C’est le moment de découvrir tous les romans en sélection pour la 11e édition du Prix…
Palerme, 1965. Antonia, mariée à un notable et contrainte à l'oisiveté, écrit un journal intime où elle exprime son malaise. A la mort de sa grand-mère, elle reçoit des photographies, des lettres et des carnets qu'elle explore pour échapper à son quotidien et découvrir le passé cosmopolite et foisonnant de sa famille. Premier roman.
C’est le moment de découvrir tous les romans en sélection pour la 11e édition du Prix…
A travers son journal intime, Antonia livre ses pensées et sentiments sur sa vie de femme délaissée dans la bourgeoisie sicilienne des années 60.
Malheureuse et méprisée par son mari, Antonia se sent écrasée par le poids des injonctions de la société et de sa famille : être une bonne épouse (c'est à dire docile et soumise) et une bonne mère.
Pour fuir son quotidien fade et insatisfaisant, elle se réfugie alors dans les lettres et photographies léguées par sa grand-mère. Cette plongée dans son passé fera remonter des souvenirs douloureux de son enfance et lui servira de déclic pour reprendre sa vie en main.
Bien que la solitude et le désespoir de cette jeune femme ne m'aient pas laissée indifférente, je n'ai pas été très touchée par ce roman.
Bâtir ce récit sous la forme du journal intime aurait pu être intéressant pour comprendre la profondeur des émotions d'Antonia, mais j'ai trouvé que ses confidences restaient assez superficielles. L'histoire aurait mérité d'être davantage développée et les réflexions sur la condition féminine auraient pu être plus creusées.
Au final, pour moi ce roman est à l'image de la vie d'Antonia : plutôt ennuyeux et inabouti.
Lu dans le cadre du prix des lecteurs du livre de poche 2021
Je ne connaissais pas du tout Gabriella Zalapi et n'avait jamais vu son roman. Je suis donc très contente d'avoir pu la découvrir et la lire avec ce prix. C’est un premier roman, et c’est plutôt réussi, en tout cas la forme est originale puisque l'histoire se présente sous forme de journal que tient la narratrice et l’héroïne du livre, Antonia.
Antonia est une jeune femme de vingt-neuf ans, elle est mariée à Franco et à un fils Arturo. Ils vivent à Palerme. Antonia et Franco ont eu un coup de foudre, mais celui-ci n'existe plus depuis longtemps, Antonia n'aime plus son mari et cela semble réciproque, son mari est froid et distant, il rabaisse tout le temps sa femme et ne lui trouve aucune qualité. Antonia se pose des questions sur son mariage, elle se demande même si elle aime son fils, surtout depuis que la gouvernante s'occupe de lui et domine totalement Antonia. Son histoire familiale personnelle est très riche. Du côté de sa mère, les origines juives et allemande et du côté de son père, de riches anglais installés en Sicile. Un jour, Antonia reçoit en héritage de sa grand-mère paternelle, Nonna, des cartons qui contiennent plein de photos, de documents, de lettres lui racontant la jeunesse de ses parents, l'histoire de sa famille. Le père d’Antonia est mort très jeune à la seconde guerre mondiale, sa mère sera presque toujours absente pour elle, elle se remariera et aura un autre enfant. Antonia va trouver dans ces cartons des réponses à ses questions sur sa famille, sur le comportement de sa mère, qui lui ouvriront les yeux sur sa propre situation personnelle.
Suivre Antonia de février 1965 à novembre 1966 a été fort intéressant. On est dans le milieu des années 60, avant mai 68, la condition féminine, surtout en Italie, est difficile et compliquée. Elle est souvent rabaissée par son mari, qui la cantonne à bien tenir sa maison, bien se tenir à table, toujours être bien soignée et toujours honorer son mari. Une sorte d'esclavage qui n'est pas vieux, et lire cela est révoltant. Lorsqu’elle se confiera à son grand-père maternel, croyant trouver un appui, celui-ci au contraire sera irrité de sa façon de penser et se fâchera même contre elle. C’est ce mal-être qui la fait se décider à tenir un journal où elle se confie, où elle réfléchit à sa situation.
