venus du monde entier
Manthia parle, et parle encore. Au traducteur qui doit compléter son dossier pour le juge. Car Manthia le malien est en centre de rétention après avoir été arrêté avec de nombreux autres sans papiers à Paris, dans les années 1990.
Il vivait dans un petit village qu'il a dû quitter pour aller à Bamako tenter de gagner assez d'argent pour aider ses parents et faire vivre sa toute jeune femme. Contraint au départ, il ne peut rester à la capitale que des troubles politiques rend incertaine.
C'est donc en France qu'il arrive, avec Toko, son ami du village forcé à l'exil lui aussi
L'arrivée au pays de cocagne est violente et difficile. Les promesses de vie meilleure s'avèrent des fables racontées pour rassurer ceux restés au pays et qui attendent l'argent que doivent leur envoyer les émigrés. Pas de papier, pas de travail, pas de logement. Mais des galères, des dettes à vie pour rembourser le passage, les aides, les parents voleurs et profiteurs de ces hommes qui ne parlent pas la langue et vivent dans la plus grande précarité.
Avec sa langue imagée et vivante, Diadié Dembélé fait raconter par Manthia l'enfance, la jeunesse, le village, les contraintes liées à la famille et aux obligations de soutien que cela implique. Mais aussi les galères rencontrées par tous ceux qui ont un jour quitté le pays pour se fracasser sur la barrière de la langue, de la loi, de la justice, d'un pays pas toujours prêt à les accueillir malgré toute la bonne volonté dont ils peuvent faire preuve.
Manthia raconte son histoire à un interprète. Il commence son récit par sa famille, son village au Mali. On sent le poids des traditions familiales. Il ne peut faire ses propres choix, obligé de subir la colère de son père et de travailler dans les champs. Mais quand une invasion de criquets détruit la récolte, Manthia doit partir à la ville, à Bamako pour travailler et nourrir sa famille. Mais là encore, il ne décide de rien. C’est son oncle qui organise tout. Il ne dispose pas de son salaire qui va directement à ses parents. Son ami d’enfance, Toko, le rejoint. Ils ne se quittent plus à partir de ce moment-là.
En 1991, des troubles politiques et sociaux obligent Manthia à partir plus loin pour gagner sa vie. Son oncle prépare son départ, les papiers, le billet d’avion. Avec un visa de touriste, il arrive à Paris chez un membre de sa famille, Samba, le fils de son oncle. Il vit dans un foyer avec d’autres africains sans-papiers. Il effectue des missions d’intérim sur des chantiers. Là aussi son salaire ne lui est pas versé directement mais sur le compte de Samba qui ne lui reverse qu’une petite partie, le reste servant à rembourser son oncle, payer sa place dans le foyer, etc. Manthia attend désespérément une réponse à son dossier de régularisation pour sa situation en France. Contrairement à Toko, il s’impatiente, se rebelle. Il veut être libre, s’intégrer en suivant des cours de français.
A qui Manthia raconte-t-il sa vie et dans quel but ? On le découvre au fur et à mesure de la lecture du roman. L’amitié entre les deux jeunes Maliens n’est pas toujours simple mais révèle finalement une belle fraternité et solidarité. Le courage et la détermination animent ces deux jeunes hommes, l’espoir aussi.
Ce roman retrace l’histoire des sans-papiers occupant l’église Saint-Bernard à Paris en 1996. Evénement qu’on a ensuite nommé « mouvement des sans-papiers ». On ne peut qu’être touché par le récit de Manthia, dont la vie reflète certainement des témoignages entendus par l’auteur.
J’aurais aimé encore rester un peu avec Manthia et savoir ce qu’il advient après ce douloureux exil. C’est bien là le signe d’un personnage attachant. J’avais beaucoup aimé la langue et l’écriture du premier roman de Diadié Dembélé. Je retrouve avec plaisir sa plume dans ce second roman. J’ai eu l’impression par moment d’entendre un griot me raconter une histoire. Il y a de nombreuses expressions africaines. La langue maniée par l’auteur est belle et vivante. Un roman malheureusement toujours d’actualité, 20 après les faits décrits.
