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À trente ans, il quitte le Brésil de son exil pour revenir dans la ville portuaire de son enfance. Ce fils toujours lointain rejoint sa mère gravement malade. Sur le chemin du retour, de nuit, il prend en stop Karmel, jeune femme à la trouble beauté et aux propos décousus. Il la retrouvera plus tard, sur ce rivage étranger à celui de sa jeunesse qui lui a jadis enlevé son père, marin pêcheur. Un amour douloureux et un même éblouissement uniront ces deux êtres confrontés à leur propre histoire. Un roman profondément émouvant sur l'ailleurs que chacun porte en soi.
La première scène se passe entre chien et loup, un homme est en voiture, il revient du Brésil, il roule sur les quais du port qui a bercé son enfance, quand une jeune femme Karmel, surgit de nulle part et s’installe à ses côtés. Karmel est étrange, indomptable, d’ailleurs elle s’échappe avant l’entrée dans la ville portuaire. Sera-t-elle une main tendue vers le futur, elle qui est ailleurs en elle-même ?
Pour lui ces lieux sont aussi familiers que douloureux et parfois étrangers.
« Les conditions douloureuses de mon départ du Brésil, ma mère, son repos obligé, ce que je ne sais plus d’elle. »
C’est un fils orphelin de père qui part à la rencontre de sa mère. Cette femme seule qui a une vie qu’il ne connait pas.
Que savent les enfants, devenus adultes, de la vie de leurs parents ?
Jean-Luc Marty écrit le silence, entre un fils et une mère, non pour le remplir mais pour en saisir les nuances et appréhender l’être de celle qui l’a mis au monde.
Il est revenu parce qu’elle est malade. La rencontre avec le médecin est terriblement réelle, le regard qui accroche les détails d’une pièce comme pour mieux entendre un diagnostic qui sifflera à ses oreilles comme le bruit d’une balle mortelle.
C’est le moment où il faut saisir que le temps est compté.
Car une mère est aussi une femme, elle ne dit pas sa solitude, sa maladie et encore moins sa fin. Elle veut l’instant avec l’homme qui est là devant elle, et qui est aussi son fils à la fois proche et lointain.
Toujours soucieuse qu’il ne dépense pas pour elle, elle lui demande de quitter l’hôtel et de s’installer dans son appartement. C’est aussi lui offrir l’image de ce qu’elle est.
Les allers-retours des visites n’apportent que la fugacité que l’auteur décrit ainsi : « Paroles blanches qui ne semblaient pas l’atteindre, comme si je lui offrais des fleurs, mais qu’elle ne les voyait pas, ne les sentait pas, ne les touchait pas, des fleurs impartageables. »
En filigrane il y a le Brésil et sa vie, au fil de l’eau se sont des scènes emplies d’humanité, de fraternité et ce qui m’a interpellée de gestuelle. En allant dans ce pays, le fils n’a-t-il pas retrouvé le « père » celui qui a disparu alors qu’il n’avait que 9 ans, et qui a « fait son trou dans l’eau » comprendre qui a disparu et dont on a enterré un cercueil vide.
Au Brésil ce père est omniprésent.
Ici et maintenant c’est la mère qu’il faut retrouver et accompagner.
C’est d’une écriture incarnée que l’auteur nous emporte dans un vagabondage d’une zone où il est impossible de s’appuyer sur l’habitude d’un quotidien. Ici il faut entrer dans l’intime de l’ultime, une situation inédite où de maladresses, croit-on, en fragilités il faut avancer.
C’est une musique aux sonorités profondes et graves, nimbée de pudeur et de tendresse qui nous imprègne et nous étreint.
Ce livre est d’une intelligence humaine exceptionnelle.
La maman que je suis, voudrait que le moment venu, son fils puisse cheminer dans cet intime avec cette acuité, car ce silence, cette douleur blanche, écrit le passage voire les passages qui donnent la richesse d’un être. Ce sont nos parents, nos enfants, nos amis et tous ces inconnus croisés dans une vie qui nous offrent ces notes de musique, ces richesses qui vont vibrer nos vies.
Vos mots Jean-Luc Marty m’ont profondément bouleversée, enrichis humainement.
La conclusion vous appartient :
« Geste après geste, je deviens le fils. Peut-être faut-il l’être pour qu’existe enfin la mère. »
Quel écrin pour votre maman, et une richesse pour vous.
©Chantal Lafon
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