Au travers des souvenirs de l’enfant, le portrait d’une grand-mère courageuse et attentionnée
Au travers des souvenirs de l’enfant, le portrait d’une grand-mère courageuse et attentionnée
Idiss était la grand-mère maternelle de Robert Badinter. Elle est née dans un village de Bessarabie, province russe, devenue en grande partie, aujourd'hui, la Moldavie, mais surtout connue comme appartenant au Yiddishland (le pays des juifs) d'Europe centrale.
Au début du XXième siècle, la violence des pogroms pousse la famille à fuir vers la France. Un couple et trois enfants, deux adolescents et une petite fille, Chifra, prénom francisé en Charlotte, la maman du célèbre avocat.
La famille s'intègre bien à Paris, dans l'artisanat et le commerce. Le père, à cinquante ans, cherche même à entrer dans l'armée française en 1914 : sa nouvelle patrie était en danger !
Mais Hitler viendra, et une partie de la France se soumettra. Le petit garçon qu'était alors Robert Badinter s'en souvient.
À l'éloquence de l'avocat, Badinter ajoute le talent du conteur. Je l'avais découvert dans sa biographie de "Condorcet" (écrite à quatre mains avec son épouse, éditions Fayard) puis dans "L'Abolition" (de la peine de mort, éditions Fayard également). Ce petit livre de mémoire le confirme encore, s'il en est besoin.
Cette évocation de la grand-mère, qui a accompagné l'enfance de l'avocat, est particulièrement émouvante. On y retrouve toutes les épreuves subies par les juifs, en Europe centrale puis en France. Elles sont évoquées avec beaucoup de pudeur. On comprend comment le personnage de l'avocat s'est construit, dans la bienveillance de sa grand-mère, de ses parents, de son oncle.
Si l'auteur ne s'attarde pas sur les atrocités commises entre 1939 et 1945, la liste, et le destin, des trois noms qui concluent le livre est édifiante. Il n'y manque qu'une mention : "Morts pour une certaine idée de la France".
Chronique illustrée : http://michelgiraud.fr/2023/09/10/idiss-de-robert-badinter-chez-fayard-emouvant/
Ayant déjà lu l’adaptation d’Idiss en BD, dessinée et mise en couleur par Fred Bernard, scénarisée par Richard Malka, j’ai eu moins de surprise à découvrir cette destinée singulière qu’a été la vie de la grand-mère maternelle de Robert Badinter, Idiss Rosenberg, née dans la Bessarabie tsariste, dans ce qu’on appelle le Yiddishland, un monde aujourd’hui disparu, qui fuit l'empire tsariste pour se réfugier à Paris en 1912. En effet, il faut reconnaître que le roman graphique est resté très fidèle à ce magnifique témoignage d’amour tout autant que récit historique écrit par celui qui incarne l'abolition de la peine de mort en France, son petit-fils, Robert Badinter.
C’est avec beaucoup de sensibilité, de tendresse que l’ancien garde des Sceaux livre ce récit touchant qui rend hommage à celle qui n’a pas eu la chance d’apprendre à lire et à écrire, l’éducation étant réservée aux garçons. L’analphabétisme restera d’ailleurs, tout au long de sa vie, son premier problème. Sa revanche, elle l’aura en premier lieu avec sa fille Chifra qui pourra intégrer dès son arrivée l’école primaire gratuite et républicaine, conformément à la loi française puis, avec ses petits-enfants. Robert Badinter rend d’ailleurs un hommage vibrant à ces instituteurs de la République, ces militants de l’école laïque animés par un idéal, celui de « faire reculer l’ignorance et les préjugés, et d’ouvrir ces jeunes esprits au monde de la connaissance et aux beautés de la culture française », de les transformer en citoyens de la République.
Robert Badinter montre bien également que l’appartenance des Juifs à des classes sociales différentes l’emportait sur l’identité religieuse commune. «Ainsi, avant la guerre, les juifs de France constituaient une société de classes, du Yid du Marais à l’aristocrate faisant courir sous ses couleurs des pur-sang à Longchamp. Qu’y avait-il de commun entre l’un et l’autre ? Simplement, tous deux étaient juifs. Les nazis allemands et les fascistes français allaient le leur rappeler brutalement. »
Bientôt, la guerre allait mettre fin à ce bonheur précaire. Ils devront tenter d’échapper à la montée xénophobe et antisémite, connaîtront les restrictions sur le droit des juifs, les lois et décrets du gouvernement de Vichy et les mesures allemandes sont d’ailleurs publiées en annexe, nous rappelant les horreurs de cette période.
