"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Un jeune homme réussit à forcer la porte d'une romancière célèbre, Caroline N. Spacek, réfugiée en solitaire dans la campagne anglaise depuis plusieurs années. Très jeune, elle a connu une gloire littéraire rapide et scandaleuse, après une enfance marquée par la violence et la marge. Il finit par s'installer chez elle et recueillir le récit de sa vie. Premier roman d'une auteure âgée de 25 ans.
Une femme morcelée et absolue
Lou est un étudiant fasciné par les livres de Caroline N. Spacek, il va aller à sa rencontre.
Celle qui, à trente-neuf ans vie recluse dans sa propriété du Devon, va accepter cette rencontre, un quelque chose en Lou qui l’interpelle.
Elle va aller au-delà des espérances de ce jeune étudiant malmené par la vie.
Lors de cette première rencontre il reste médusé devant cette belle femme, à la voix cassée, dont le talent symbolise de qu’il croit être la littérature.
C’est cette voix qui va pénétrer le lecteur jusqu’à la moelle.
« Va leur dire de ma part que je ne suis à personne d’autre que moi et que je ne réponds pas au téléphone. Que je ne donne rien et que je ne reçois plus personne. »
Mais il y a ce quelque chose qui fait que Caroline ouvre les vannes et Lou juste-là pour une interview va repartir quelques semaines plus tard avec 174 heures d’enregistrements de quoi devenir le biographe de la sulfureuse écrivaine.
« Elle savait très bien où elle allait parce qu’ elle allait à reculons. Elle plongeait la tête en arrière comme une nageuse. Dos crawlé. Jour après jour après jour. »
Lou va découvrir son enfance marginale et fracassée qui fait écho à la sienne, comment elle a rencontré et aimé Jude Amos son pygmalion, comment ils sont restés séparés six ans avant de se retrouver, sans oublier ses deux mariages dans ce laps de temps.
Au fil des jours il y a une reconnaissance mutuelle, instinctivement Caroline l’a su avant Lou, et c’est pourquoi elle se livre, certains de ses souvenirs se mêlent aux douleurs de ce jeune homme en devenir. Elle lui offre un cadeau, celui de la vie, et lui livre en filigrane combien la littérature est une maîtresse exigeante et irremplaçable voire implacable.
« Je commençais à comprendre qu’il fallait maîtriser toutes les techniques pour écrire de bons livres — être résistant, avoir l’oreille, maîtriser l’onomastique, la focale, les références, connaître les mots précis, les mots qui feraient que les phrases continueraient à faire du bruit dans la tête plusieurs heures après leur lecture, savoir les verbes qui sont les os de la phrase — et tout oublier et écrire. »
Jude c’est le territoire de Caroline avec la littérature pour terreau et sa demeure dans le Devon prend tout son sens, lorsque le lecteur découvre cette vie.
La langue employée par Caroline est crue, violence, acerbe et dévoile la face cachée mais elle dit aussi la lucidité sur l’absurde nudité de l’existence.
Elle pulse et fait écho, nos oreilles vibrent, notre peau se hérisse.
À tous les amoureux de la littérature qui s’interrogeront longtemps sur cette question : « La vie est-elle supérieure à l’art ou l’art supérieur à la vie ? »
Premier roman de Julia Kerninon à 27 ans, c’est comme cela que j’ai été subjuguée par son écriture, car elle n’écrit pas pour nous raconter de jolies histoires, non elle a une plume d’une maîtrise acérée qui nous bouleverse, nous bouscule, nous interroge, qui fait que, quel que soit le sujet, elle nous happe et nous fait lire au-delà des mots.
C’est une relecture qui a été aussi émouvante que la première fois, bientôt dix ans, et encore plus bouleversante car il y a cette sensation de familier et cette résonance étrange qui nous submerge Le lecteur finit cette lecture fiévreux mais étrangement bien dans cet état entre parenthèses.
