"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
J’avais eu un très gros coup de coeur pour Le train des enfants et j’avais vraiment beaucoup aimé Le choix, les deux premiers romans de cette auteure.
La plume, les émotions, les histoires, j’avais été emportée par ces deux romans.
Cette lecture m’a laissée une impression en demie-teinte.
J’avoue même avoir hésité dans la première partie, à abandonner ma lecture.
Et puis, j’ai continué car la plume de cette auteure est toujours aussi fluide et attrayante.
Peu à peu, je suis rentrée dans l’histoire, j’ai apprécié les personnages, leurs fêlures, leurs blessures, leur « folie ».
J’ai finalement été touchée par Elba, enfant élevée dans un asile dans lequel elle a été enfermée avec sa mère. Une enfant qui, après quelques années d’études malheureuses passées auprès de vilaines bonnes-sœurs fait tout pour retourner à l’asile ou elle veut retrouver sa maman et y parvient.
Un roman qui aborde un sujet grave, celui des internements abusifs de femmes qui, soi-disant, défiaient les conventions ! (Extravagances, infidélités, insolences…) En fait, trop souvent, les hommes trouvaient là un moyen bien pratique de se débarrasser de leurs femme, fille, sœur, lorsque celles-ci avaient un comportement jugé déplacé ! Horrifiant !
Il parle aussi du combat mené par le docteur Fausto Meraviglia pour la fermeture de ces asiles psychiatriques.
Mais surtout il parle de l’amour d’une fille pour sa mère. Une fille qui construit sa vie, sa personnalité dans ce « monde à moitié », derrière des murs ou elle attend de retrouver sa mère.
Un récit bien construit, dynamique, ou les patients sont assez gentils (en tout cas ceux que côtoie Elba), mais ou les traitements sont de choc, plus traumatisants et destructeurs que bénéfiques pour la plupart !
S’il ne sera pas mon préféré de l’auteure, ce roman reste une jolie lecture, pleine d’émotions et de sensibilité. Un livre qui aurait pu s’avérer sombre et triste mais pas du tout, une petite pointe d’humour apporte une certaine légèreté bienvenue.
« Je suis venue acheter avec l’argent de mon salaire ce qu’un jour, il y a bien longtemps, tu as voulu me donner de force. Ce que j’y ai gagné ? La liberté de choisir. »
C’est d’abord la plume de Viola Ardone qui m’a embarquée dans l’histoire de son personnage central, Olivia Denaro
.
Une plume aussi simple, légère et sensible, que fluide et précise. Un ton qui correspond parfaitement à la narration d'Olivia. Adolescente puis femme, elle exprime ses doutes, ses envies, reprend les sentences strictes de sa mère, et observe la vie de sa famille. Et par conséquent, retrace une vision passionnante de la société italienne des années 60 à 80, dans un petit village du sud.
Les filles sont libres en Italie, à cette époque. Très libres. Jusqu’au moment où elles sont réglées.
Ensuite, c’est : « Marche en regardant tes pieds, file droit et reste à la maison »
« A partir d’un certain âge, il faut garder les filles aux abris. Ici, le garçon est un brigand et la fille c’est comme une carafe : qui la casse la ramasse. »
Hors le mariage, souvent arrangé par les parents, pas de salut pour les filles.
Ce roman aurait pu être le x-ième sur les conditions des femmes, mais c’est bien plus : une juste analyse du patriarcat, des traditions et du féminisme.
- L’assurance de la virginité en échange d’une situation sociale.
- Le rôle des mères qui souffrent de cette situation de femmes mineures et irresponsables mais la transmettent et l’imposent à leurs filles.
- Le rôle des hommes chargés du savoir, de la charge financière et affective de la famille. Les coupables, les méchants, ou les victimes d’un système ?
Car pour une fille, ne pas être sage, vouloir être indépendante est une tare. Pour un homme, ne pas être viril en est une également. C’est parfaitement illustré par la figure du père d’Olivia. Un homme taiseux, sensible et… respectueux.
« Comment un homme, un père de famille, pourrait-il savoir ce qui est bon pour chacun juste parce qu’il porte la culotte, comme on disait autrefois ? Je suis seulement un paysan, ce que je sais faire, c’est planter une graine et aider la plante à pousser malgré la sècheresse, les pluies soudaines, les violents. »
- Le rôle des femmes entre elles, qui se jugent selon les critères sexistes et les entretiennent : « Tu vois ? On est les premières à juger : trop court, trop long, trop moulant, trop provocant. On répète les mots des hommes au lieu d’essayer de les changer. Ce qui t’est arrivé n’a rien à voir avec l’amour. L’amour ne s’impose, il se donne. »
- La force de caractère nécessaire face aux langues de vipère d’un petit village, face au sentiment d’exclusion. Surtout pour une femme qui se veut libre, tout simplement autonome, sans intégrer une organisation quelconque.
« Les femmes ! Enfin, pourquoi faut-il toujours qu’on parle d’elles au pluriel pour qu’elles soient prises en compte ? Les hommes, eux, ils valent quelque chose, même pris isolément. Nous, par contre, on doit se mettre en rang, former une troupe, comme si on était une espèce à part. je ne veux être le soldat d’aucune armée, Magdalena. Je ne veux être sous aucun drapeau : associations, partis, groupes d’activistes, rien de tout ça ne m’intéresse. »
C’est aussi une belle histoire sur une famille, sur l’amour profond entre ses membres, malgré les différences de vue. Le personnage du père d’Olivia est sublime en matière d’amour et d’engagement face à ses enfants.
Seul bémol : l’enlèvement d’Olivia, que j’ai trouvé un peu rocambolesque.
