Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
Shahrazade naît dans un pays de la Péninsule arabique, d'un père boucher, qui la considère comme «?un corps inachevé?» parce que fille, et d'une mère soumise et humiliée, parce qu'incapable de donner un fils à son mari.
Elle grandit dans un quotidien étouffant, corseté par les interdits d'une société traditionnelle, hypocrite et violemment patriarcale. Ses moindres faits et gestes sont surveillés par sa grand-mère, qui sous couvert de religion, s'érige en gardienne de la vertu et défend avec ardeur ses intérêts et ceux de son fils.
Pour autant, Shahrazade refuse très tôt de subir la loi des hommes et se révolte contre le destin de génitrice et de femme au foyer qu'on lui assigne. Quel peut être son avenir dans cette société ultraconservatrice?? Comment s'affranchir de la domination masculine et assumer ouvertement son identité sans craindre pour sa vie??
« Les ventres des femmes racontent des histoires qu’aucun livre n’ose raconter. »
« Aux ventres des femmes » est l’expérience de la vérité. La traduction radicale sans lieux définis, ni frontières, d’être née fille dans la Péninsule arabique.
Engagé , nécessaire, pétri de combats et d’insurpassable ténacité. Dans une langue qui sait. Ce roman devient l’universel écho des faillites idéologiques, des affres qui foudroient le mot femme.
« Je suis née fille. Je suis du sexe de la honte. »
Shahrazade est ici. Entre les pierres blanches inondées de chaleur, les poussières des chemins, les volets bleus, clos de secrets, les diktats sociologiques et puissamment religieux, qui font d’elle une armure aux yeux des hommes.
Entre la masculinité toxique, la prise de pouvoir, le patriarcat, la cage n’est plus dorée.
Elle vacille au bon vouloir d’une autorité sans faiblesses.
Yuriya révèle un monde d’oppressions, de coutumes et de rites, dans une écriture où la matrice mère, le ventre de Shahrazade est un symbole. Un vertigineux mensonge aux yeux de son père.
« Mon père est boucher. Ma mère est la femme du boucher. Je suis la fille du boucher. »
Elle, fille, une de plus, pour un père qui n’attend que le fils prodigue. Le mâle, l’honneur et l’aveu d’une virilité. Son père est méprisant, vil et arrogant. Il mène d’une main de fer, ce cercle féminin dans son antre. Son épouse, soumise et dévalorisée fait en sorte d’arrondir les angles. Elle cache ses fillettes sous les plis de son ventre. Les inondent d’amour et de tendresse, mais rien ne suffit. Le patriarche est partout. La filature tarentule et sa domination abjecte. Les femmes et filles sont invisibles et des charges. L’hypocrisie d’une société d’emprise où l’homme est supérieur.
Shahrazade écoute sa mère. Si brillante en classe. Elle veut étudier. S’émanciper hors de la cellule paternelle où elle est prisonnière et cadenassée. Sa grand-mère paternelle est odieuse, quasi vicieuse et malsaine. La jeune fille grandissante donne les preuves qu’elle est femme. Dans une cruauté où Shahrazade pressent l’animalité, les mains qui explore son intimité, ce que le ventre démontre.
Shahrazade doit quitter l’école. Travailler dans les champs, le dos voûté, les ongles sales. La féminité est sarclée, éradiquée. Il ne reste que les paroles douces des travailleuses, coude à coude, la concorde entre les douleurs et les éreintes.
« J’ai traversé mon enfance sans la voir. Je n’ai pas pu éviter les mauvais gestes du destin. Elle rient parce qu’elles ne savent pas qu’elles sont malheureuses. »
Elle, qui sait la folie des herbes fauchées. « La vieille n’a pas sa pareille pour me rendre la vie impossible. »
Mais sa mère est de proses et d’adages et de caresses. Elle lui somme les contrées lointaines. L’écho du possible. Elle détourne les comportements machistes. Peu à peu la souveraine enfant prend appui. Il lui faut continuer encore dans cet espace de caste, où son père vient de se marier une nouvelle fois. Avec une jeune femme, le double cornélien de sa grand-mère si machiavélique. La reine lui a fait un fils.