©Chantal Lafon
https://jai2motsavousdire.wordpress.com/2023/06/15/buvard/
Ce n’est pas parce qu’on est célèbre, talentueuse et encensée par la critique que tout va bien, qu’il n’y a pas des zones d’ombres dans notre vie et notre passé. Quand Lou rencontre Caroline N. Spacek, ce qu’il imagine est loin d’être la réalité. De confidences en aveux difficiles, Lou entrevoit la difficulté d’être écrivain, d’avoir cette lucidité de soi-même et des autres qui permet d’écrire des livres. Entre roman d’apprentissage et analyse profonde de la création littéraire, Buvard est une quête de soi, l’introspection d’une autre qui nous pousse à la réflexion.
J’ai beaucoup aimé le style de Julia Kerninon : elle arrive à ménager le suspense, tout en trouvant les mots justes pour rendre les confidences de Caroline N. Spacek tragiques, drôles, poignantes et surtout – inattendues. Les maris, les morts, les divorces, les voyages incessants, ou la fascination subite pour la peinture, le cercueil dans le jardin – et le narrateur qui ne fait que s’interroger sur le nombre de tartes aux fruits qu’il a pu manger depuis qu’il était arrivé sans savoir que sous l’arbre repose le défunt mari…
Le personnage en lui-même est simplement fascinant. Stéréotype de l’écrivain torturé plongé dans l’abus de cigarettes et d’alcool, avec un goût prononcé pour la fuite, et des caprices désordonnés, Caroline N. Spacek est pourtant beaucoup plus que ça. Son humanité, ses failles la rend proche de nous, on a le sentiment qu’elle pourrait être chacune d’entre nous, on se reconnait dans son personnage – pourtant si singulier avec ses manies, ses passe-temps, ses petites habitudes et ses coups de tête. Elle intrigue, séduit, fascine : dès la toute première page, qu’elle se transforme au cours de la journée, jeune et fraîche le matin, vieille et vénérable le soir.
On oublie presque qu’il y a un second personnage dans cette maison, qui nous retranscrit l’histoire qu’elle lui a raconté. Julia Kerninon a réussi à trouver un équilibre entre eux : elle en dit suffisamment sur Lou pour justifier sa présence et sa persévérance, tout en s’assurant que son histoire à lui n’empiète pas sur l’histoire de Caroline. Ce qui m’a le plus touchée, plus que l’histoire en elle-même, c’est la justesse des mots avec lesquels elle est racontée – certains passages m’ont véritablement bouleversée.
Rien à dire sur le style de Julia Kerninon, c'est bien écrit. Vif, fluide, moderne et classique à la fois. Tout va bien de ce côté-ci. Ce qui coince, c'est que je ne réussis pas à m'intéresser à ses personnages et à Caroline N. Spacek en particulier. Je ne trouve pas intéressant son parcours qui l'a menée jusqu'à l'écriture ni la suite dans laquelle elle écrit jusqu'à occulter totalement sa vie et celle de ceux qui l'entourent. Je trouve l'ensemble froid et fade, mais je redis bien que ce n'est que mon impression, puisque ce livre fut couronné de succès et notamment de prix littéraires. En fait, je m'ennuie, c'est peut-être le découpage voire la mise en pages -les dialogues insérés dans le texte, juste en italique-, je cherche, je cherche... Me reste une sensation, une impression d'un livre qui ne me touche pas et ne restera donc pas dans ma mémoire.
Bon voilà, j'ai voulu essayer deux auteures que je ne connaissais que de nom, manifestement, mon essai n'est pas transformé, mais pas grave, je retenterai.
