"Le Monarque des ombres", de Javier Cercas, l’un des plus grands auteurs catalans vivants
"Le Monarque des ombres", de Javier Cercas, l’un des plus grands auteurs catalans vivants
Javier Cercas est né en 1962 à Caceres. Ses romans, traduits dans une vingtaine de langues, ont tous connu un large succès international. Anatomie d'un instant a été consacré livre de l'année 2009 par El Pais.
Javier Cercas s'est glissé dans les habits d'un journaliste pour révéler ce qui l'a conduit à écrire « Les Soldats de Salamine ».
Nous sommes en 1994. Il entend parler pour la première fois de l'exécution ratée de Rafael Sanchez Mazas.
En cet annus horribilis, le narrateur est au bout du rouleau : son père est mort, sa femme l'a quitté et sa carrière rêvée d'écrivain est au point mort.
Un événement le sort de son abattement. Pour nourrir les pages culturelles du journal pour lequel il travaille, il interviewe le fils de Mazas qui lui confie ce moment où son père échappa à la mort.
Sa curiosité va être émoustillée par cet épisode et, plus largement, par la guerre civile qui déchira l'Espagne entre 1936 et 1939.
Soixante ans après, Cercas exhume le passé douloureux à l'aide de témoignages et de recherches.
Les faits sont les suivants : Mazas est l'un des fondateurs de la Phalange, un mouvement fasciste dirigé par José Antonio Primo de Rivera dont il est très proche.
Pendant la guerre civile, il est emprisonné et destiné au peloton d'exécution dont il parvient à se libérer. Il est aidé par de modestes paysans espagnols et soutenu par des soldats républicains fuyant l'avancée des troupes franquistes. Ces hommes que tout opposait, on les surnomma « les amis de la forêt ».
En 1939, et pour un an, Mazas est nommé ministre sans portefeuille dans le gouvernement de Franco. Il profita de sa fonction pour sauver de la mort ses anciens amis pour la plupart républicains.
Mais les idéaux fascistes de la Phalange ont vécu. Il ne reste qu'un vulgaire pouvoir « d'aigrefins, de balourds et de culs-bénits ».
Après son passage éclair en politique et devenu rentier à la faveur d'un héritage conséquent, il se consacre à l'écriture jusqu'à sa mort en 1966.
Après avoir relu son récit, le narrateur le trouve bancal. Par la grâce d'une rencontre avec le grand écrivain chilien Roberto Bolano, il va trouver la pièce manquante en la personne d'un homme extraordinaire dont je ne dirai rien, sauf qu'elle donne lieu à des pages très émouvantes.
Au-delà de la fresque historique, l'intérêt des « Soldats de Salamine » est la mise en perspective d'un homme qui devient écrivain et qui explique son cheminement.
Javier Cercas interroge aussi la vérité des faits historiques et la fragilité de la mémoire humaine, mais aussi le rapport entre réalité et fiction. C'est passionnant.
http://papivore.net/litterature-hispanophone/critique-les-soldats-de-salamine-javier-cercas-actes-sud/
Je découvre l’auteur avec ce second opus de la trilogie Terra Alta. Un livre mis en avant par ma librairie préférée et dont la quatrième de couverture me tentait.
Pensez donc : un polar se déroulant dans les arcanes du milieu indépendantiste catalan.
J’ai découvert le personnage principal Melchor Merlin au passé agité ; sa fille Cosette prénommée ainsi car Melchor est un fan des Misérables ; la fin tragique de sa mère et son passé de délinquant pour un cartel sud-américain.
Je l’ai suivi lors de cette enquête à Barcelone pour découvrir qui fait chanter la maire, et pourquoi.
J’ai aimé écouter le mystérieux informateur qui nous révèle le pourquoi du comment, et j’ai eu de la peine pour lui qui a souvent fait les mauvais choix.
J’ai découvert le Monero, une crypto-monnaie open source intraçable (la maire doit payer la rançon en Monero).
J’ai découvert que Barcelone était une des porte d’entrée du narco-trafique : Melchor a fait partie d’un gang et l’unité dans laquelle il travaille pour cette enquête s’occupe également de faire libérer l’épouse du narcotrafiquant de Santa Coloma.
J’ai souri chaque fois que l’on demande à Melchor si il a lu le roman de Javier CERCAS Terra Alta, qui parle de lui et de sa précédente enquête.
Comme lui, je ne l’ai pas encore lu, mais cela ne serait tarder.
