Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
La première scène se passe entre chien et loup, un homme est en voiture, il revient du Brésil, il roule sur les quais du port qui a bercé son enfance, quand une jeune femme Karmel, surgit de nulle part et s’installe à ses côtés. Karmel est étrange, indomptable, d’ailleurs elle s’échappe avant l’entrée dans la ville portuaire. Sera-t-elle une main tendue vers le futur, elle qui est ailleurs en elle-même ?
Pour lui ces lieux sont aussi familiers que douloureux et parfois étrangers.
« Les conditions douloureuses de mon départ du Brésil, ma mère, son repos obligé, ce que je ne sais plus d’elle. »
C’est un fils orphelin de père qui part à la rencontre de sa mère. Cette femme seule qui a une vie qu’il ne connait pas.
Que savent les enfants, devenus adultes, de la vie de leurs parents ?
Jean-Luc Marty écrit le silence, entre un fils et une mère, non pour le remplir mais pour en saisir les nuances et appréhender l’être de celle qui l’a mis au monde.
Il est revenu parce qu’elle est malade. La rencontre avec le médecin est terriblement réelle, le regard qui accroche les détails d’une pièce comme pour mieux entendre un diagnostic qui sifflera à ses oreilles comme le bruit d’une balle mortelle.
C’est le moment où il faut saisir que le temps est compté.
Car une mère est aussi une femme, elle ne dit pas sa solitude, sa maladie et encore moins sa fin. Elle veut l’instant avec l’homme qui est là devant elle, et qui est aussi son fils à la fois proche et lointain.
Toujours soucieuse qu’il ne dépense pas pour elle, elle lui demande de quitter l’hôtel et de s’installer dans son appartement. C’est aussi lui offrir l’image de ce qu’elle est.
Les allers-retours des visites n’apportent que la fugacité que l’auteur décrit ainsi : « Paroles blanches qui ne semblaient pas l’atteindre, comme si je lui offrais des fleurs, mais qu’elle ne les voyait pas, ne les sentait pas, ne les touchait pas, des fleurs impartageables. »
En filigrane il y a le Brésil et sa vie, au fil de l’eau se sont des scènes emplies d’humanité, de fraternité et ce qui m’a interpellée de gestuelle. En allant dans ce pays, le fils n’a-t-il pas retrouvé le « père » celui qui a disparu alors qu’il n’avait que 9 ans, et qui a « fait son trou dans l’eau » comprendre qui a disparu et dont on a enterré un cercueil vide.
Au Brésil ce père est omniprésent.
Ici et maintenant c’est la mère qu’il faut retrouver et accompagner.
C’est d’une écriture incarnée que l’auteur nous emporte dans un vagabondage d’une zone où il est impossible de s’appuyer sur l’habitude d’un quotidien. Ici il faut entrer dans l’intime de l’ultime, une situation inédite où de maladresses, croit-on, en fragilités il faut avancer.
C’est une musique aux sonorités profondes et graves, nimbée de pudeur et de tendresse qui nous imprègne et nous étreint.
Ce livre est d’une intelligence humaine exceptionnelle.
La maman que je suis, voudrait que le moment venu, son fils puisse cheminer dans cet intime avec cette acuité, car ce silence, cette douleur blanche, écrit le passage voire les passages qui donnent la richesse d’un être. Ce sont nos parents, nos enfants, nos amis et tous ces inconnus croisés dans une vie qui nous offrent ces notes de musique, ces richesses qui vont vibrer nos vies.
Vos mots Jean-Luc Marty m’ont profondément bouleversée, enrichis humainement.
La conclusion vous appartient :
« Geste après geste, je deviens le fils. Peut-être faut-il l’être pour qu’existe enfin la mère. »
Quel écrin pour votre maman, et une richesse pour vous.