Je viens d’achever le livre de Julia Kerninon qui m’avait été conseillé par une libraire et qui a reçu de nombreux prix mais, hélas, je ne peux cacher ma déception : je n’ai pas cru une seule seconde à cette histoire que j’ai trouvée complètement invraisemblable, truffée de clichés et dont l’écriture m’a semblé dépourvue d’originalité et bourrée de lieux communs. Je suis peut-être d’autant plus déçue que je m’attendais à une oeuvre vraiment intéressante… En plus, le sujet avait tout pour me plaire…
Lou, jeune homme fasciné par les livres de Caroline N. Spacek, lui a demandé l’autorisation de la rencontrer afin de l’interviewer. Cette dernière est quelqu’un de mystérieux, les journalistes ont du mal à l’approcher et elle ne se rend pas aux séances de signatures… Et pourtant notre jeune narrateur restera chez elle, neuf semaines, dans cette maison de campagne anglaise « baignée de lumière pratiquement toute la journée ». Cette femme revient de loin : elle a vécu son enfance sur un terrain vague auprès d’une mère obèse et d’un père alcoolique. Vers l’âge de dix-huit ans, alors qu’elle travaille dans un café, elle est remarquée par un homme, Jude Amos, le grand poète, qui lui demande de partir immédiatement avec lui. Elle deviendra sa secrétaire. Elle accepte et part. Des nuits et des jours, elle tape les textes de monsieur et finit par les retoucher. Alors Jude lui demande d’apprendre à écrire correctement, lui fait lire le dictionnaire et finit par partir, vaguement vexé d’être dépassé par son élève. Caroline écrit et publie : tout le monde s’arrache ses livres. Elle rencontre d’autres hommes mais reste amoureuse de Jude qui devient le destinataire implicite de toutes ses oeuvres. Cherchant à l’oublier, elle parcourt l’Europe : « A Venise, je sortais les nuits de grande marée marcher avec des bottes en caoutchouc dans les rues inondées. De là, j’ai pris le train de nuit pour Budapest, où j’ai lavé mon corps dans les saunas brûlants…. » Pour moi, tout cela fait trop carte postale…
Quant au narrateur, lui aussi revient de loin : un père alcoolique et violent qui n’a pas supporté l’homosexualité de son fils. Heureusement, ce dernier a rencontré sur le bord de la route un amant fortuné, Piet, qui l’autorise à rester neuf semaines chez Caroline et qui l’attend bien patiemment, lui conseillant de ne pas brusquer la dite Caroline en voulant lui soutirer trop d’informations : « -Reste là-bas, Lou. Appelle s’il te faut quoi que ce soit, et fais signe quand tu veux rentrer, d’accord ? » Il y en a qui savent aimer ! Piet a su l’arracher à sa famille de misère, l’a inscrit à l’université et lui a fait découvrir les livres de Caroline… Vous me suivez ?
Non, décidément, trop c’est trop ! Encore une fois, je n’ai pas cru une seconde à cette Caroline, auteur jeune et géniale, qui écrit « assise dans l’escalier, une Chupa Chups dans la bouche. »
Un deuxième texte de Julia Kerninon m’attend sur ma table de nuit, je croise les doigts !
http://lireaulit.blogspot.fr/
Un splendide roman qui aborde des thèmes aussi larges que l'écriture, l'amour, la vie ...le temps qui passe...
Ecrit d'une main de maître ! Un premier roman plein de belles promesses...
Ma critique complète
https://emiliaetjean.wordpress.com/2016/01/17/mais-lou-on-ne-tombe-pas-amoureux-des-femmes-parce-quelles-sont-belles-on-tombe-amoureux-des-femmes-qui-sont-quelquun/
Choisi parce que j’ai eu un coup de pour la couverture que j’ai trouvée magnifique, j’ai littéralement été happée par son contenu !
Le lien, aussi étrange que naturel, aussi fascinant qu'essentiel, tissé entre un écrivain et un étudiant-lecteur-témoin qui absorbe tout nous plonge d'emblée dans un huis-clos biographique dévorant d'où émerge une histoire des plus magnifiques...
En filigrane, une réflexion sur l'Ecriture et la Lecture, passions qui peuvent s'avérer aussi douces que violentes.
Ce livre, je l'ai beaucoup aimé. BEAUCOUP !
C'est une pépite littéraire comme je les aime.
J'ai adoré l'atmosphère entourée de mystères, les personnages attachants, le style qui laisse la place autant à la contemplation imaginative qu'à la mise en scène qui n'est pas de tout repos.