Idiss est un récit sobre dans lequel la tendresse et la douleur s’entrelacent pour offrir au lecteur un livre à la fois intime et universel, superbement bouleversant.
À noter qu’au centre du bouquin, quelques photos de la famille et quelques documents personnels permettent de rendre encore plus vivant cette belle et terrible histoire, à la fois romanesque et tragique.
Chronique illustrée à retrouver sur : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
Je viens d'achever, un peu émue je dois dire, cette autobiographie de Robert Badinter, concernant la période où il fut garde des sceaux.
Robert Badinter est souvent réduit (ce qui n'est déjà pas rien) à l'abolition de la peine de mort. Or, son action et son humanisme vont au delà de cette reforme majeure.
Le texte est très bien écrit, limpide, humble et sans langue de bois.
Quelques passages m'ont marquée comme lorsqu'il évoque que lorsqu'on est ministre, il ne faut pas avoir besoin d'être aimé mais de là à être détesté...
Il y a aussi un petit vent de nostalgie en relisant ces combats des années 80.
Ses propos, même au sujet de ses adversaires, restent mesurés.
Il y a une élégance dans son discours qui fait du bien.
Je terminerai comme ces étudiants qu'il rencontre juste avant de quitter la chancellerie :
Ce ne fut pas un cours ni même un discours. Je leur exposai ce que j'avais pu réaliser, et aussi ce que je n'avais pas accompli et qui restait à faire. Ce serait leur tâche à eux pour demain. A la fin du jeu des questions-réponses, je vis s'approcher deux d'entre eux : une jeune fille, un jeune homme. Ils me remirent un gros registre ; douze cents étudiants l'avaient signé. Sur la première page était écrit en beaux caractères : "Merci, Monsieur Badinter !".
La première de couverture du livre de Robert Badinter : « Idiss », est à l’image de sa sensibilité et de sa droiture. Et il est pour moi et certainement pour une multitude de personnes l’homme, qui avec un immense charisme fut à l’origine de la suppression de la peine de mort -vision certes limitée, mais inhérente à la noria d’informations dans les médias- Une excuse, sans doute, de ce manque d’attention voire d’intérêt pour cet homme qui malgré les affres de la guerre a su garder son humanité. Cet homme nous dévoile, dans son livre, une partie intime de son enfance, avec un lien prépondérant avec l’immense amour de sa grand-mère maternelle : Idiss. Ainsi, la lecture de ce récit procure des moments inoubliables, des moments de sacrifices, des moments de grande fraternité qui élèvent l’âme.
Bien sûr, pour ses parents, ce n’est plus un rêve, ils fuient pour éviter les exactions qui montent lors de la période d’avant-guerre dans leur pays, et fixent leur espoir dans une grande nation, la France, afin d’être non seulement acceptés mais intégrés. Donc de quitter la Bessarabie, pour échapper aux pogroms, à la haine qui se développait envers le peuple juif. Tout laisser pour se reconstruire, la nécessité d’une forte résilience, la nécessité de survivre dans un univers qui n’était plus le leur, sauf dans leur cœur ! Et une fois dans le pays de la Liberté, quelques temps après, connaître à nouveau la xénophobie autant que l’antisémitisme ; mais faire preuve d’humilité et de fraternité, malgré tout. Une obligation, non ! Un devoir !
Et encore après quelques temps, ils ressentent le sentiment de demeurer des étrangers sur la terre de France, qui semble plus hospitalières dans ses lois que dans les faits.
Ainsi, Robert Badinter relate, sans animosité, une évocation des vicissitudes subies par les juifs -des camps d’extermination, de la bassesse de la police de Pétain, des humiliations et surtout de la haine sans visage- Un livre mémoire pour ces hommes, pour tous les hommes, consubstantiel du devoir de compassion.
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