Je me suis attachée à Antonia, mais je dois bien avouer qu’il m'a manqué un peu de densité pour ressentir encore mieux les émotions. Le livre est très court, à peu près 150 pages au format poche, le texte est très aéré, parfois une page ne comporte que quelques phrases, des photos viennent étayer le récit. Tout cela fait que j'ai trouvé le texte trop court et pas assez profond. Néanmoins, j'ai apprécié le style de Gabriella Zalapi, très doux, très subtil, tout en délicatesse, avec une poésie des mots et des phrases qui font que le texte a lire est très beau et sensible. J'ai vraiment beaucoup aimé l'écriture de cette jeune auteure. La fin est porteuse d'espoir, comme on dit, c’est une fin ouverte, où le lecteur s’imagine lui-même ce qui peut se passer. Je n’aime pas toujours ce genre de final, mais là, j'ai trouvé qu’il allait très bien avec le reste de l'histoire et de la pudeur des mots et des sentiments. Mon attachement pour Antonia vient surtout du fait que le choix narratif de l'auteure est celui que je préfère pour ressentir au mieux les émotions, puisque tout est raconté à la première personne du singulier, ce qui est tout à fait logique, puisqu’il s'agit d'un journal. Ce « je » me permet de me mettre à la place de l’héroïne, de rentrer dans sa tête et de ressentir au plus près la moindre de ses émotions.
J'ai apprécié cette lecture, que j'ai lu rapidement, du fait du texte très aéré, des chapitres parfois très courts. Mais ma lecture a été rapide aussi, car j’avais envie de savoir ce qui allait se passer pour Antonia, connaitre son passé, et savoir comment cela allait se terminer. Mon seul regret est de ne pas savoir les événements après novembre 1966, savoir comment elle finirait sa vie. C’est un personnage dont j'aimerais avoir des nouvelles.
Les points forts de ce roman sont les messages que fait passer l'auteure au travers d’Antonia, sur les femmes, leurs conditions de vie, sur l’après-guerre, sur les différents problèmes entre les peuples.
Ses points faibles seront sûrement le manque de profondeur. Pourtant, j'avoue que je n’oublierai pas Antonia, elle a su me marquer, et saura rester dans ma mémoire. Peut-être l'auteure prévoit-elle de la retrouver dans les années suivantes, il y aurait matière pour faire une belle suite de son journal.
J'ai aimé découvrir la plume de Gabriella Zalapi, et je serais ravie de la retrouver dans un autre roman, pour voir quel serait le sujet et comment elle le traiterait. Sa plume douce et sensible est prometteuse et donne envie de lire plus de livres d'elle. Je vais donc la suivre, afin de la lire à nouveau.
Je ne peux que vous conseiller ce roman, pour toutes les valeurs qu'il véhicule, pour Antonia, sa vie, ses joies et ses peines. La lire, c’est rendre hommage à toutes ces femmes qui ont dû supporter des maris ou des hommes trop durs. Quand on lit ça à notre époque, on ne peut qu’être en colère, et surtout ne pas avoir envie de vivre de cette façon, et pour cela, il faut toujours rester vigilante…
Issue de grandes dynasties viennoises et anglaises au cosmopolitisme vertigineux, Antonia est mariée à un nanti de Palerme. Soumise et contrainte à l'oisiveté, mais lucide, elle rend compte dans son journal de ses journées-lignes et du profond malaise qu'elle éprouve. Suite au décès de sa grand-mère, Antonia reçoit quantité de boîtes contenants lettres, carnets et photographies. En dépouillant ces archives, elle reconstruit le puzzle du passé familial et de son identité intime, puisant dans cette quête, deux ans durant, la force nécessaire pour échapper à sa condition.Roman d'une émancipation féminine dans les années 1960, Antonia est rythmé de photographies tirées des archives familiales de Gabriella Zalapì. Comme chez Sebald, elles amplifient la puissante capacité d'évocation du texte.Gabriella Zalapì est artiste plasticienne, d'origines anglaise, italienne et suisse. Née à Milan, elle a également vécu à Genève et New York. Aujourd'hui elle habite et travaille à Paris. Antonia est son premier roman.
Très court roman qui m’a énormément frustrée, à peine ouvert il est terminé et on aimerait aller plus loin dans ce journal et donc dans la vie d’Antonia.