Julia Kerninon a le don rare de savoir nous balader et de tenir en haleine celui ou celle qui se glisse dans ses lignes...
Un livre que je recommande vivement donc.
Ma chronique sur http://www.arthemiss.com/buvard-une-biographie-de-caroline-n-spacek-de-julia-kerninon/
Un roman très factuel sans émotion qui m'interroge : faut il vraiment être si troussé pour devenir un écrivain ? Faut il vraiment vivre de grands drames pour écrire de grands livres ?
2 personnages qui vont passer 2 mois ensemble : 1 seul lien : le dictaphone ! Caroline est tellement dans son monde qu'elle en est inaccessible du coup très froide et peu attachante, Lou est là un peu paumé à essayer de la comprendre, son admiration pour cette auteure géniale ne suffit pas à réchauffer l'atmosphère. Et ce n'est pas la campagne anglaise qui va nous apporter un peu de chaleur.
L'écriture est belle mais elle aussi assez froide. La 4ème me semblait prometteuse je me suis plutôt ennuyée.
Cela faisait quelques mois qu'un livre ne m'avait pas happée à ce point. Touchée même. C'est un premier roman et ça parle d'écriture et de vie. A travers la rencontre de deux cabossés bien cachés sous les carapaces qu'ils se sont eux même forgées avec soin, Julia Kerninon part à la découverte de ce qui forge un écrivain. Et c'est magnifique.
Lou est un étudiant de 24 ans, récemment subjugué par l’œuvre de Caroline N. Spacek, écrivaine précoce qui, à l'aube de ses 40 ans vit recluse dans la campagne anglaise dans une propriété entourée de barbelés. Les romans et nouvelles de Caroline N. Spacek ont défrayé la chronique, tant par leur style que par la violence qui s'en dégageait. Contre toute attente, elle a accepté de recevoir Lou et ce qui ne devait être qu'un entretien se transforme en séjour de plusieurs semaines. Caroline se met à parler, Lou enregistre et écoute. Pourquoi lui ? Il semble que ces deux là se reconnaissent en quelque sorte, disons qu'ils ont en commun quelques lourdes casseroles accrochées à leurs enfances respectives, de ces environnements familiaux capables de causer de sacrés dégâts.
Au fil du récit de la vie de Caroline, Lou découvre la vérité de l'écrivain, comprend comment elle s'est construite et où son œuvre prend sa source. Caroline est un écrivain, elle sait raconter les histoires, elle raconte la sienne, ses rencontres, les rapports compliqués avec les hommes qui ont traversé sa vie.
"Il n'en pouvait plus de me voir écrire toute la journée, il me rapportait des robes et du maquillage, il les déposait devant moi comme on attire les bêtes sauvages avec des fruits et du miel. Il aurait fait de moi une femme si je l'avais laissé faire, mais j'étais un écrivain, et on ne me pliait pas avec de l'organza."
Elle se livre entièrement pour la première fois. Une matière qui aboutira à une douloureuse révélation et donnera à Lou celle de son premier livre.
Ca marche parce que les deux personnages sont également attachants. Caroline écrit pour survivre, puis par amour et de nouveau pour survivre à sa culpabilité. Lou est en convalescence, il a trouvé auprès de son amant un certain équilibre que l'on sent encore fragile, ces quelques semaines avec Caroline vont finir de le faire grandir. Leur confrontation n'est pas de tout repos, même parfois violente. Caroline souffre d'avoir à revivre certains événements tandis que Lou s'interroge à juste titre sur la personne au delà de l'écrivain "Ses livres étaient bons, pas de doute là-dessus, mais est-ce que ça pouvait suffire à en faire une bonne personne ou est-ce qu'elle n'était qu'une imposture ?"
Tout ceci est servi par une plume fluide et de très belles pages sur l'écriture et la création. Je l'ai lu d'une traite, captivée et de plus en plus émue au fil du récit, jusqu'à la révélation finale. C'est un premier roman et c'est formidable.
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