« Un homme sur les routes est un homme sans patrie »
Diadié Dembelé – Prix littéraire de la Vocation 2022 – replonge dans l’histoire du Mali avec ce nouveau roman qui est un tour de force sur l’échelle des belles lettres. Le jeune romancier déploie un éventail de mots, d’expressions, de métaphores, de poésie à en faire tourner la tête : c’est beau, subtil, vivant et d’autant plus une gageure que le sujet est grave : l’exil et cette foutue intégration qui veut à la fois tout dire et ne rien dire.
Manthia et Toko sont nés dans un même village au Mali. Leurs vies sont différentes, leurs caractères distincts mais ils se considèrent comme deux frères. Manthia est sous la coupe de son père et travaille sans interruption, une vie de labeur dans cette campagne malienne. Toko vient l’aider de temps en temps. La famille de Manthia a été riche, puissante mais tout est parti de Charybde en Scylla et Manthia, pour pouvoir aider ses parents, doit partir chez un oncle à Bamako où le rejoint Toko. Un oncle qui exploite, des troubles politiques font que Manthia va partir beaucoup plus loin, en France. Toko partira aussi mais séparément. Les deux prennent alors une trajectoire bien différente. Toko s’intègre, obtient des papiers. Manthia s’enfonce chaque jour un peu plus, refuse l’exploitation de ses pairs et des Européens. Depuis le centre de rétention administrative, Manthia raconte à son traducteur sa, déjà, longue histoire et pourquoi il a atterri dans ce centre. Car la tradition orale est un socle en Afrique.
Un roman bouleversant, entre violence et amitié, amour et désamour, espoir et résignation. Avec une parfaite maîtrise de la langue - puisée dans le berceau de l'humanité - le romancier relate avec une incroyable authenticité les us et coutumes maliennes sans fioritures aucune. À coups de plume, il fait exploser le choc des civilisations, les règles et injonctions claniques et le miroir aux alouettes du continent européen.
Blog Le domaine de Squirelito =>> https://squirelito.blogspot.com/2024/01/une-noisette-un-livre-deux-grands.html
De leur village du Mali où ils vivent en famille, Manthia et Toko sont « deux grands hommes et demi », ni ados ni adultes. Leur origine sociale un peu différente, le père du premier commerçant en faillite et Toko ancré dans une « famille enracinée dans la terre », n’est pas un frein à leur amitié. Leur point commun est de vivre sur cette terre appauvrie par la sécheresse ou par les invasions d’insectes qui détruisent les pauvres récoltes.
De leur village à la banlieue parisienne, ils passent par Bamako. C’est en 1991, l’année du soulèvement contre le régime politique deTraoré. L’aventure continue avec l’aide des « cookseurs » qui se chargent évidemment de toutes les démarches pour obtenir un visa... ils s’envolent pour la France. Devant être hébergés par le cousin de Manthia à Paris, un brin d’espoir les accompagne.
Leur galère, Manthia la raconte à son avocat par l’intermédiaire d’un traducteur. Qu’il semble difficile d’imaginer les étapes d’embûches perpétuelles auxquelles sont confrontés deux jeunes, ayant déjà subi un régime patriarcal absent d’affection, d’ailleurs à l’origine de leur exil. Que d’obstacles à lever avant de pouvoir seulement parler d’intégration : dissimuler les différences physiques, les pratiques sociales et culturelles, la barrière de la langue, l’exploitation et le non-respect dans le travail… sans même parler de la sensibilité de chacun, des fragilités personnelles ! Toutes ces choses, s’il elles ne sont pas ainsi dénommées, sont exprimées dans l’entretien de Manthia avec l’homme de droit.
Sous une plume que j’ai perçue comme imprégnée des aspérités de deux jeunesses fracassées, je referme cet opus avec un sentiment de colère et d’injustice. A l’heure où je rédige ce commentaire, le Conseil Constitutionnel vient de juger les termes d’une loi qui aurait pu concerner directement Manthia et Toko et leurs frères d’infortune…
Je suis reconnaissante envers Diadé Dembélé et ces autres écrivains, reconnaissante envers la littérature qui donne à lire romans ou récits qui racontent d’autres vies que les nôtres, nous lecteurs souvent confortablement installés.
Merci à Babelio et aux éditions Lattès.
