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Nous sommes en Espagne pendant l'été 1978, un jeune adolescent de la classe moyenne, va rencontrer une bande de petits loubards qui vont l'initier à la drogue, aux petits larcins puis aux larcins plus graves. Leurs aventures commencent par des vols à la tire, des cambriolages dans des villas de la côté désertée par les touristes mais aussi par des attaques de banques. Mais à la sortie de la dictature et pendant cette période de transition démocratique en Espagne, il semblerait qu'il était plus facile de faire un holdup dans une banque que d'attaquer le petit commerçant du coin de la rue.
Le narrateur-auteur va rencontrer les protagonistes de l'époque pour lui permettre d'écrire un livre sur l'un de ses jeunes : Zarco qui est devenu une sorte de mythe du délinquant juvénile, sorte de Robin des Bois.
Ce roman basé sur les témoignages que recueillent le narrateur, va permettre à Javier Cercas de nous faire un portrait de la société de Gérone, dans les années 70-80. Il va s'attacher particulièrement au personnage du jeune garçon de la classe moyenne, qui avait failli se brûler les ailes pendant cet été 78, mais qui grâce aux relations de son père, ne va pas suivre l'engrenage délinquant. Quelques années plus tard, il est devenu un avocat assez célèbre à Gérone et un jour, il va être amené à défendre son ancien camarade.
Nous allons donc avoir les points de vue de l'ancien camarade, d'un des inspecteurs, du directeur de la prison de Gerone.
Au fils des pages, nous allons découvrir la personnalité de ces jeunes gens.
Javier Cercas nous décrit le romantisme de la délinquance et le sujet de la rédemption. Peut-on avoir une seconde chance dans la vie, certains sont-ils pré-destinés au malheur et ne pourront jamais se réinsérer ou avoir « une vie normale », mais qu'est ce qu'une vie normale !.
Il nous décrit aussi parfaitement le pouvoir de la presse et de la télévision. La médiatisation de personne-personnage, avec l'exemple de Zarco, qui était à la fois une personne ordinaire et était devenu un personnage de jeune délinquant, en perpétuelle fuite ou celui de son épouse qui a obtenu une notoriété de façade car elle était l'image d'une chance de réinsertion pour Zarco.
Javier Cercas nous décrit une histoire d'amour aussi, entre ce jeune homme de « bonne famille » et une des filles de la bande, Tere. Cette histoire va d'ailleurs jalonnée toutes les années et tout le roman ;
J'ai apprécié la lecture de ce livre et les différentes narrations des protagonistes de cette histoire, mais j'ai un peu regretté de ne pas avoir la version féminine de cette histoire.
Et comme la lecture de livres entraîne la découverte d'autres livres, Javier Cercas m'a donné envie de lire le livre de Perez Galdos, sur le siège de Gérone pendant la guerre d'indépendance et le portrait de Gabriel de Araceli, un livre qui avait marqué le personnage principal de ce roman et sûrement quelque part Javier Cercas, personnellement.
« Les Lois de la frontière », est construit sur un fil tendu de bout en bout.
C’est sous forme d’interviews pour écrire une biographie ‘vraie’ qu’est relatée l’histoire de Zarco et ses amis entre les années 70 et 2006. Les interviewés sont l’avocat de Zarco, le directeur de la prison de Gérone et le policier qui a mis Zarco en prison pour la première fois.
