"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Coup de coeur pour Purge.Sofi Oksanen , finlandaise, nous plonge dans l'Estonie des années 1939 à 1992.L'Estonie au cours de ces décennies passe de République d'Estonie à République socialiste soviétique d'Estonie, est occupée par l'Allemagne de 1941 à 1944 puis par les Soviétiques jusqu'en'1991. La République d'Estonie est restaurée en août 1992.
C'est sur fond de ces bouleversements historiques que l'auteure bâtit une fiction où se déploient la répression idéologique ,les complots, les trahisons,la tentation de l'Ouest,les passions humaines.
C'est un roman très dur qui dit la noirceur de l'âme humaine .Sofi Oksanen à travers les personnages d', Aliide estonienne et Zara originaire de Vladivostok mais de retour de Berlin, déroule la violence faite aux femmes qui vont trouver dans une forme de sororite et dans l'échange une sérénité.
Et le début de l'histoire ?
Le récit s'ouvre sur un village estonien dépeuplé. C'est la fin de l'été. Aliide , une vieille femme, découvre dans sa cour, une fille crasseuse, Zara. Elle est russe mais parle aussi estonien.Elle est parvenue à échapper à la vigilance de ses souteneurs .Pour combien de temps?
Des échanges entre les deux femmes , va peu à peu se dévoiler le lien qui
les lie…
La Russie s'effondre. En Estonie, une vieille dame, Aliide, trouve une jeune fille, Zara, dans son jardin. Elle décide de l'accueillir. Elle voit bien que Zara lui ment et qu'elle cache un secret. Zara sait effectivement où elle est : chez la soeur de sa grand-mère. Les épisodes de guerre resurgissent, ainsi que les souvenirs d'invasion par les Russes. On découvre alors la vie d'Aliide, souffrant de jalousie envers sa soeur Ingel, qui non seulement se débrouille mieux qu'elle en tant que ménagère, mais trouve aussi un homme idéal, Hans, qui est anti-soviétique. Hans est obligé de se cacher. Quant à Aliide, elle se sacrifie, accepte le pire de la part des soviétiques pour ne pas avoir à dénoncer la cachette de Hans, dont elle est tombée amoureuse dès le 1er jour.
Un livre très bien écrit, qui montre à quel point les Russes ont pu se montrer atroces envers la population estonienne.
Les sentiments changent vis-à-vis de Aliide tout au long de notre lecture. On a d'abord du respect pour cette vieille dame solide et au bon coeur, puis de la pitié face à la jeune fille qu'elle a été, en manque d'amour et de reconnaissance et elle m'a inspiré aussi du dégoût : elle a été capable du pire envers sa propre famille, pour l'amour d'un homme. Un livre qui fait réfléchir.
Mon attente du prochain titre de Sofi Oksanen a été récompensée par cet essai, publié en novembre dernier chez Stock, que j’ai lu d’une traite : il traite des violences sexuelles commises par les Russes et Poutine en grande partie à travers la guerre menée à l’Ukraine depuis Maidan en 2014, mais pas seulement. Si vous avez lu l’un des romans de l’autrice finnoise, notamment Purge ou Le parc à chiens, cela ne vous étonnera pas qu’elle évoque l’Ukraine et la condition féminine au centre de la guerre et de ses exactions, c’est un sujet qui lui tient à cœur, il la concerne à travers l’histoire de sa famille et évidemment, par le fait d’être une femme. C’est un essai qui se lit très aisément, et avec une certaine appétence, d’autant mieux qu’il est très abordable, bien écrit, très didactique et truffé de références dans les domaines traités.
À mon grand tort, j’ai peu l’habitude d’évoquer les sous-titres, à vrai dire, je ne sais jamais où les caser. Celui-ci est pourtant d’importance, La guerre de Poutine contre les femmes, puisqu’il permet de véritablement cerner les sujets traités et la perspective traitée, celle de l’envahisseur et dictateur, Vladimir Poutine. Les couleurs de la couverture confirment encore davantage, si cela était encore nécessaire, la prise de position de l’autrice. On n’attendait pas à moins de la part de Sofi Oksanen, autrice et féministe engagée. Cet essai naît du propre discours prononcé par l’autrice à l’occasion d’une conférence organisée par l’Académie suédoise le 22 mars 2023 portant sur les dangers auxquels la liberté d’expression et la démocratie sont aujourd’hui confrontés.
Cinq grandes parties divisent cet essai : s’il s’appuie avant tout sur la guerre en Ukraine qui se déroule en ce moment même, c’est pour mettre en exergue ces crimes qui touchent les femmes en particulier, même si les hommes ne sont pas exempts des agressions sexuelles et tenter de mettre à jour les méthodes de domination et de contrôle du président russe. Sur ses citoyens, ses voisins que sont les anciennes républiques soviétiques, sur l’Europe orientale et occidentale, et le reste du monde. Le dernier chapitre consacré aux méthodes utilisées pour manipuler et influencer l’opinion publique se détache un peu du reste du récit, il est cependant nécessaire pour comprendre l’ampleur de l’action de Poutine en Europe et ailleurs. L’essai s’appuie également sur l’histoire familiale de son autrice d’expression finlandaise, d’origine estonienne et ukrainienne : c’est celle-ci même qui introduit la réflexion de Sofi Oksanen, le souvenir de cette grand-mère devenue muette suite à son viol lors de l’occupation soviétique de l’Estonie. Une réflexion qui s’appuie sur son expérience, celle de milliers d’autres femmes à travers le temps et les guerres, on en a encore vu la preuve en octobre dernier avec le Hamas et le massacre du 07 octobre.
