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Aden, août 1880. Jules Suel, gérant du Grand Hôtel de l'Univers, a décidé de s'offrir un cliché publicitaire. Il convie quelques fidèles à poser autour de lui. Tous se prêtent au jeu, plutôt de bonne grâce. Seul un employé de la maison Bardey, un être taciturne vêtu comme un ouvrier, se fait prier - et ce personnage n'est autre qu'Arthur Rimbaud.
S'inspirant de la célèbre photo retrouvée par hasard en 2010, Serge Filippini imagine les deux heures qui mènent à la prise de vue. Il entrecroise les vies des six hommes et de la femme bientôt figés dans leur portrait de groupe. Qui sont-ils, ces commerçants et ces explorateurs? Quelles obsessions, quels rêves les animent? Quels secrets sont-ils venus cacher dans la chaleur accablante et la poussière d'Arabie? Et pourquoi Rimbaud refuse-t-il l'amour qui s'offre à lui?
Après les biographies (plus ou moins exactes), les essais, la bande dessinée, voici venir le roman. Enfin, un des romans consacrés à Arthur Rimbaud, poète météore au destin étonnant et contradictoire. En fait, le libérateur du langage n’a pas vécu une vie mais bien plusieurs, dont certaines loin de la France, des Ardennes et de sa mère. Ainsi, en 1880, est-il à Aden (Yémen), fréquentant, par la force des choses, une petite communauté de colons français. Et Serge Filippini d’écrire sur cette période-là, à partir d’une photo prise dans la véranda du Grand Hôtel de l’Univers. Rimbaud serait l’homme, assis à droite. L’auteur nous décrit les heures avant la prise de cette image, tout en nous brossant le portrait des différentes personnes présentes. Il parle également de l’état des relations entre elles, exacerbées par leurs projets avortés, leurs déceptions, leurs frustrations… Rimbaud est presqu’un prétexte pour nous présenter ces personnalités-là, ayant toutes existé. Il est également frappant à quel point l’ancien poète est sujet de fantasmes pour chacune d’entre elles. Pour Emilie Bidault, il est un amant potentiel et énigmatique. Pour l’explorateur Edouard-Henri Lucereau, il est un homme malhonnête, un parasite. Paul Bourde, qui eut pour condisciple Arthur Rimbaud au petit séminaire de Charleville, il n’est rien qu’un inverti impénitent. Pour Jules Suel, il est un excellent compagnon de beuverie et de ripailles. Pour Madame Suel, il est un homme sans foi ni loi, grossier et solitaire. Bref, le portrait de Rimbaud, dans toute sa complexité, se fait en creux. Jusque dans ce surnom, Rimbaldo, qui dans ses consonances italiennes, lui donne un écho romantique alors que dans les quelques pages qui lui sont consacrées, Rimbaud semble revenu de tout, seulement préoccupé de rentes et de mariage. Mais n’est-ce pas le propre des hommes hors normes de susciter autant de divagations émotionnelles ?
Serge Filippini a écrit, avec une langue alerte et imagée, un texte séduisant et troublant sur la relation à l’Autre, la relation aux autres, la relation au Monde. Il s’interroge sur le destin d’un homme, probablement nomade dans l’âme, devenu prisonnier de lui-même.
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