Très jeune délinquant, Zarco est issu des quartiers pauvres de Gérone. Avec 4 proches, il va fonder sa bande à laquelle va se joindre un fils de bonne famille, Ignacio Cañas, tête de turc d’une brute au lycée. Cela est la première raison pour laquelle Ignacio va franchir le pas entre les quartiers bourgeois et les quartiers pauvres et rejoindre la bande de Zarco, pour échapper aux humiliations qu’il vit à l’école. La raison pour laquelle il adhérera à la bande des jeunes loubards n’est pas seulement pour se prouver à lui-même qu’il n’est pas un trouillard mais aussi c’est parce qu’il est transi amoureux de la seule fille du groupe, Tere qui est la compagne et confidente de Zarco depuis la petite enfance. Le surnom d’Ignacio sera « Binoclard ». Tous ensemble, ils volent des voitures, arrachent des sacs à main, cambriolent des villas, revendent leurs larcins à un recéleur et dépensent leur argent aussitôt dans la drogue, l’alcool et les tripots jusqu’au jour où Zarco décide d’attaquer une banque. Il va se faire payer un butin en fusils à canon scié et revolver. Tere ne pourra pas être avec eux car elle a une obligation familiale. Le braquage à mains armés tourne mal. La police, déjà sur les traces du jeune malfrat, intervient. Seul, Ignacio dit Binoclard s’en sort. Il deviendra avocat. Zarco va aller en prison et de délit en délit, la prison deviendra son univers. Un cinéaste va s’intéresser à lui et faire un film très romancé de sa vie de jeune voyou. Le film aura un succès retentissant car la jeune délinquance fin 70, début 80, en Espagne (peu après la dictature), est un fait nouveau. Les médias vont fabriquer le personnage Zarco et faire une star de ce qui n’est en réalité, au fond de sa geôle, qu’une petite frappe violente, héroïnomane, multirécidiviste et sans aucune envergure.
20 ans après le casse raté, Zarco condamné à 30 ans de réclusion criminelle, s’arrange par le biais de Tere, à ce que Ignacio devienne son avocat pour le faire sortir de la prison de Gérone où il a été récemment transféré.
Javier Cercas a un talent fou pour nous faire entrer dans le cerveau de chaque personnage en nattant les différences de classes, les vies des uns et des autres et leurs ambiguïtés profondes, les suspicions, les différents sens de vérités et d’honnêteté, les culpabilités inhérentes à chacun, les lois qui ne sont pas pour tous les mêmes sans oublier de nous éclairer sur la société espagnole et son Histoire.
Cercas a, de toute évidence, voulu démystifier la délinquance rare en 70 mais si courante de nos jours…
Il va en retirer tout romantisme qui y est parfois attribué et nous livrer une vérité vraie, amère et désolante.
J. Cercas originaire de Gérone, est mondialement connu et reconnu et sa réputation d’écrivain d’exception n’est plus à faire et est, encore une fois, confirmée par ce roman à l’écriture rapide et limpide qui ne se lâche pas.
« Ecrire est plus facile que parler, parce que ce qu'on dit ne peut pas être corrigé, contrairement à ce qu'on écrit. »
Décidément j'aime de plus en plus cet auteur.
J'avais déjà adoré « A la vitesse de la lumière ».
Cet écrivain, Javier Cercas, est vraiment particulier, originaire de Gérone et fervent lecteur-admirateur de Jorge Luis Borges, son écriture singulière est reconnaissable entre toutes.
Nous sommes l'été 1978 dans un quartier populaire malfamé de Gérone.
Le fantôme de Franco hante encore et toujours l'Espagne.
Zarco et sa bande de petits loubards encore adolescents s'initient aux vols à la tire et autres méfaits minables.
Zarco. né dans une baraque, en maison de redressement à sept ans et en prison à quinze.
Un dur à cuire.
Zarco et son amie Tere comme des Bonnie and Clyde en devenir…
Tere, un tee-shirt blanc, un jean et son sac en bandoulière mais toujours très belle.
Canas, seize ans, lui vient de l'autre côté de la rivière : le quartier de la classe moyenne.
Surnommé le binoclard, mal dans sa peau, en mal de reconnaissance, il va faire la rencontre qui va changer sa vie pour…toujours.
Embrigadé par Zarco et amoureux de Tere.
Il devient un membre, à part, de cette bande de petites frappes.
De braquages en braquages, Zarco commence à faire parler de lui.
C'est l'escalade.
Il finira par se faire coincer.
« Ce que nous appelons le bien n'était pas le mal et ce que nous appelons le mal n'était pas le bien ? Êtes-vous sûr que le bien et le mal signifient les mêmes choses pour tout le monde ? »
Vingt ans plus tard le binoclard est un avocat célèbre à la réputation établie.
Personne, encore, ne sait qu'il était un voyou de la bande de Zarco.
« Dans ma jeunesse j'avais appartenu à la bande à Zarco, Tere et moi avions manipulé Maria pour qu'elle épouse Zarco afin qu'il puisse obtenir sa remise de peine en liberté… »
Il va défendre Zarco qui en a pris pour trente ans.