Un beau roman qui suscite la réflexion et la gratitude pour nos mères, nos grands-mères, arrière-grand-mères qui se sont battues pour être respectées, responsables et libres de leurs choix.
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Instagram : commelaplume
En Italie, un homme lassé de sa femme la fait interner dans un asile où elle accouche d'une petite fille qu'elle nomme Elba.
Elles y vivent cinq ans de complicité et d'amour.
Puis Elba est envoyée dans un pensionnat religieux.
Quand elle revient à l'asile quelques années plus tard, on lui annonce que sa mère est morte, mais elle est sûre que non.
Au traditionnel et inflexible docteur Colapolve est maintenant associé son opposé, le jeune docteur Meraviglia libéral, qui veut le bien être des patients et leur libération.
J'ai adoré ce roman superbement écrit.
L'histoire d'Elba est poignante et sa personnalité admirable.
Ces faits d'internements abusifs étaient en vigueur jusqu'à 1978.
plusieurs romans sont inspirés de ces faits abominables, mais celui-ci a une force et une résonance particulières.
J'ai hâte e lire les autres romans de Viola Ardone, grande et talentueuse écrivaine.
Je découvre l'écriture de Viola Ardone - traduite par Laura Brignon - avec ce roman qui nous plonge dans un thème difficile, celui de la folie, de la frontière entre folie et raison.
Nous sommes à Naples, dans un asile en 1982. Elba est une adolescente, elle est née ici dans ce qu'elle nomme le monde-à-moitié. Sa mère lui a donné le nom d'un fleuve de chez elle, originaire d'Allemagne de l'est, car seuls les fleuves circulent librement disait-elle. Elle a été internée enceinte, Elba est née, elle est restée, elle se souvient des jeux inventés avec sa mère. On l'a envoyée chez les bonnes soeurs pour étudier pendant 5 ans, elle a voulu revenir auprès de sa maman, son arbre, ses racines, mais à son retour on lui a dit qu'elle était morte. Convaincue du contraire, elle a voulu rester ici. Elle consigne tout dans un carnet, son journal des maladies du "mental", les diagnostics des nouveaux patients qu'elle partage avec le docteur Colavolpe qui règne en maître dans le monde-à-moitié imposant des traitements abusifs comme les électrochocs, l'isolement, c'est sa façon d'agir.
Heureusement Elba a créé son monde, et son franc parler, elle a beaucoup d'humour, ce qui apporte de la légèreté au sujet traité.
Un jour arrive un jeune médecin qui a une approche révolutionnaire, c'est Fausto Maraviglia qui sera la seconde voix de ce roman. Il incarne l'espoir pour les patients, ce sera la figure paternelle pour Elba qu'il veut sauver. Un changement de cap pour la psychiatrie, il écoute les patients, les considère comme des êtres humains, psychothérapie individuelle et de groupe, psychanalyse, une autre manière d'appréhender les choses et l'espoir de sauver des gens.
On va suivre les deux personnages durant plusieurs décennies, c'est magnifiquement écrit, de manière poétique avec des touches d'humour qui font du bien.
Un très joli livre sur un sujet difficile, la frontière entre la folie et la raison, les maltraitances institutionnelles, le deuil, le féminisme et la liberté.
Tant qu'il y aura des hommes il y aura des asiles, parce que la folie, c'est profondément humain.
Une très belle découverte.
Ma note : 9.5/10
Les jolies phrases
Pour commencer, tu dois savoir qu'ici c'est pareil que la mer : il y a les Calmes et les Agitées. Une mer fermée, c'est vrai, mais une mer quand même, alors on peut y naviguer.
Devenir fou, c'est parfois une consolation pour ceux qui n'ont rien de mieux.
Savez-vous quel est le problème de notre époque ? Tout le monde veut parler et personne ne veut écouter.
Toutes les vies ont leur attrait même les plus fanées.
C'est ça qui est bien avec les nombres : ils sont infinis, pareil que la dinguerie des gens.
Les riches ne sont jamais fous, ou alors quand ils sont fous, on les met dans une clinique, avec tout leur confort habituel.
C'est plus pratique de mettre tous les tarés dans une seule et même cachette, comme ça personne ne les voit et ils n'existent plus.
Au fond, quelle est la différence entre la prison et l'asile psychiatrique ? Il s'agit de surveiller et punir, dans les deux cas.
Des fois, on a l'impression que les choses qu'on aime sont en train de mourir. Alors qu'en fait elles sont en train de fleurir.
Parce que la folie, rappelle-toi, c'est quelque chose qui part du coeur, quand il est trop chaud ou trop froid, trop sensible ou pas assez, et que la respiration devient trop forte ou trop lente.
Nous les folles, on est des plantes avec les racines à nu, je lui dis, tout ce qu'on cache apparaît à l'extérieur.
Vieillir c'est un peu comme devenir pauvre, madame, croyez-moi. On a moins de possibilités dans la vie, moins de gens autour de soi, et arriver à la fin du mois est à chaque fois un pari. A bien y réfléchir, l'oubli est une dernière caresse de la vie, une réduction de peine pour ceux qui ont vécu trop longtemps et ont plus de souvenirs que nécessaire.
C'est moi, Elba, la folle pour de faux qui est devenue folle pour de vrai. Le destin des fous, c'est de finir par avoir raison, tôt ou tard.
Tant qu'il y aura des hommes il y aura des asiles, parce que la folie, c'est profondément humain.
En fin de compte, seuls les objets demeurent, témoins de notre lente disparition.
La vieillesse est un plan incliné dont au début on ne se rend pas compte, mais qu'on dévale de plus en plus vite.
La vieillesse, ce n'est pas ce que l'on a perdu, mais ce qu'il nous reste.
https://nathavh49.blogspot.com/2024/09/les-merveilles-viola-ardone.html
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