Manthia, tente tant bien que mal de cultiver les terres de son père, un ancien commerçant ruiné. Mais la sécheresse et la famine guettent. Pour subvenir aux besoins de la famille, Manthia est contraint de quitter son village pour devenir ouvrier chez son oncle, un commerçant de Bamako. Il y est rejoint par son ami Toko.
Quand l'armée et le peuple maliens se soulèvent contre le pouvoir en place, Manthia et Toko décident de partir pour la France.
Nous écoutons cette histoire par la bouche de Manthia qui, ne parlant pas suffisamment bien le français, la raconte à un traducteur, dans un centre de rétention administrative de sans papier, des années plus tard. Une histoire faite de soumission, à une tradition familiale, à un ordre établi, puis de rébellion, et enfin de défaite, où l'on sent que Manthia ne va pas tarder à revenir à la case Départ...
Au-delà de l'intrigue, somme-toute assez prévisible, ce sont les personnages qui comptent. Manthia en premier, qui vit toute les violences des traditions qui ne permettent pas à un jeune homme de devenir véritablement un homme ; trop soumis au père et aux oncles. Toko également, qui fut plus téméraire, mais qui se coule plus facilement dans la peau du migrant docile. Et tous ceux qui les entourent, les exploitant ou cherchant, sans y parvenir, à les comprendre.
L'écriture est intéressante, inhabituelle ; à le fois celle d'un lettré, et d'un griot. Un mélange étonnant. La narration est à la première personne, c'est Manthia qui raconte. Mais il semble souvent vouloir éloigner le "je", prendre de la distance. Le lecteur se laisse embarquer dans les aventures de ces migrants, mais la lecture n'est pas toujours des plus faciles.
Un livre qui m'a ému car il m'a rappelé un travail de recueil de mémoire de migrants auquel j'ai participé il y a moins de deux ans avec une association. Toutes leurs histoires sont différentes, mais elles sont toutes bâties sur la souffrance...
Chronique illustrée : http://michelgiraud.fr/2024/01/19/deux-grands-hommes-et-demi-de-diadie-dembele-chez-jc-lattes/
J'ai beaucoup aimé le premier roman de Diadié Dembélé, publié en 2022, intitulé Le Duel des grands-mères. Un roman d’apprentissage remarquable, couronné par le Prix littéraire de la Vocation. Deux grands hommes et demi confirme largement le talent entrevu à travers l’histoire du petit Hamet, un écolier de Bamako en quête de ses origines. Finie l’enfance, place à deux amis, Manthia et Toko, deux grands hommes de dix huit ans, ou plus précisément, deux hommes et demi, cette part d’âme supplémentaire que leur parcours de vie exige d’eux.
Manthia raconte du centre de rétention, en commençant souvent par « Monsieur... », signe de déférence ou d’agacement lorsqu’il s’adresse à son avocat par l’intermédiaire d’un interprète, aussi au lecteur qui se sent directement interpellé. Dans son langage imagé et poétique, il fait le récit de la vie au village, rythmé par le travail aux champs, et des circonstances amenant son père très autoritaire à le pousser au départ vers Bamako puis vers la France, de la dure réalité des exilés clandestins, faite d’accueil non désintéressé par la famille, faite de sommeil dans les couloirs du foyer, de l’absence de repas quelquefois. La langue, ses déclinaisons sont au cœur du livre, de la « langue lourde » africaine jusqu’à l’écriture érigée en étape obligatoire, preuve ultime en Europe, même si elle repose sur une retranscription incertaine voire mensongère.
Manthia prend des cours de français avec Caro, pages magnifiques de la joie d’apprendre, se transformant en joie de vie après la rencontre avec Clémence. Joie des corps, joie de la découverte de la liberté, de la mer, même si la réalité du passé ne s’efface pas durablement.
Roman profond maniant la poésie et l’humour, Deux grands hommes et demi réussit à décrire une réalité au carrefour des routes, dans les méandres de l’oralité et de l’écriture. Le deuxième roman de Diadié Dembélé trouve une distance rassurante entre littérature et message universel de dignité. On peut être certain qu’il ne va pas s’arrêter là.
Chronique complète avec photo, citations et illustration sonore sur blog Bibliofeel...
Originaires du même village agricole du Mali, deux amis, Manthia et Toko, confrontés à différents événements, les criquets, la sécheresse, vont être poussés à prendre des décisions importantes et à rejoindre la capitale Bamako, leur première étape. Un exode rural commun.
