"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Grand maître du pastiche dont il a fait sa marque de fabrique, (n' a-t il pas donné pour titre à un de ses opus Pasticheries fines ), Pascal Fioretto prête sa plume ici à celle qu'il désigne sous le nom d'Annie Ernox (dans lequel il est facile de deviner le nom du Prix Nobel de Littérature 2022 Annie Ernaux) , celle qui avait déclaré dans son discours de réception du Prix Nobel qu'elle voulait écrire pour « venger sa race », c'est à dire celle des gens modestes et besogneux ?
Dans ce pastiche l'écrivaine Annie Ernox qui a reçu le Prix Nobel de « littératchure » relate ( tantôt à la première, tantôt à la 3e personne ) sa liaison avec un milliardaire américain qui lui permet de découvrir l'univers des ultrariches , leurs misères et leurs problèmes avec les domestiques.
Seuls, les lecteurs qui connaissent déjà les ouvrages d'Annie Ernaux seront à même d'apprécier ce pastiche qui pourra les faire sourire .
Ils comprendront mieux ainsi l'utilisation de l'écriture« plate », celle du refus « du bien écrire, de la belle phrase » .
Ceux qui ont vu ses ses interwiews à la télévision saisiront mieux les détails renvoyant notamment à sa silhouette ou à ses vêtements .
Pétillant, judicieux, tragique et comique à la fois, « Petit abécédaire de l’apocalypse heureuse » est un bonbon acidulé fondant en bouche. Sous ses faux-airs de clown au nez rouge, l’humour au garde-à-vous, cet essai voire pamphlet est la prononciation à la virgule même de notre monde.
Rien n’est laissé au hasard. Le compte à rebours est lancé : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs ».
Absolument pas dans le jugement, ni la morale, ce texte est la démonstration de nos ambiguïtés et de nos contradictions. Essentiel, précieux, sociologique, il est également d’une intuition politique grave.
Pascal Fioretto brise les carcans avec raffinement et finesse. D’aucuns se sentent concernés. Tous, nous sommes complice avec cet essai crissant comme de la glace et remarquable.
Gorgé de malice, notre monde est dépeint, tout en déliquescence. Ici, il reçoit un coup de règle sur les doigts. La subtilité est un lâcher de crayons de couleur. Les diktats sont décortiqués. Nos habitus aussi. Ce pourrait être aussi un crucial livre sociétal. Un modèle pour les hautes sphères politiciennes. Écoutez Pascal Fioretto : « E. S’[e]ffondrer : À l’idée que la Fin commence bientôt, certains d’entre nous entrent en dissonance cognitive et sautent dans leur 4X4 pour aller embrasser les arbres… Et puis il y a les esprits forts qui, au lieu de faire semblant de croire que ça va finir par s’arranger grâce aux États généraux de la mobilité douce et au Grenelle de la soutenabilité écocitoyenne durable, ont compris qu’il n'y avait plus rien à faire et qui le font ».
Quid des survivalistes, des collapsologues, « s’attendre à des émeutes, pires que le jour du Black Friday chez Zara. Il y aura des coupures d’eau, d’électricité et même de Netflix ».
La déambulation est burlesque, jubilatoire et viscéralement brillante. La trame jongle entre un style d’une haute intelligence et la capacité hors norme et perfectionniste de démontrer tous nos travers et les paradoxes qui accentuent la fin du monde. L’ubuesque de nos comportements et de nos doctrines de vie.
« L : Trouver son [L]ieu de vie : Nous n’avons finalement pas choisi le Perche mais cette immersion dans le « foncier atypique » nous aura au moins appris que le prix au mètre carré varie en fonction du voisinage immédiat : néoruraux surdiplômés en crise de la trentaine ou agriculteurs glyphosato-dépendants ?… De la vie culturelle alentour : concerts de musique baroque ou cours de danse country ? ».
L’abécédaire est le reflet même de nos corpus idéologiques. Tous, nous avons notre propre façon d’être dans l’apocalypse, celle qui advient subrepticement. Pascal Fioretto jongle avec l’autodérision. On sourit de nos malheurs à venir, de nos chutes et de nos manichéennes attitudes.
« Mieux vaut donc porter un masque quand les traitements commencent et faire comme les oiseaux, fermer notre gueule ».
Quid de notre alimentation, de l’intelligence artificielle, des cryptomonnaies, de l’écriture inclusive et tutti quanti. Nous marchons dans une forêt et tant pis si les branches des arbres griffent nos convictions. Pascal Fioretto est un funambule sur le fil de la vie. Il ne vacille pas. Il a compris le sens du vent, la violence des dangers sournois, et les périlleuses arrogances.
