"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
La couverture de cet album jeunesse, est très surprenante : une petite fille avec deux couettes y est représentée avec une tête d'oiseau !
Le lecteur découvre qu'elle s'appelle Louise. Elle nous apparaît de face. Elle est grande avec une très belle chevelure blonde. Les autres pensent qu'elle est forte comme une guerrière.
Mais cela n'est qu'une carapace et le lecteur découvre le dos de Louise. Elle a des fêlures. Parfois elle pleure en cachette et rêve de fuir avec les hirondelles. D'autres enfants se moquent d'elle. Et puis, Louise se sent seule ! A tel point que parfois elle parle aux arbres. Jusqu'au jour où elle rencontre une autre Louise qui, elle est brune. Si physiquement tous les opposent, elles vont devenir inséparables. Qu'est ce qui fait une amitié ? Peut-on réellement la définir ? Qu'est ce qui relie ces deux fillettes, pourquoi sont-elles allées l'une vers l'autre ? Elles se sont confiées leurs secrets, leurs peurs et leurs joies. Elles ont ri et pleuré ensemble. Ces deux Louise se sont trouvées et se comprennent et depuis le monde est devenu beaucoup plus doux pour Louise.
Ce très bel album poétique fait l'éloge de l'amitié mais évoque aussi les différences et l'acceptation de l'autre. L'auteure ne donne pas d'âge à son personnage, ce qui permet à tous les lecteurs de s'identifier. Qui n'a jamais ressenti ce sentiment de solitude, cette sensation de n'être compris par personne ?
Le lecteur s'attache à Louise et à ses fragilités. C'est un livre profond et sensible dont j'ai beaucoup aimé les illustrations noires et blanches au fusain, toutes en sobriété, de Magali Dulain. J'ai trouvé qu'elles apportent encore plus de profondeur aux propos de Stéphanie Demasse-Pottier. J'ai beaucoup aimé le portrait onirique et magnifique de Louise avec sa tête d'hirondelle.
J'ai été touchée par cette très belle histoire emprunte de douceur dont le texte est court et dont les mots sonnent très justes.
« Parce que c’était lui, parce que c’était moi »…
Qu’est-ce que l’amitié ? La découverte d’une autre île ? Une rencontre avec un autre soi ? Une route que l’on prend avec son alter ego ? Une épaule pour se reposer, pleurer, se réchauffer ? C’est tout cela. Pas de définition arrêtée, c’est un peu de moi, un peu de l’autre et beaucoup de nous, ensemble.
Louise est fière et forte, comme une petite guerrière… Enfin, c’est ce que les autres croient… Car derrière sa taille imposante et sa longue chevelure, Louise dissimule une grande solitude. Derrière sa carapace de guerrière, Louise se cache pour pleurer et ne trouve de refuge que dans la nature.
"Qui savait qu’elle rêvait de fuir en suivant la route des hirondelles ?"
La couverture peut intriguer, peut être même inquiéter, comme un tableau post-moderne. Et pourtant, ce très bel album en noir et blanc parle d’un sujet qui préoccupe les petits comme les grands : l’acceptation de la différence et la confiance dans autrui. Prendre le pari que l’autre peut vous aider, vous accepter avec vos différences et vous ouvrir son coeur, quel beau challenge !
Car voilà : Louise rencontre Louise. Si les deux fillettes portent le même prénom, tout les oppose et pourtant le coup de foudre de l’amitié opère, sans avoir besoin de s’expliquer. « Parce que c’était elle, parce que c’était moi »…
"Sans que l’on sache pourquoi, elles sont devenues amies."
Au contact de son double, de ce reflet vivant, Louise n’a plus peur du regarde des autres, et se métamorphose. Elle s’ouvre, se confie, partage ses peines et ses joies et se construit.
"Ce qui est certain, c’est que depuis pour Louise, le monde est devenu plus doux."
Si le sujet peut paraître classique – la naissance d’une amitié entre enfants – le traité graphique singulier rend la lecture envoûtante. Le récit très épuré, telle une poésie avec des effets d’échos, entre en résonance avec le pouvoir d’évocation des illustrations. J’ai aimé le traité minimaliste façon fusain, en totale harmonie avec la force du message.
Les images un peu surréalistes avec des inversions de rapports de taille sont chargées en symboles : une petite fille qui se baigne dans une tasse remplie de ses larmes, une tête d’oiseau comme un masque inquiétant derrière lequel Louise se cache, un chapeau-montagne en haut de laquelle les idées noires s’accumulent comme des nuages sombres qui éclatent en orage. Or, justement, cette tête d’hirondelle prend tout son sens à la lecture de sa symbolique : le présage de bonne augure, la disparition des ennuis, l’arrivée du bonheur.
Le parcours de lecture fonctionne en double-page où le texte répond à l’image, dans deux cadres en vis-à-vis. Comme si on avait regroupé des phylactères d’une BD pour géant en un seul recueil ? Ou plutôt comme si les deux Louise étaient enfermées dans un carcan, un cadre justement.
Clin d’oeil subtile : la dernière double-page symbolique où le texte et l’image ne sont plus enfermés dans des cadres. Louise et Louise, libérées l’une par l’autre, regardent ensemble dans la même direction, vers un avenir plus doux.
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