©Chantal Lafon
Alors là, c'est typiquement le genre de roman qu'on adore ou qu'on déteste, un livre d'atmosphère, à la Duras ou à la Modiano. Je l'ai pour ma part, malgré peut-être quelques longueurs, trouvé envoûtant et mystérieux et je sais qu'il me restera longtemps des images de villages du Nordeste brésilien battus par les vents, de terres arides et brûlées, de maisons coloniales vides et de végétation pourrissante, d'échanges à demi-mots entre des êtres qui ne sont plus que l'ombre d'eux-mêmes, d'errances et de désespérances.
Ils sont trois : la femme, Louise Fabre, pianiste française expatriée, devait rejoindre son mari à São Paulo mais elle n'est pas partie et loge encore chez son ancien professeur de piano - une femme, mais je ne sais pas encore bien me situer par rapport à l'écriture inclusive : comprenez ancienne professeure - qui habite une maison de pêcheur sur une falaise face à la mer. Son fils, Luca, vit loin d'elle, en France, et son absence est pure souffrance.
Il y a aussi Antoine Delacourt : un homme qui « voyage pour de vrai », pensent ses amis, un ingénieur en informatique qui reste plusieurs mois à l'étranger quand il part. De ce qu'il a vu au Bangladesh, à Dacca, après un tremblement de terre, il ne se remettra certainement jamais. « C'est un homme qu'il faut aller chercher dans ses absences. Il n'a pas les moyens d'être là... » pense-t-on de lui.
Un ami d'enfance, Charles, producteur de documentaires de voyages, lui propose de faire des repérages dans la région du Sertão, « une région à l'intérieur du Brésil, à l'écart de tout ». L'Alliance française de Recife a même trouvé un guide qui parle français et connaît bien le coin. Alors, bourré d'anxiolytiques, Antoine est parti, sans penser, plutôt « en dehors » de ce voyage dont il est plus spectateur qu'acteur. Et maintenant, il attend dans une maison coloniale d'Ubatuba do Norte que le guide lui fasse signe. Il boit la cachaça qu'il trouve au dépôt-bar au bout de la rua Baixo. Au fond, il n'attend plus rien : « A Ubatuba do Norte, Antoine Delacourt n'attend plus la suite, il n'y a plus l'histoire de l'homme d'après. », « Cette nuit, dans la spirale de ses songes, il courait derrière un mot. Un seul s'était enfui, ouvrant une brèche par où les autres s'étaient engouffrés à leur tour. Il n'existait aucun décor précis, seulement une couleur grise, d'aube flottante. Quel était ce mot ? De quelle histoire était-il la clé, ou la somme ? Il faudrait qu'un jour, il réussisse à peler ses rêves, qu'il cherche dans les couches les plus anciennes. »
Et puis, il y a Everton, le guide, Everton Dos Santos qui s'est lancé dans l'élevage de crevettes près de Cruz das Almas mais il vient d'apprendre qu'on ne lui installera pas gratuitement l'électricité, nécessaire au moteur de la pompe, il ne pourra jamais payer et ses bestioles vont crever une à une dans une eau non brassée et sans oxygène. Deviendra-t-il aussi pauvre que son père Guillermo, que sa mère Jessica, que son grand-père Zezim, ces hommes et ces femmes du Sertão vivant dans « l'aridité extrême, le bétail qui mourait, la dureté des grands propriétaires » et qui connaissaient, au quotidien, la faim, lancinante, obsédante et mortelle ? Il lui faudra se rapprocher de ses origines, savoir d'où il vient, de quels flagelados il est issu pour comprendre ce qu'il est et être capable d'avancer.
Lorsque ces trois êtres se retrouvent pour ce voyage commun, espèce de quête des origines, de descente en eux-mêmes, dans le silence de leurs souffrances intimes profondément enfouies, dans la chaleur intenable des routes cabossées et du pick-up déglingué, s'exprimera progressivement leur impossibilité de vivre, d'être ce qu'ils sont sans un retour nécessaire sur leur passé, sur des choses qui n'ont jamais été exprimées et qui sont là, en eux, et qu'ils devront exhumer pour continuer à vivre.