Manthia est issu d’une famille un peu déclassée socialement alors que Toko vient d’une famille enracinée dans la terre, une famille devenue clan et fondatrice du village, une grande famille à l’africaine avec de nombreux frères et sœurs.
À Bamako, ils pensaient pouvoir s’en sortir, mais a lieu un soulèvement populaire soudain contre le régime militaire de Moussa Traoré qui aboutit à son renversement le 26 mars 1991. Tout bascule, tout change. Pressés par la famille « d’aller en aventure ailleurs », les deux jeunes Maliens partent en France, pour Paris. Mais le cousin qui devait prétendument les accueillir dans son grand appartement est en fait hébergé lui-même dans un foyer de migrants. Sans papiers, ils vont devoir faire face et chacun le fera à sa manière...
Nous allons donc suivre l’aventure de ces deux grands hommes et demi, c’est-à-dire ces enfants qui n’en sont plus sans pour autant être encore des adultes, mais qui exposés à des difficultés qui pourraient les empêcher d’avancer, ne se lamentent pas et savent se défendre.
C’est Manthia, depuis un centre de rétention administrative, un lieu d’enfermement où sont retenus les étrangers auxquels l'administration ne reconnaît pas le droit de séjourner sur le territoire français, qui raconte leur aventure qui s’étale sur une décennie, des années 1986 jusqu’au 23 août 1996. Cette date correspond à l’évacuation de trois-cents Africains sans-papiers, réfugiés depuis près de deux mois dans l’église Saint-Bernard à Paris.
Ce qui fait toute la puissance et l’originalité du récit, c’est la manière dont Manthia nous révèle son parcours ainsi que celui de son ami. Espérant obtenir des papiers, il s’adresse à son avocat, parfois avec colère, ne comprenant pas pourquoi il se trouve enfermé là, lui qui ne voulait pas quitter son village, pas partir de Bamako, mais aussi à l’interprète dont il se sent plus proche.
Deux garçons et demi de Diadié Dembélé, avec ces personnages intenses emportés dans une aventure voulue et souhaitée pour l’un, Toko, et non choisie mais imposée pour l’autre, Manthia, se déroulant il y a trente ans, pourrait tout aussi bien se passer aujourd’hui, tant, peu de choses ont changé.
Nul doute qu’il est un roman un peu autobiographique, ne serait-ce que parce que Diadié Dembélé a travaillé en tant qu’interprète au sein d’une association d’aide aux migrants. Il est aussi un roman sur l’amitié et sur la vie rurale au Mali avec ses coutumes et le poids des traditions patriarcales, son climat et ce fameux hivernage, cette saison des pluies, ses langues dont le bambara et le soninké, la rudesse des travaux agricoles aggravée par le réchauffement climatique et bien sûr l’exode rural qui en découle.
En inscrivant une partie de son récit dans les années 1990- 1991, l’auteur nous permet également de revoir un événement marquant de l’histoire du Mali.
Mais il est avant tout une profonde réflexion sur la migration et l’espoir qu’entretiennent les jeunes africains de trouver en France, en priorité du travail, et la possibilité de se réaliser.
Évidemment sur ces besoins, ces attentes, se sont greffés et engouffrés des profiteurs comme les cokseurs (passeurs), les marchands de sommeil, les employeurs sans scrupules, prêts à tout pour s’enrichir sur la détresse, la solitude et le dos de ces migrants-aventuriers.
Outre la découverte du militantisme pour Manthia, c’est tout le mouvement des sans-papiers à Paris en 1996 que nous suivons au plus près.
La vivacité d’un langage fleuri, imagé et une écriture singulière, originale et créative, rendent ce roman un peu surprenant au début, très attrayant et très contemporain.
On aimerait tant que ce proverbe malien, en épigraphe du roman « Si l’on pouvait se balader avec une maison sur la tête, nul ne serait étranger sur cette terre » soit réalisable, pour ne plus assister à toute cette désespérance !
Je remercie les éditions JC Lattès et Babelio pour cette passionnante découverte.
Chronique illustrée à retrouver ici : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2024/01/diadie-dembele-deux-grands-hommes-et-demi.html
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Bravo pour votre chronique très complète ! Tout y est en peu de mots !