Pour racheter le grand délinquant, symbole de sa génération ?
Pour retrouver Tere qu'il n'a jamais oubliée ?
Une entreprise d'admiration ?
La légende de Zarco l'incorrigible est née. Un nouveau de Robin des Bois ?
Presqu'un mythe avec ses reportages sur Zarco, ses films sur Zarco, ses livres sur Zarco.
« Il est donc naturel que Zarco se soit transformé en hors-la-loi héroïque qui, pour les journalistes et même pour certains historiens, incarne la soif de liberté et les espoirs déçus des années héroïques du passage de la dictature à la démocratie en Espagne. »
Ce livre est triste et désespérant mais il est beau.
Le trio Zarco, Tere et le binoclard ne vous lâchera pas de sitôt.
Je les ai quittés avec regret.
Superbe roman !
(la couverture du livre est magnifique…à l'image du livre)
Gerone, été 1978. Ignacio Cañas vient de vivre une année scolaire difficile, souffre-douleur de certains élèves de sa classe. Les congés scolaires sont une libération. Ils évitent la bande qui le maltraite en se réfugiant dans une salle de jeux. C'est là qu'il rencontre Zarco et Tere, deux voyous culottés qui vivent dans les quartiers populaires, de l'autre côté du fleuve. Subjuguée par Tere qui le rebaptise Le Binoclard, il entre dans la bande à Zarco, devient le complice de leurs larcins, vols de voitures, cambriolages, braquages de banque, découvre l'alcool, la drogue, les prostituées. La fin de l'été sonne le glas de sa carrière de délinquant. Dénoncée, la bande tombe dans un guet-apens de la police. Le Binoclard s'en sort de justesse, retrouve le chemin du lycée et plus tard des études de droit. Pendant ce temps, Zarco est devenu l'icône de la jeunesse espagnole, bandit sans peur et sans reproches, il est Robin des bois, il est celui qui défie l'Etat, la police, le personnel pénitentiaire. Les braquages, la violence, la drogue n'entachent en rien sa légende. Avocat respecté, Ignacio a toujours suivi les ''exploits'' de son ancien ami et quand, bien des années plus tard, Tere vient lui demander d'obtenir la libération conditionnelle d'un Zarco vieillissant et repentant, il accepte sans trop se faire prier.
Interviews fictives d'un écrivain préparant un livre à propos de Zarco et s'adressant à Cañas mais aussi au directeur de la prison de Gerone et au policier qui a arrêté la bande en 78, le récit de Javier Cercas commence dans l'Espagne post-franquiste, moment-clé dans l'histoire du pays qui entame sa marche vers la démocratie. Après des années de dictature, le processus est lent, les vieilles (et mauvaises) habitudes sont profondément ancrées dans les mentalités. La jeunesse, trop longtemps bridée, se cherche, teste les limites, joue avec le danger, franchit les frontières, entre le bien et le mal, entre les classes sociales, entre petite délinquance et grand banditisme. Dans cette nouvelle société qui se cherche des modèles, le personnage de Zarco apparaît comme un voyou au grand cœur, légende fondée sur rien, sinon les élucubrations journalistiques et les rumeurs populaires. C'est pour rétablir la vérité, ou tout du moins ses vérités, que Cañas accepte de participer à un livre sur Zarco. C'est aussi l'occasion pour lui de s'interroger sur son passé de délinquant, qui fut court mais marquant. Il analyse ses motivations, ses sentiments, ses rapports avec Zarco et Tere et aussi les choix, les chances, les rencontres qui ont décidé de son avenir. De cet été, il a gardé toute sa vie la trace et trente ans après il parle encore avec émotion de Tere et Zarco qui le fascinaient. Pourtant cette génération post-franquiste, sacrifiée, abandonnée, a connu plus d'échecs que de prestige, tombée sous les balles, terrassée par la drogue ou le sida. Pour l'avocat qui s'en est bien sorti, ce retour en arrière se fait dans la douleur et pour le lecteur, c'est l'occasion de découvrir une période de l'Histoire espagnole bien loin de l'euphorique et médiatique Movida.
Un roman beau, triste et désenchanté, comme un air de flamenco.
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