Les références bibliographiques de l’écrivaine finlandaise en fin d’ouvrage montrent que bien d’autres femmes se sont aventurées à parler du viol en tant que crime de guerre, à en évoquer les conséquences, et surtout à mettre en première ligne que ceux-ci sont souvent passés sous silence par les victimes, par les autorités, par l’histoire, sans parler des bourreaux. De fait, j’ai ressenti que cet essai comme une tentative de remettre les choses à leur place en mettant la lumière sur cette forme de torture qui touche toutes les femmes, en période de guerre, enfants jusqu’aux grand-mères. Rendre le fait qu’il n’y a pas de désir, si ce n’est celui d’anéantir son ennemi en souillant son intimité. Une méthode d’annihilation plus perverse, car elle détruit d’abord mentalement en chosifiant la personne violer. Une méthode utilisée par tous les dictateurs comme Poutine, qui ont peu d’égard pour le sexe féminin, car ils se complaisent et se revendiquent dans un conservatisme misogyne où les femmes sont victimes de violence domestique en toute légalité.
Attirer le regard et tendre l’oreille sur les victimes et leurs souffrances, leur rendre hommage par ce biais, alors que tortionnaires, patriotes russes, et même instances internationales tentent de passer sous silence les crimes, d’oublier, de dédramatiser, comme si rien ne s’était passé, comme si cette souffrance invisibilisée était inexistante. Elle anticipe d’ailleurs sur les jugements et condamnation. Deux fois dans le même fleuve, c’est une somme d’informations sur la manière dont les Russes commettent leurs crimes de guerre, au vu et su de l’occident, en Ukraine depuis l’invasion de la Crimée, et la fondation de ce qu’elle nomme les deux républiques fantoches de Donetsk et Louhansk, et rendue double par la nouvelle horde d’invasion en 2022 : amplifier le discours de celles et ceux qui s’attachent déjà à dénoncer cela, la cinéaste Alina Kovalenko, le journaliste Stanislav Asseïv qui témoigne de son calvaire dans cette prison nommée « Le Dachau du Donbas ».
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1992. Aliide Truu, une vieille femme, vit seule et dans la peur dans sa ferme d'Estonie Occidentale.
Un matin, une jeune femme, qui prétend fuir un mari violent, débarque dans sa cour. Aliide craint une manipulation de ses ennemis et est tentée de repousser l'intruse. Mais son humanité prend le dessus, et elle accepte de l'héberger temporairement.
Zara, c'est le nom de la fille, ainsi que la désigne la vieille femme, semble avoir d'autres motivations, qui réveillent un sombre passé.
Ce roman n'est pas des plus faciles à lire, du fait de ses nombreux aller-retours dans le passé, à des époques différentes, vécues par plusieurs personnages. Trouver le fil conducteur n'est pas aisé, mais c'est le défi que nous lance l'autrice.
L'intrigue nous fait visiter l'histoire contemporaine de l'Estonie : état indépendant dans les années 1930 ; envahi par la Russie soviétique en 1940, puis par l'Allemagne nazie en 1941 ; attendant une libération par les forces alliées avant d'être annexée par les soviétiques en 1944 ; ne retrouvant enfin son indépendance qu'en 1991, lors de la dislocation de l'URSS.
Aliide a traversé toutes ces époques en tentant, avec plus ou moins de succès, de sauver son intégrité. On comprend qu'elle n'y a pas toujours réussi. Elle nous fait découvrir les états d'âme d'une population soumise aux uns puis aux autres, qui a parfois choisi un camp, pas toujours le bon... Elle nous fait vivre les déchirements qui ont détruit sa famille, dont ses désirs les plus intimes.
Les deux personnages principaux sont contrastés, à la fois tout en contradiction et tout en nuance. Tout les oppose, mais tout semble devoir les réunir. Un peu comme si des armures protectrices, construites au fil du temps, se délitaient pour laisser la place à l'humanité des deux femmes..
L'écriture n'est pas facile ; la lecture non plus. Je me suis accroché sur le premier quart du livre. Ensuite ce fut plus fluide. Peut-être parce que la trame historique du livre est peu à peu apparue.
Comme toujours, je me suis intéressé au livre, avant d'aller lire le CV de l'auteur. J'ai ainsi découvert que la mère de l'autrice avait fui l'Estonie soviétique pour s'installer en Finlande dans les années 1970, comme Talvi, la fille d'Aliide. Ce qui donne certainement une dimension autobiographique à ce roman ?
Chronique illustrée : http://michelgiraud.fr/2024/01/12/purge-de-sofi-oksanen-chez-stock-tres-bon-roman-noir-historique/
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