Peut-être que ce voyage leur donnera la possibilité de retrouver une certaine forme de sérénité, voire de renaissance, à travers les rencontres qu'ils feront et les lieux qu'ils traverseront.
Il y a quelque chose du silence d'une tragédie dans ce texte : on ne sait pas si le pire surgira soudain de l'intérieur des êtres ou des hommes qu'ils rencontreront, des cangaçeiros, bandits des grands chemins, prêts à tuer pour manger et réparer les injustices.
Je pense que l'auteur connaît très bien les régions dont il parle car on sent vraiment une intimité très forte avec les espaces décrits, leur histoire et les mœurs des gens qui y vivent.
Si, comme je le disais au début de l'article, Être, tellement peut enthousiasmer ou irriter, il n'en reste pas moins un texte d'une qualité littéraire indéniable : l'évocation des ces âmes en peine en quête d'un peu de paix intérieure dans ce Brésil de terres desséchées est vraiment splendide : la langue est poétique, sensuelle, à la fois douce et violente, dense et silencieuse, elle nous prend, nous saisit. La tension est là, palpable à chaque page, contenue dans chaque silence. La phrase mime la musique du vent, des notes de piano qui s'égrènent, la musique des mots fragiles et meurtris, à peine capables de traduire les émotions, les douleurs, les plaintes. Elle dit les silences, les soupirs.
Je ne peux que vous inviter à vous y plonger, peut-être même à vous y perdre…
Lireaulit : http://lireaulit.blogspot.fr/
Avis de la page 100 explorateurs 2017
Ce roman nous emmène au brésil dans le Nordeste, dans un village de pêcheurs.
C’est l’histoire de trois destins, trois personnages centraux si différents.
Il y a d’abord Antoine, rescapé d’un tremblement de terre en Asie qui part au Brésil dans le but de se reconstruire, puis Louise qui décide de ne pas rejoindre son fils et son mari à Sao Paulo et enfin Everton qui pour faire face aux difficultés financières de son exploitation de crevettes, décide de conduire Antoine dans le Sertao et de lui servir de guide.
Après sa rencontre avec Antoine, Louise se joint à eux … le style est pur, poétique et les destins des trois protagonistes s’entremêlent et j’ai hâte de savoir jusqu’ou …
Je retourne au Brésil …
Chronique finale « être, tellement » de Jean Luc Marty
Dans ce roman, on se retrouve au Brésil, dans le Nordeste, dans un village de pêcheurs à travers ses paysages et au cœur de l’histoire de la région du Sertao, où les destins des trois personnages principaux vont s’additionner, se soustraire ou se multiplier au gré du récit.
Le style du roman est plaisant, on se laisse entrainer au fil des pages, on se laisse embarquer dans ce road-trip où chacun des protagonistes est venu chercher des réponses, des certitudes ou simplement une vie meilleure. Il y a d’abord Antoine, rescapé d’un tremblement de terre en Asie qui part au Brésil dans le but de se reconstruire, puis Louise qui décide de ne pas rejoindre son fils et son mari à Sao Paulo et enfin Everton qui pour faire face aux difficultés financières de son exploitation de crevettes, décide de conduire Antoine .dans le Sertao et de lui servir de guide
Antoine et Louise vont s’aimer doucement, lentement ; Everton quant à lui s’efforcera d’être un bon guide, un guide soucieux pour ce grand projet qui les amène dans la région du Sertao.
Au commencement, avant même de lire ce roman, j’ai trouvé le titre ambigu : « être, tellement », être quoi ? Et tellement quoi ?... en fait apprendre peut être à être soi, à vivre avec ses peurs, son passé dans le présent pour mieux y apprécier l’avenir.
Antoine fera-t-il face à ses peurs ? Surmontera-t-il ce traumatisme laissé par le tremblement de terre auquel il a survécu, se détachera-t-il de ses fantômes ?
Louise assumera-t-elle ses choix, ses doutes, d’avoir laissé fils et mari à Sao Paulo pour suivre un destin qu’elle n’avait pas soupçonné ?
