"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Années soixante, Brigitte Bardot, la DS 19, la vitesse sans limites. Eux, ils s'appellent Cheval, ils sont deux. Deux Cheval, comme une deux chevaux, mais c'est pas une bagnole, c'est le père et le fils. Deux qui portent le même nom, sans possibilité d'être dissociés. Ce qui provoque souvent de gros problèmes... C'est de cela qu'il s'agit, de deux êtres dans le même nom, l'histoire du père et du fils, l'oedipe chez les forains car ils sont forains de père en fils depuis 1897. Ils se battent, s'aiment, se retrouvent. Toujours ensemble, tout en essayant de prendre leurs marques.
Leur manège s'appelle Les Soucoupes volantes, son axe est un canon, comme ça ils font tourner les enfants sur les restes d'une guerre. Mais tourner pour combien de temps, à quel prix et pourquoi ?
Les dés sont lancés et ils filent sur le bitume comme si Huckleberry Finn éclatait de rire dans La Strada.
1960, les Cheval, c'est leur nom, le père et le fils. Ils sont forains depuis 1897. Leur manège s'appelle Les soucoupes volantes. Mais la plus grande partie du livre se déroule chez eux, dans leur domaine, dans leur maison délabrée, juste derrière la décharge à ciel ouvert. Ils n'ont pas le sou. Personne ne veut les fréquenter. Le fils, entre 12 et 18 ans selon les besoins et les circonstances, est le narrateur.
Roman à l'écriture oralisée -encore un, c'est un peu la mode- qui met en scène ces deux hommes pauvres, provocateurs et bagarreurs, considérés par les autres comme la lie du village. L'histoire, les personnages et l'écriture me plaisent bien. Mis à part une misogynie évidente : les rares personnages de femmes ne sont pas à leur avantage (la pute, la femme qui laisse son mari avec un enfant en bas âge, les femmes objets des fantasmes de jeune Cheval), quelques longueurs et des propos dévoilant justement ces fantasmes, les inquiétudes du jeune Cheval quant à sa virilité et autres considérations sexuelles, parfois un peu trop fréquentes, j'ai bien aimé ce roman. Tout au lond du livre, je n'ai pu m'empêcher d'avoir en tête les images du film Les démons de Jésus, de Bernie Bonvoisin.
L'atmosphère décrite par Richard Morgiève, son écriture parfois légère, parfois lourde, toujours à la limite de la vulgarité -d'aucuns jugeront même qu'il a passé cette limite- et sa manière de mener ses héros, eux-mêmes tout à la fois légers, lourds et vulgaires, mais finalement malgré leurs défauts, assez attachants et touchants, valent qu'on s'arrête un moment pour un tour de manège
Ceci étant, je comprends les réticences d'Hélène, c'est quand même un livre plutôt masculin.
Affreux, sales et méchants : toute une famille, les Dalton : quatre, les Pieds nickelés : trois, les Cheval : deux. Un Cheval, deux Cheval. Un peu voleurs, un peu truqueurs - pour survivre, mais sympathiques, attachants, émouvants même. Le père, un vieillard, rescapé d’Auschwitz, sa femme était juive ; elle, disparue à la naissance du fils ; le fils, enfant libre, âge variable selon les demandes de l’administration, poète de son univers, forgeron surdoué, à l’écoute du désir qui tend son corps (on sait tout, le narrateur c’est lui). Le père et le fils, d’une longue lignée de forains sur la route depuis 1897, ruinés par les deux guerres, dépassés par le progrès naissant (l’action se passe en 1960). Le père et le fils, complices de tous les instants, liés par la loi du sang et la lutte pour la vie.
Il leur reste le domaine des Quatre Saisons, vingt hectares à la périphérie de Saint-Ambert (hommage aux Copains de Jules Romains ?), attenant à une décharge, des bâtiments en ruine, une végétation folle, un capharnaüm de vieilles voitures, de carcasses métalliques, de pneus usagés. Au milieu du foutoir : une caravane, un camion Rochet-Schneider 51, un ancien corbillard Chevrollet, un tandem, un manège de soucoupes volantes, deux ou trois remorques pour le transporter. Le manège, leur maigre pourvoyeur de revenus, leur raison de vivre, leur fierté. L’hiver ils attendent, au printemps ils repartent sur les routes, première étape à Joyeuse puis Lourdes. Terminus Lourdes, le manège hors normes de sécurité et le père qui ne survit pas au dernier tour des soucoupes volantes ; la fin est un peu courte.
On aimerait lire la suite : quel destin attend Cheval junior ? Seul dans la vie mais malin, débrouillard, habile, vertueux à sa manière. On aimerait retrouver l’écriture foutraque de ce roman original et vivifiant.
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