Quelques citations :
… quand la démocratie a démarré, le nationalisme a instauré en Catalogne une cleptocratie clientéliste. C’est-à-dire, le gouvernement autonome volait les citoyens et le produit du pillage était réparti entre le parti du gouvernement et les familles du parti du gouvernement, à commencer par la famille du président. (…) enfin, toujours les mêmes salades : tout pour la patreie et ce genre de fadaises. (p.180)
A la Generalitat, nous avions notre homme, Artur Mas. Un type bien. L’un des nôtres qui parlait même castillan à la maison, comme nous. Mais les choses se sont compliqués et Mas a été chassé de la présidence, laissant derrière lui Puigdemont, un moins que rien de province, qui n’avait rien à faire là et qui n’avait ni pouvoir, ni respect, ni ascendant. Nous tenions tous pour acquis le fait que Mas le contrôlerait sans problème, mais nous nous sommes trompés. parce que Puigdemont était un croyant, un taliban qui prenait absolument au sérieux ce qui pour nous n’était qu’un leurre, une stratégie destinée à nous faire sortir sans dégâts de la crise. Pour lui, ce n’était pas pareil : il était prêt à aller jusqu’au bout, coûte que coûte, ou bien en craignant davantage de ne pas le faire que de le faire. Bref, un désastre. (p.301)
L’image que je retiendrai :
Celle des 3 amis issus de bonne famille qui se lance en politique pour continuer d’avoir le pouvoir sur la ville.
https://www.alexmotamots.fr/independance-javier-cercas/
Mi-juin 2005, un jeune historien révèle l'énorme supercherie dont le célébrissime Enric Marco fut l'auteur pendant plus de trente ans.
Symbole de la lutte contre le franquisme qui lui offrit les lettres de noblesse pour diriger le mouvement anarcho-syndicaliste alors qu'il s'accommoda, comme la grande majorité des Espagnols, de la dictature, l'homme atteignit l'acmé de la mystification en s'inventant un passé de déporté dans un camp nazi.
En écrivant sur Marco, c'est sur son pays que l'auteur écrit car Javier Cercas aime à puiser dans l'histoire de l'Espagne pour composer ses livres. Pourtant, il a mis du temps à se décider à s'emparer de l'usurpateur.
Après moult atermoiements autour de la légitimité de son projet, il se décide à sauter le pas pour tenter de comprendre le cheminement qui a conduit Marco à berner le monde entier.
« Comprendre […] ne veut pas dire pardonner » écrit-il en justifiant son intention de saisir « toute la confuse diversité du réel, depuis ce qu'il y a de plus noble jusqu'au plus abject ».
En se « servant » de Marco, Cercas s'interroge sur la fonction de l'écrivain et sur le rôle de la littérature ce qui l'amène à considérer que le romancier est un fabulateur car, « pour arriver à la vérité, il faut mentir ». Comme son objet d'étude, il est un imposteur mais la différence est qu'il en a le droit parce que c'est en quelque sorte sa mission. À l'instar de Cervantes qui a transformé Alonso Quijano en un personnage, Don Quichotte, un idéaliste avide d'héroïsme.
Tout en alimentant le récit de considérations sur son rôle comme inventeur de fictions et donc un peu imposteur, Cercas confronte la biographie réelle de Marco à celle qu'il a imaginée, réfléchit aux conséquences des mensonges proférés et cherche à saisir les raisons de cette tromperie.
En affirmant qu'il fut une victime du nazisme, il a non seulement manqué de respect pour les vrais persécutés et favorisé les théories négationnistes. Et Marco de rétorquer que, grâce à ses talents d'orateur et son charisme, il est parvenu à sensibiliser les jeunes générations à l'horreur de la Shoah. De même, en se présentant comme un combattant antifranquiste, il se targue de « raviver la mémoire historique de ce pays amnésique ». Quitte à en faire un business, non par appât du gain mais par une sorte de nécessité de s'inventer une vie plus belle que la sienne, plus belle que celle de la plupart de ses compatriotes.
Pourquoi ? Tout simplement par envie d'être aimé, une nécessité pour celui qui est né dans un asiles d'aliénés d'une mère folle, dont le père « n'était pas un homme affectueux » et dont les premières années furent marquées par les coups de sa marâtre.
Alors, Marco n'est-il qu'un charlatan, n'est-il pas surtout un homme qui a été privé d'affection pendant son enfance et menti pour plaire et être admiré ?
La réalité est décidément complexe et l'intelligence de l'écrivain espagnol est de l'avoir mis en évidence avec brio mais aussi avec une humilité remarquable parce qu'il procède par tâtonnements, questionnements et sans certitude.
Dommage que le récit souffre de quelques longueurs et de répétitions qui frisent le radotage.
EXTRAITS
La réalité tue, la fiction sauve.
Le passé n'est qu'une dimension du présent.
Marco a fait un roman de sa vie.
Entre la vérité et la vie, ils choisissent la vie.
Ce pays a fait la réconciliation sur fond d'oubli.
https://papivore.net/litterature-hispanophone/critique-limposteur-javier-cercas-actes-sud/
Un polar à la fois ancré dans l'histoire récente de l'Espagne et littéraire : on relit les Misérables de Hugo, tout au long du roman, véritable pierre angulaire du héros, Melchor. De quoi se réjouir ! Une réussite qui me donne envie de lire la suite.
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