Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
« Elle avait gardé toute la nuit Nadja serré entre les cuisses - comme si elle avait attribué à ce livre un pouvoir magique. Mais le petit volume à présent lui comprimait le ventre.
Elle l'avait toujours à la main quand elle s'est levée pour aller aux toilettes. Elle a pris au passage, sur la table, un Bic noir appartenant à l'auberge. Dans le cabinet, elle a ouvert Nadja sur ses genoux à la page de titre et écrit méticuleusement J'aimerai au-dessus du nom de l'auteur, en script du même corps. Elle a tracé avec art toutes ses lettres afin que la mention nouvellement composée J'aimerai André Breton soit bien unifiée, et que ses propres caractères paraissent eux-mêmes sortir de l'imprimerie. »
Il faut bien l'avouer, quand j'ai eu ce livre entre les mains, je me suis interrogée. Mais dans quelle lecture allais-je m'embarquer?? André Breton, pour moi comme pour beaucoup, c'est Nadja. Livre lu il y a des années mais pourtant toujours en mémoire. Dans ce livre, la référence y est grande, comme un fil conducteur . J'avais donc peut-être une chance de ne pas me perdre dans cette lecture somme toute très littéraire...
Les premières pages m'ont tout d'abord déconcertée. Chance Salvage, jeune femme malmenée par la vie, débarque par hasard dans celle d'André Breton. Cette rencontre va sceller à jamais son destin. A peine un mot échangé entre les deux et voilà que l'amour leur tombe dessus comme la foudre sur le clocher d'une église...C'est rapide, intense et quelque peu...surréaliste!! Mais il faut dire que Chance possède tous les atouts pour séduire le poète, pourtant dûment marié à Elisa. La jeune femme voit la vie en poésie, accepte l'irréel de l'existence et s'y jette à corps perdu.
Passés ces premiers instants d'incrédulité, je me suis surprise à ne pas pouvoir lâcher ce livre. L'histoire de Chance et André nous est conté par un mystérieux narrateur dont nous saurons seulement qu'il habitait le village des deux protagonistes. Ce dernier nous entraîne dans le tourbillon de la vie de Chance, maîtresse "veuve", muse du poète, rejetée par ses pairs.
C'est ici l'histoire d'un destin hors norme qui se déroule sous nos yeux. La frontière entre la folie, le génie y est ténue. L'amour est porté à son paroxysme, peut-être dans sa forme la plus pure mais aussi la plus destructrice. L'emprise du poète sur sa muse nous apparaît comme une malédiction dont il est impossible de se défaire mais dans laquelle on plonge avec délectation.
Il m'est impossible de classer ce roman dans un genre particulier. Seul le sentiment d'avoir lu quelque chose d'hors-norme, d'envoûtant demeure. Et c'est peut-être là l'essentiel.
Surréaliste? Certainement. Et,ce, pour mon plus grand plaisir !
Ce livre est un petit bijou dont la lecture m’a régalé de bout en bout. Non seulement, le plaisir était complet mais Serge Filippini m’a donné envie d’en savoir plus sur André Breton (1896 – 1966) et le surréalisme.
Pour nous permettre d’approcher l’artiste, l’auteur a créé Chance Salvage, jeune femme qui a fui Virgile, un amant violent, pour se rendre à Saint-Cirq-Lapopie, superbe village du Lot où, celui qu’elle admire a acheté une maison en 1951 : la maison des Mariniers. Il y a reçu les célébrités de l’époque : Max Ernst, Picasso, Dali, Miró, Man Ray…
Elle arrive à Saint-Cirq le 24 septembre 1966 et rencontre d’abord Radovan Ivsic (1921 – 2009), un poète croate, intime d’André Breton qui a 70 ans et souffre d’un emphysème pulmonaire. Radovan lui offre Nadja, fameux livre signé André Breton, sorti en Livre de Poche cette année-même. C’est ce livre que Chance lit afin de guérir du viol qu’elle a subi à Paris. Puis, elle écrit sur la page du titre : J’aimerai André Breton.
La fiction est bien lancée, toujours étayée sur la vie réelle de celui qui fut désigné comme « le Pape du surréalisme ». Chance réussit à le rencontrer, à assouvir son amour malgré la méfiance et l’hostilité d’Elisa Breton, sa troisième épouse. Lors d’une conversation avec celle-ci et Ivsic, l’auteur précise le sens qu’il donne au mot magie : « Breton usait de ce mot comme d’un synonyme de poésie : modifier le réel pour en libérer le merveilleux. »
C’est cette définition qui me semble le mieux résumer ce livre qui nous fait rencontrer aussi le père Barbera, curé du village qui va jouer son rôle dans la face religieuse, trop importante à mon goût, du roman de Serge Filippini.
Chance veut vivre son amour, libérée de toute entrave sans sombrer dans la folie comme Nadja, de son vrai nom Léona Delcourt (1902 – 1941). Elle suit donc André Breton rapatrié d’urgence à Paris où Chance aperçoit Aube, née en 1935, la fille de celui qu’elle aime, puis croise Virgile, haineux, qui lâche : « J’ai toujours su que tu étais une petite réactionnaire cachée sous des airs affranchis. »
L’auteur, suivant les pas de Chance, nous amène dans L’Hôtel des Grands Hommes (Ve arrondissement) où, en 1919, André Breton et Philippe Soupault écrivirent Les Champs magnétiques, ouvrage marquant de début du mouvement surréaliste.
Hélas, nous le savons, André Breton est mort le 28 septembre 1966, quelques jours après sa rencontre hypothétique avec Chance… C’est là que l’auteur révèle talent et imagination pour mener son roman à bien, nous plongeant dans les turbulences de mai 1968 après des événements qu’il ne faut pas révéler.
Prise entre folie et foi, Chance revient dans le Quercy et l’auteur nous entraîne dans une partie mystique qui n’empêche pas de voyager faisant de J’aimerai André Breton un roman original, triste, émouvant, instructif, une histoire mâtinée de religiosité avec, toutefois, suffisamment de scepticisme pour que le tout soit bien mené et bien bouclé.
Chronique illustrée à retrouver sur : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
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