Ce livre ne m’a pas attendue sur une étagère. "Antonia – Journal 1965 - 1966" patientait sagement dans son enveloppe, parmi un amas de magazines, dans ma boîte à lettres. Je l’ai découvert à mon retour en Haute-Savoie. Je ne connaissais pas l’auteure Gabriella Zalapì. En revanche, j’étais heureuse de retrouver les Editions Zoé que j’affectionne.
"Journal 1965 - 1966", il s’agit bien, en effet, du journal d’une femme, Antonia. Issue d’une famille cosmopolite, elle s’ennuie ferme avec son mari Franco. Il faut dire que vivre aux côtés d’un homme qui vous assène que "les femmes de [ton] rang s’occupent d’organiser les mondanités et [tu] as beaucoup de progrès à faire dans ce domaine.", ne doit pas être rose. Elle ne peut – ne sait – par ailleurs s’occuper de son fils Arturo, toujours surveillé par sa gouvernante, ou plutôt "Nurse" comme elle souhaite être appelée. Lorsque sa grand-mère meurt, qu’elle reçoit des boîtes contenant nombre de documents, lettres, photographies, elle reconstruit sa vie familiale…
Deux ans d’un journal écrit au gré de ses découvertes et agrémenté de ces fameuses photos ou lettres. Le temps de l’écriture – 1965/1966 – m’a semblé bizarrement en décalage avec les propos rapportés. J’avais plutôt l’impression de compulser le journal d’une femme des années quarante. Mais, même si je l’eus, par ailleurs, préféré plus fouillé, plus universel, peut-être aussi plus romantique, j’ai aimé l’originalité de la forme. J'ai aimé aussi la sobriété de l’écriture, la manière qu’a Antonia d’analyser sa vie, la progression de ses sentiments, l’étude des différents personnages. J’ai aimé enfin l’angle choisi par l'auteure pour traiter le problème de l'émancipation féminine.
Ce ne fut pas un coup de foudre, j’ai même émis quelques réserves. Pour autant, j’en ai apprécié la lecture. Je trouve ce roman en parfaite adéquation avec la ligne éditoriale de la maison Zoé et j’attends avec plaisir la parution d’un deuxième roman de Gabriella Zalapì.
https://memo-emoi.fr
Un texte émouvant en peu de pages et quelques illustrations. le portrait d'une jeune femme à travers les pages de son journal et son questionnement sur sa vie, sur celle de sa mère, ses grands mères et aïeuls.. Elle retrouve un carton de photos, de lettres lors du décès de sa grand mère et cela va être l'occasion de découvrir la vie de sa mère, de ses grands parents. de Vienne à Nassau, de Palerme à Londres : une histoire familiale au gré des turpitudes des politiques européennes. de Vienne pendant la deuxième guerre mondiale à la Sicile des années 60. le portrait émouvant d'une femme ballotée par L Histoire avec un grand H et qi va décider de se prendre en charge et de faire ses choix de vie. Peu de pages pour nous raconter l'histoire européenne et d'une famille si européenne. Merci aux fées des 68premièresfois de m'avoir permis de découvrir ce texte.
Un court roman sous forme de journal intime d'une femme mariée sans amour dans les années 60 à Palerme, enrichi de photos issues des archives familiales de l'autrice qui viennent donner au propos une épaisseur inattendue.
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«Ce matin, lorsque j’ai ouvert les yeux, j’étais incapable de bouger. Mon corps semblait s’être dissous dans les draps et baignait dans une sueur toxique.»
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L'incipit donne le ton. Antonia est prisonnière d'une situation en apparence idyllique dans une société bourgeoise palermitaine où la femme se doit d'être soumise, en représentation et désœuvrée (et où le divorce n'existe pas encore). Mère d'un enfant de 8 ans dont l'éducation est confisquée par la nurse anglaise, elle peine à prendre sa place de mère et à aimer son enfant. Elle a hérité de sa grand-mère de gros cartons remplis de lettres et de photographies. En explorant l'histoire familiale, et son histoire intime aussi, elle va trouver la force de s'émanciper, mais à quel prix ?
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Il faut être attentif aux mots précis, choisis avec soin, il faut lire entre les lignes et écouter les silences d'Antonia. Ce journal intime plein d'ellipses fait des allers et retours entre le passé, où Antonia exhume de sa mémoire grâce aux documents familiaux des épisodes de son enfance qu'elle avait oubliés, et ce présent où elle se sent comme un vase creux posé sur une étagère...
