"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Très bonne surprise que ce roman noir s'il en est avec un héros revenu de tout, désabusé, blasé, alcoolique, aux accès de violence chroniques qui vit dans le souvenir de sa mère grande star d'Hollywood et dont il voudrait comprendre les raisons du suicide. A ses côtés, Eden, jeune et jolie fille un peu perdue, droguée, qui passe de l'amour à la haine en une fraction de seconde, du rire aux larmes, d'une déclaration enflammée à une colère terrible, violente.
Sur fond de cinéma étasunien des années 1950, Pascal Louvrier construit un roman noir, sec, dans lequel il ne s'embête pas avec des fioritures. L'écriture est directe, sèche elle aussi, va au plus rapide, sans passer par des circonvolutions peu intéressantes. Ses personnages sont bien sûr archétypaux, ce qui est dans les codes du genre noir. Il parvient habilement à nous les rendre sympathiques en allant au plus profond de leurs débordements, de leurs doutes et peurs, interrogations, et James en a des tonnes.
On est loin du rythme d'un thriller, James prend son temps, même s'il est pressé par Eden pour changer, pour sortir de cette adoration morbide pour sa mère et les raisons de son suicide. Rien de déplaisant pour le lecteur, bien au contraire, qui prend lui aussi le temps de vivre avec les protagonistes pour ensuite sentir monter l'intrigue et tenter de résoudre l'énigme. Icelle est fort bien menée qui tient jusqu'au bout, sans doute par l'atmosphère pesante, lourde et orageuse comme le climat du désert de l'Arizona.
Franchement, j'ai beaucoup aimé, je me suis régalé de bout en bout -malgré quelques paragraphes superflus. Pascal Louvrier a écrit pas mal de biographies (Michel Delpech, Françoise Sagan, George Bataille et Johnny Halliday) ; Moteur ! est son troisième roman, qui en plus me fait découvrir les éditions TohuBohu.
Avec "Je ne vous quitterai pas", paru l'année dernière, Pascal Louvrier avait fait une entrée très réussie dans le genre romanesque. De la même manière et sous un titre un peu ronflant, "L'état du monde selon Sisco" égrène au fil des pages une musique à la grâce infinie, mélange de gravité, de nostalgie et, fugaces, de ces petits instants qui nous font nous sentir vivants lorsqu'au faîte de la gloire, on ne perçoit que déchéance et comme une envie d'en finir.
Marc Sisco, architecte de génie, passionné de grande musique, au prénom prédestiné pour officier à Venise, se voit accepter un projet d'Opéra pour la Sérénissime. Sisco vit dans une cage dorée, prisonnier de sa renommée. De toutes parts sollicité, il goûte à l'amertume de la solitude. Sa femme, sa fille lui sont devenues de quasi-étrangères. La décrépitude physique, l'inconfort d'un costume qui ne lui semble plus ajusté, une vieille mère qui se meurt dans sa maison de retraite, le réconfort dans les yeux ou sur les lèvres d'une collaboratrice... : c'est cette cruauté de la vie que raconte Louvrier, avec tant de justesse, en même temps qu'il interroge le processus de création et la marche d'un monde parfois privé d'oxygène. Beaucoup de sensibilité et d'élégance !
Il veut rendre le monde plus beau, son talent est largement reconnu, il vient même d’être retenu pour construire le nouvel opéra de Venise, un projet hors normes. Justement, pour se fondre dans la masse, exister, laisser traces dans l’histoire.
Ainsi, selon la formule, « il a tout pour être heureux ». De retour à Paris, un malaise s‘empare de Marc Sisco, le grand architecte. Il doute, de sa vie, de ses capacités à être lui, riche, talentueux, mari, père, tant de rôles à tenir.
L’ambition sans borne n’est-elle pas en train de l’enfermer dans une sorte de prison dorée ?
Il se rend compte que sa vie de couple est inexistante, que sa fille ne supporte plus un père absent. Il cherche à compenser son mal-être dans l’alcool, les cigares, de brèves rencontres sans suite.
J’ai lu ce roman très vite, Marc Sisco m’est apparu comme le cliché d’un dirigeant d’entreprise, voire même d’un politique, happé par les exigences et les turpitudes de la société actuelle dans laquelle les notions de travail, pouvoir, gloire, richesse… se confondent en écartant juste la réalité, les sentiments, l’humanité, enfin, d’autres valeurs.
Dans ce personnage, cet homme dépité, des sursauts d’humanité apparaissent, mais simplement comme une ponctuation, par exemple, lors de la fin d’une vie.
Le côté sombre, presque antipathique de Sisco dans cette histoire presque « banale », ou peut-être trop réaliste, m’a laissée dans une sorte de pessimisme.
Marc Sisco est un architecte reconnu qui vient de remporter le concours pour construire le nouvel opéra de Venise. Ce qui devrait être considéré comme une consécration est davantage une rupture pour lui ; désabbusé, désormais sans but précis, avec un mariage qui va à vau-l'eau, on le suit dans ces moments de doute.
Je dois concéder que ce roman ne m'a pas tellement séduit ; je n'ai certes pas eu de difficulté à le terminer mais j'en ressors avec un sentiment très mitigé.
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