« Aux ventres des femmes » est le pays natal de chacune. La terre-femme, l’allégorie de chairs et de souffrances, de batailles à mener. La dignité d’échapper au piège des désastres du monde. Si proche, si près de notre conscience, dans l’heure d’hiver, ce récit essentiel, virtuose est finement politique. Il est l’acclamation absolument vitale et rigoureuse des fécondités gagnantes.
Ici, les destinées sont des réécritures spéculatives.
Comprendre les luttes au quotidien dans cette Péninsule arabique et ailleurs aussi.
Dans une langue où le jugement n’a aucune prise. Dans cette capacité de lever le voile des apparences et des ventres meurtris. Huriya est en mission. Chacune des phrases est un murmure échappé. L’espoir après l’explosion des sacrifices.
« Une femme qui pleure n’est pas juste une femme triste. »
« Je n’aime pas le jour où les mères meurent. »
« Je ne suis pas une amphore à maternité. »
« Les rêves ça peut voyager loin. »
Un livre qui a du bleu au fond des yeux. Le passeport de la vie.
Publié par les majeures Éditions Rue de l’échiquier.
J’ai eu le plaisir de découvrir la plume de Huriya en lisant « Entre les jambes », en partie autobiographique, d’un garçon intersexué et abandonné dans la Marrakech des années 1970. J’étais donc ravie de découvrir ce que cette auteure allait me proposer dans son nouvel opus.
Je trouve que les éditions Rue de l’Échiquier ont fait un beau travail sur l’objet livre avec les arabesques, que j’aime beaucoup.
En arabe, Huriya veut dire liberté et s’il y a bien une trame commune aux différents livres de l’auteure, c’est bien cette liberté qui caractérise les sujets abordés et cet opus le confirme bien.
Si « Entre les jambes » se voulait en partie autobiographique, « Au ventre des femmes » se veut une fiction ancrée dans la réalité, dans un pays imaginé dans la péninsule arabique, mais que l’on pourrait transposer dans n’importe quel pays où la femme n’a aucun droit, surtout au regard des actualités des derniers jours.
J’ai parfois pensé que l’intrigue se déroulait vers l’Arabie Saoudite, d’autres fois d’être en Iran pour finalement me retrouver avec une Hrira, soupe typiquement marocaine. Même si j’ai été déstabilisé, je me dis que c’est aussi une manière intéressante et judicieuse, de faire transposer son récit dans tous ces pays où la femme n’existe pas. Où la femme est inachevée. Inachevée, car elle n’est pas née homme.
Le sexe de la femme ne lui appartient pas, il est l’histoire de tous sauf de la femme elle-même. Et même si, nous sommes dans un pays musulman, cette réflexion est transposable dans n’importe quel pays. Il n’y a qu’à voir toutes ces libertés perdues.
J’y ai retrouvé ce que j’ai pu entendre plus jeune en Tunisie, où le sexe de la femme était plus une question d’hommes. J’ai retrouvé ces médisances, ces avertissements contre le mâle qui ne se résume qu’à ce qu’il a entre les jambes. J’y ai retrouvé aussi l’hypocrisie, misogynie et l’homophobie… Et cela a fait remonter des milliers de souvenirs bien enfouis.
La plume peut sembler hachurée, décousue, mais bout à bout, cette musicalité met en lumière la rage de cette jeune fille dont le seul désir est de vivre comme elle l’entend. Et même si j’ai trouvé quelques dissonances entre sa jeunesse et sa manière de parler, ses mots ont touché mon cœur de femme.
C’est un roman vif, aux mots martelés de l’urgence de conquérir une liberté que chaque femme mérite. Un roman qui vient bousculer nos certitudes sur l’avenir de la femme, malheureusement bien fragile face à certains hommes.
Au vu des sujets abordés, c’est un livre de la rentrée qui va avoir du succès !
https://julitlesmots.com/2024/08/29/rentree-litteraire-2024-au-ventre-des-femmes-de-huriya/
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