Et Everton effacera-t-il ses dettes, fera-t-il face à ses difficultés financières grâce à ce voyage, épargnera-t-il à sa famille la faillite financière ?
C’est dans le Sertao, qu’ils espèrent régler leurs différents avec la vie et ainsi renaitre.
Alors embarquez dans cette aventure , laissez vous emporter par la plume sensible , pure ,tendre et surtout poétique de l’auteur pour un voyage initiatique , historique et révélateur au cœur du Brésil…
Ce roman m’a plu car il m’a complètement dépaysé et c’est une qualité à laquelle je suis sensible. J’ai aussi été touchée par la retranscription des personnages et leur histoire singulière.
La page 100 #Explolecteurs2017
Nous suivons Antoine Delacourt dans la région du Nordeste brésilien. De Brésil, il est question, de manière subtile et parcimonieuse. Antoine est à la recherche d’une renaissance, d’une nouvelle raison de vivre. A la recherche de quelqu’un ? Dans cette première partie de l’ouvrage, sa route croise celle de Louise. Très belle scène détaillée de la rencontre. Comme une ombre magnétique, Antoine vient à elle. L’histoire de Louise est somme toute différente. Louise est figée, elle laisse derrière elle ceux qu’elle aime. De nombreuses interrogations et un récit romanesque sur des personnages à la mystique attraction.
Et finalement #Explolecteurs2017 :
La mystique du trio Antoine Delacourt, Louise Fabre, Everton Dos Santos. Parti dans la région du Nordeste pour le tournage d’un documentaire, Antoine tente de se délester du poids du passé. Rescapé d’un tremblement de terre, il cohabite encore difficilement avec les fantômes croisés au Bangladesh. Il s’en remet à l’expérience d’un guide local, Everton, pour le guider à travers cette région désertique du Brésil. Dans les premières pages, il croise furtivement Louise. Musicienne, épouse d’un homme d’affaires français, Louise conte à son ex professeure de musique, Margaret, sa lassitude de la routine du couple. Louise se sent étrangère chez elle. « Louise est là pour s’évanouir » : elle laisse s’installer la distance, entre elle et ceux qu’elle aime, et s’abandonne lentement aux bras d’Antoine. « Luisa Louise. C’est une proposition, un prénom. Elle lui avait offert cela. D’entrer à un moment de sa vie où tout ce qu’il devait retenir d’elle s’y trouvait. Plus qu’un secret d’enfance, elle le chargeait d’un monde. »
Antoine entrainera Louise dans son périple et Everton s’avèrera être plus qu’un simple guide. Dans une partie du Brésil dont l’hostilité (et la croisée d’un mort), permettront aux personnages de dévoiler ce qu’ils ont de plus intime, le relief, proposé par l’auteur, est particulièrement intéressant. Le Nordeste brésilien n’est pas un simple décorum : il permet la mise en perspective des interrogations existentielles des trois protagonistes et donc l’avancée de leur quête. Ce n’est pas pour le Brésil que vous partez, mais pour une introspection.
Un voyage inédit au titre annonciateur, Etre tellement. Un voyage comme un déclencheur, une prise de conscience ? La conscience permet à l’homme de réfléchir sur lui-même, sur sa place dans le monde, et de lentement se transformer. C’est cette capacité qui distingue l’être humain de tout autre chose. « La pensée, disait Descartes, est plus sûre de sa propre existence que des choses extérieures. ». De part sa conscience, l’homme paraît comme nu au monde et peut ainsi entrer en relation.
La relation avec autrui, permettra à Antoine, Louise et Everton, de se retrouver pour ce qu’il est de plus juste et de plus sincère. Délestés des masques et des non-dits ! Déchargés du poids du passé. Engagés dans une unité de temps, de lien, une unité entre les représentations des trois personnages, qui permettent la cohérence de l’histoire. C’est la belle proposition du roman, de Jean-Luc Marty, qui ne laissera pas le lecteur indifférent. Une écriture fluide, des mots choisis et une analyse très pertinente. Une superbe recommandation pour la rentrée !
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