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Un premier roman concis, d'une grande finesse, presque trop court et pourtant si dense...
"Une photographie, c'est un fragment de temps qui ne reviendra pas." - Martine Franck
"Le temps qui passe ressemble à du mercure."
Le 1er roman de Gabriella Zalapì a reçu cette année le Prix Bibliomedia et, l'an passé, le Grand Prix de l'héroïne Madame Figaro.
"Antonia", ce n'est guère plus d'une centaine de pages. Une jeune femme y éparpille ses impressions, au petit malheur et sans égard pour une quelconque régularité. Ce journal intime, tenu sur une année et demie, du 21 février 1965 au 14 septembre 1966, est ponctué de photographies sépia, sans aucune légende, sur lesquelles le lecteur pressé promènera un regard distrait. Tant pis pour lui ! Elles ont tant à raconter. Dans ce billet, il me paraît utile d'en décrire deux car sans ces clichés, pourtant peu nombreux, il ne peut y avoir de vue d'ensemble.
C'est d'ailleurs l'une d'elles qui ouvre opportunément ce petit livre, mi fictif mi réel puisque si le journal a été inventé, les photographies, elles, sont bel et bien sorties des albums de famille de l'autrice.
Une jeune femme monte en amazone un cheval qui se cabre. Étonnamment calme, elle regarde sans ciller l'objectif pendant qu'un homme en uniforme, s'élance pour tenter de maîtriser le fougueux destrier.
Moment d'équilibre autant que du temps suspendu.
On ne sait si l'homme parviendra à empêcher la chute. La femme, oublieuse du danger, est comme étrangère à ce qui se passe, à ce qu'il pourrait lui arriver.
"Ce matin, lorsque j'ai ouvert les yeux, j'étais incapable de bouger. Mon corps semblait s'être dissous dans les draps et baignait dans une sueur toxique. "
Ces premières lignes qu'écrit Antonia à la date du 21 février 1965 sont un écho à cette immobilité, à cette absence à soi-même et le reste du journal sera essentiellement constitué de courtes notes introspectives – une liste, une simple phrase parfois - posées entre deux silences.
Avec lucidité, avec une violence crue qui parfois sourd sous la douceur, Antonia fait un état des lieux de son présent, morne, dans le monde bourgeois palermitain des années 1960. La jeune femme de 29 ans étouffe en silence entre Franco, son mari, "un homme tiède, sans courage. Sa vie s'étend sur quelques mètres carrés. Parler avec lui c'est restreindre mon horizon, restreindre mon vocabulaire, restreindre mon imaginaire" qu'elle a épousé "aveuglée par le désir d'être aimée" et son fils Arturo, 8 ans, qu'elle sait aimer mal "Je me sens une étrangère avec lui. C'est comme si Arturo était né dans mon dos."
Journal de l'émancipation du carcan patriarcal, ce très bref récit de l'enfermement subi témoigne d'une vie corsetée et sans éclat qui peine à s'épanouir, tiraillée entre la bienséance attendue et un pressant besoin d'évasion et de reconnaissance.
Lorsqu'elle récupère les boîtes contenant les archives de Nonna, sa grand-mère paternelle adorée morte 5 ans auparavant, Antonia ne sait pas encore qu'elle tient là de quoi sonder le passé, de quoi mettre des mots et des images sur son enfance, entre sa mère qui peinait à l'aimer et son beau-père. Ses boîtes, riches de l'intimité de lettres, de carnets et de photographies ressurgis de l'enfance vont la faire renouer avec sa propre histoire tout en dressant un premier bilan de sa vie.
"J'ai 29 ans. Mes désirs tombent, s'enfoncent dans l'insonore. Impossible d'envisager une vie de perfect house wife pour le restant de mes jours. J'aimerais abandonner ce corset, cette posture de femme de, mère de. Je ne veux plus faire semblant."
De l'enfance, il reste quelques photos dont une, d'une justesse terrible, retient l'attention.
"Contrairement aux autres, elle ne représente pas une figure qui pose, mais un mouvement. J'y figure presque en pleine chute. Déjà en déséquilibre."
Déjà en déséquilibre...
Le temps, pas plus que les êtres, ne peuvent se figer, se contraindre, se restreindre. Si la chute n'est pas évitable, il appartient à chacun d'apprendre à tomber pour mieux se relever.