« La vie matérielle est devenue smart. Téléphone, compteur électrique, automobiles, montres, tous rivalisent de pénétration et de réflexion ».
Éclatant de véracité, implacable, satirique, surdoué, cet essai est le dernier avertissement avant le Grand Effondrement. Géopolitique et l’anthropologie souveraine. « S’il y en a qui doivent être furax à propos de la Fin programmée de la planète, ce sont les peuples autochtones, ces gardiens vigilants et bénévoles de 80%de la biodiversité mondiale qui utilisent en toute parcimonie les ressources naturelles, tutoyant le vivant du plus petit ouistiti au plus grand baobab, négociant patiemment avec les forces invisibles qui veillent sur l’ordre et l’harmonie du créé . Ils vont devoir se fader l’Apocalypse comme tout le monde, sans même avoir profité des avantages de la croissance illimitée : autoroutes, 5G, retraite à points... ».
Lucide et indépassable, le pouvoir d’une littérature qui rassemble l’épars de notre terre en faillite. Un manifeste, un livre d’utilité publique. Prenez soin des illustrations de Stéphane Trapier, toutes explicites et de connivence avec notre époque « désespérante et drôle ».
Lisez ce livre, offrez-le sans modération. C’est un petit bijou de pure délectation. Publié par les majeures Éditions Herodios.
Le pastiche est un art que Pascal Fioretto maîtrise pour le plus grand bonheur de la lectrice que je suis !
Pour s’en prendre au dernier Goncourt , il suffit de placer un groupe de voyageurs dans un moyen de transport collectif : voilà Aurélie, Emmanuel, Virginie, Eric, Joël et Sylvain embarqués dans le train qui doit les mener à Brive où ils ont bien l’intention de tout faire pour obtenir le prix tant convoité.
Pas besoin de leur nom de famille, le style est si bien imité que l’on sait immédiatement à qui on a affaire ! Difficile de réprimer des éclats de rire, tant l’exercice est réussi.
Que va-t-il se passer lorsque le train lorsque le train franchira un tunnel insolite et que comme dans le roman d’Hervé Le Tellier les personnage devront se confronter à une réalité vertigineuse !
Un vrai bonheur de lecture, qui témoigne de la part de l’auteur une connaissance certaine des auteurs épinglés mais aussi un adresse adorable pour restituer les styles d’écriture. Un seul regret c’est trop court, car on en redemande !
La mélatonine ou N-acétyl-5-méthoxytryptamine, souvent dénommée hormone du sommeil, est surtout connue comme étant l'hormone centrale de régulation des rythmes chronobiologiques en étant synthétisée surtout la nuit (merci Wikipédia !). Dans ce formidable pastiche de Pascal Fioretto, vous découvrirez les effets de cette molécule sur Marcel Klouellebecq, sous les traits duquel se cache un « grand écrivain français » que l’on aura pas de mal à reconnaître. Il va tenter d’écrire La Diagonale du Vide malgré une crise d’inspiration terrible, et l’on rira aux éclats au talent de M. Fioretto pour déceler les tics de l’écrivain et pousser à l’extrême ses travers, tant dans l’écriture que dans les thématiques. La description d’une séance de course à l'Intermarché ou d’une partouze zoophile deviennent d’épiques moments de rigolades sous sa plume acerbe !
Le pastiche n’est pas un genre littéraire prétentieux, et l’on peut même le voir comme un hommage à celui qui est pastiché, mais en tous les cas pour qu’il soit réussi il faut un talent certain, et un style d’une irréprochable sûreté, pour capter chez l’écrivain imité sa « substantifique moelle » et nous la restituer. M. Fioretto est indéniablement de ceux qui ont ce talent. Je ne résiste pas à citer une phrase de l’ouvrage : « Une heure plus tard, après m’être masturbé sur Al Jazeera, je me retrouvai attablé dans la salle à manger du gîte devant un copieux dîner préparé par Jean-Bernard qui m’avait mis à l’aise en me servant un grand verre de whisky irlandais et en me faisant goûter sa sauce aux morilles : « Quand y en a pour deux, y en a pour trois » ». Et les perles de cet acabit sont légions dans Mélatonine, que je vous invite à lire après l’intégrale de Michel Houellebecq, pour décompresser un peu ! C’est un délice !
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