"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Il faut bien l'avouer, quand j'ai eu ce livre entre les mains, je me suis interrogée. Mais dans quelle lecture allais-je m'embarquer?? André Breton, pour moi comme pour beaucoup, c'est Nadja. Livre lu il y a des années mais pourtant toujours en mémoire. Dans ce livre, la référence y est grande, comme un fil conducteur . J'avais donc peut-être une chance de ne pas me perdre dans cette lecture somme toute très littéraire...
Les premières pages m'ont tout d'abord déconcertée. Chance Salvage, jeune femme malmenée par la vie, débarque par hasard dans celle d'André Breton. Cette rencontre va sceller à jamais son destin. A peine un mot échangé entre les deux et voilà que l'amour leur tombe dessus comme la foudre sur le clocher d'une église...C'est rapide, intense et quelque peu...surréaliste!! Mais il faut dire que Chance possède tous les atouts pour séduire le poète, pourtant dûment marié à Elisa. La jeune femme voit la vie en poésie, accepte l'irréel de l'existence et s'y jette à corps perdu.
Passés ces premiers instants d'incrédulité, je me suis surprise à ne pas pouvoir lâcher ce livre. L'histoire de Chance et André nous est conté par un mystérieux narrateur dont nous saurons seulement qu'il habitait le village des deux protagonistes. Ce dernier nous entraîne dans le tourbillon de la vie de Chance, maîtresse "veuve", muse du poète, rejetée par ses pairs.
C'est ici l'histoire d'un destin hors norme qui se déroule sous nos yeux. La frontière entre la folie, le génie y est ténue. L'amour est porté à son paroxysme, peut-être dans sa forme la plus pure mais aussi la plus destructrice. L'emprise du poète sur sa muse nous apparaît comme une malédiction dont il est impossible de se défaire mais dans laquelle on plonge avec délectation.
Il m'est impossible de classer ce roman dans un genre particulier. Seul le sentiment d'avoir lu quelque chose d'hors-norme, d'envoûtant demeure. Et c'est peut-être là l'essentiel.
Surréaliste? Certainement. Et,ce, pour mon plus grand plaisir !
Ce livre est un petit bijou dont la lecture m’a régalé de bout en bout. Non seulement, le plaisir était complet mais Serge Filippini m’a donné envie d’en savoir plus sur André Breton (1896 – 1966) et le surréalisme.
Pour nous permettre d’approcher l’artiste, l’auteur a créé Chance Salvage, jeune femme qui a fui Virgile, un amant violent, pour se rendre à Saint-Cirq-Lapopie, superbe village du Lot où, celui qu’elle admire a acheté une maison en 1951 : la maison des Mariniers. Il y a reçu les célébrités de l’époque : Max Ernst, Picasso, Dali, Miró, Man Ray…
Elle arrive à Saint-Cirq le 24 septembre 1966 et rencontre d’abord Radovan Ivsic (1921 – 2009), un poète croate, intime d’André Breton qui a 70 ans et souffre d’un emphysème pulmonaire. Radovan lui offre Nadja, fameux livre signé André Breton, sorti en Livre de Poche cette année-même. C’est ce livre que Chance lit afin de guérir du viol qu’elle a subi à Paris. Puis, elle écrit sur la page du titre : J’aimerai André Breton.
La fiction est bien lancée, toujours étayée sur la vie réelle de celui qui fut désigné comme « le Pape du surréalisme ». Chance réussit à le rencontrer, à assouvir son amour malgré la méfiance et l’hostilité d’Elisa Breton, sa troisième épouse. Lors d’une conversation avec celle-ci et Ivsic, l’auteur précise le sens qu’il donne au mot magie : « Breton usait de ce mot comme d’un synonyme de poésie : modifier le réel pour en libérer le merveilleux. »
C’est cette définition qui me semble le mieux résumer ce livre qui nous fait rencontrer aussi le père Barbera, curé du village qui va jouer son rôle dans la face religieuse, trop importante à mon goût, du roman de Serge Filippini.
Chance veut vivre son amour, libérée de toute entrave sans sombrer dans la folie comme Nadja, de son vrai nom Léona Delcourt (1902 – 1941). Elle suit donc André Breton rapatrié d’urgence à Paris où Chance aperçoit Aube, née en 1935, la fille de celui qu’elle aime, puis croise Virgile, haineux, qui lâche : « J’ai toujours su que tu étais une petite réactionnaire cachée sous des airs affranchis. »
L’auteur, suivant les pas de Chance, nous amène dans L’Hôtel des Grands Hommes (Ve arrondissement) où, en 1919, André Breton et Philippe Soupault écrivirent Les Champs magnétiques, ouvrage marquant de début du mouvement surréaliste.
Hélas, nous le savons, André Breton est mort le 28 septembre 1966, quelques jours après sa rencontre hypothétique avec Chance… C’est là que l’auteur révèle talent et imagination pour mener son roman à bien, nous plongeant dans les turbulences de mai 1968 après des événements qu’il ne faut pas révéler.
Prise entre folie et foi, Chance revient dans le Quercy et l’auteur nous entraîne dans une partie mystique qui n’empêche pas de voyager faisant de J’aimerai André Breton un roman original, triste, émouvant, instructif, une histoire mâtinée de religiosité avec, toutefois, suffisamment de scepticisme pour que le tout soit bien mené et bien bouclé.
Chronique illustrée à retrouver sur : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
Après les biographies (plus ou moins exactes), les essais, la bande dessinée, voici venir le roman. Enfin, un des romans consacrés à Arthur Rimbaud, poète météore au destin étonnant et contradictoire. En fait, le libérateur du langage n’a pas vécu une vie mais bien plusieurs, dont certaines loin de la France, des Ardennes et de sa mère. Ainsi, en 1880, est-il à Aden (Yémen), fréquentant, par la force des choses, une petite communauté de colons français. Et Serge Filippini d’écrire sur cette période-là, à partir d’une photo prise dans la véranda du Grand Hôtel de l’Univers. Rimbaud serait l’homme, assis à droite. L’auteur nous décrit les heures avant la prise de cette image, tout en nous brossant le portrait des différentes personnes présentes. Il parle également de l’état des relations entre elles, exacerbées par leurs projets avortés, leurs déceptions, leurs frustrations… Rimbaud est presqu’un prétexte pour nous présenter ces personnalités-là, ayant toutes existé. Il est également frappant à quel point l’ancien poète est sujet de fantasmes pour chacune d’entre elles. Pour Emilie Bidault, il est un amant potentiel et énigmatique. Pour l’explorateur Edouard-Henri Lucereau, il est un homme malhonnête, un parasite. Paul Bourde, qui eut pour condisciple Arthur Rimbaud au petit séminaire de Charleville, il n’est rien qu’un inverti impénitent. Pour Jules Suel, il est un excellent compagnon de beuverie et de ripailles. Pour Madame Suel, il est un homme sans foi ni loi, grossier et solitaire. Bref, le portrait de Rimbaud, dans toute sa complexité, se fait en creux. Jusque dans ce surnom, Rimbaldo, qui dans ses consonances italiennes, lui donne un écho romantique alors que dans les quelques pages qui lui sont consacrées, Rimbaud semble revenu de tout, seulement préoccupé de rentes et de mariage. Mais n’est-ce pas le propre des hommes hors normes de susciter autant de divagations émotionnelles ?
Serge Filippini a écrit, avec une langue alerte et imagée, un texte séduisant et troublant sur la relation à l’Autre, la relation aux autres, la relation au Monde. Il s’interroge sur le destin d’un homme, probablement nomade dans l’âme, devenu prisonnier de lui-même.
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