Et c'est ce que fait Antonia, en dépoussiérant ces photographies qui l'aident à tisser le passé avec le présent sans toutefois combler les silences et initient le mouvement qui a fait jusqu'alors défaut à ses "journées-lignes" auxquelles manque l'heur de la fantaisie, de l'impromptu et de l'amour partagé.
Les photographies, comme les mots, ont le pouvoir de raconter l'histoire personnelle de cette jeune femme ; elles laissent affleurer les failles d'une enfance ballottée.
"Pour moi, l'enfance est synonyme de cassures."
Comment pourrait-il en être autrement ?
L'arbre généalogique placé en fin d'ouvrage nous apprend qu'Antonia est née en 1936 d'une mère juive d'origine autrichienne et d'un père italo-britannique. Quand éclate la Seconde Guerre mondiale, elle n'est encore qu'une toute jeune enfant qui va vivre entre Londres et Nassau, avant de revenir en Europe. Ce sera Kitzbühel, Genève, enfin Palerme…
Toujours en mouvement au gré des soubresauts de l'histoire et, en dépit de l'exotisme des destinations, elle n'aura nulle part où connaître le bonheur de s'enraciner durablement. Et quand cela arrive, à Palerme, dans la maison cossue de son mari, ce n'est rien qui ressemble à du bonheur.
Ces vies de papier léguées par Nonna, à défaut de dessiner une trajectoire nette, fournissent le terreau où se (re)constituer une identité même parcellaire, et Gabriella Zalapì nous invite habilement à réfléchir sur le pouvoir fondateur de l'image car il n'y a rien de pire que de ranger les fantômes dans les cartons.
"Je saute d'une époque à l'autre, d'une voix à l'autre, d'un lien à l'autre. Et toutes ces personnes sur les photographies qui me regardent fixement et que je ne reconnais pas.
Faut-il organiser cette mémoire ou la laisser se décomposer dans le temps ?"
Autre avantage, et non le moindre, ces archives familiales lui offrent, un temps, un refuge dans lequel s'isoler pour déchiffrer sa propre énigme, au grand dam de Franco en colère que cette épouse fantasque ne se conforme pas à ce que la bonne société attend d'elle.
Par la grâce d'une écriture qui ménage des non-dits, ce livre est économe de mots. L'ellipse, assez contradictoirement j'en conviens, favorise la densité ; rien n'est asséné, le tourment et la détresse ne font pas grand tapage, "s'enfoncent dans l'insonore" et reposent dans l'interligne. Ce journal est une confidence sur le poids du passé, sur ce que l'on reçoit en héritage qui corrompt ou éclaire le présent, c'est selon.
"Il paraît qu'un jour on se réveille affamé de ne pas avoir été ce que l'on souhaite. Où ai-je lu cette phrase ? Depuis, au lever, je regarde autrement ce qui m'entoure. le monde prend de l'ampleur, du volume, une odeur. Ce petit miracle s'évanouit très vite pour être remplacé par une implacable journée-ligne."
Entre la comédie des faux-semblants qu'exige sa vie sociale auprès de Franco et ses confidences, Antonia joue des mots pour livrer ses doutes quant à une vie éteinte et toute tracée auprès d'un homme qu'elle n'aime pas
"Il n'y a plus d'oxygène entre lui et moi."
et d'un fils qu'elle délaisse à une "Nurse" qui ne déparerait pas dans un roman de Daphné du Maurier.
À la lecture de ce journal à la tristesse insondable, il m'est revenu quelques images de films de Michelangelo Antonioni où le cinéaste, adoptant ce style qui lui est si particulier, magnifiait les silences, la solitude et la lenteur, et saisissait des instants fugaces, comme les photographies de Nonna ont figé ces moments de possible bascule, d'éventuel abandon.
Antonia est un être de désir qui doit trouver la force d'avancer. L'écriture de ce journal que personne ne soupçonne est un premier pas, mal assuré mais concret, vers une sécession silencieuse.
Un autre suivra.
Ce livre à pages comptées possède une force qui va au-delà de l'histoire individuelle qu'il raconte.
Ce 1er roman est le choix de Emmanuelle Grangé pour la sélection anniversaire 5 ans des #68premieresfois.
https://www.calliope-petrichor.fr/2020/06/10/antonia-journal-1965-1966-gabriella-zalapì-éditions-zoe/
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