"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Dans les derniers jours de la guerre civile espagnole, l'écrivain Rafael Sánchez Mazas, un des fondateurs de la Phalange, échappe au peloton d'exécution des troupes républicaines en déroute grâce à un soldat qui, bien que l'ayant vu, lui laisse la vie sauve. Soixante ans plus lard, un journaliste s'attache au destin des deux adversaires qui ont joué leur vie dans un seul regard et entreprend de recueillir des témoignages pour transformer cette histoire en fiction.
Roman-document qui a bouleversé l'Espagne et connu une carrière internationale, ce livre est porté par une réflexion profonde sur l'essence même de l'héroïsme et sur l'inéluctable devoir de réconciliation. II a été adapté au cinéma par David Trueba.
Traduit de l'espagnol par Elisabeth Beyer et Aleksandar Grujicic.
Javier Cercas s'est glissé dans les habits d'un journaliste pour révéler ce qui l'a conduit à écrire « Les Soldats de Salamine ».
Nous sommes en 1994. Il entend parler pour la première fois de l'exécution ratée de Rafael Sanchez Mazas.
En cet annus horribilis, le narrateur est au bout du rouleau : son père est mort, sa femme l'a quitté et sa carrière rêvée d'écrivain est au point mort.
Un événement le sort de son abattement. Pour nourrir les pages culturelles du journal pour lequel il travaille, il interviewe le fils de Mazas qui lui confie ce moment où son père échappa à la mort.
Sa curiosité va être émoustillée par cet épisode et, plus largement, par la guerre civile qui déchira l'Espagne entre 1936 et 1939.
Soixante ans après, Cercas exhume le passé douloureux à l'aide de témoignages et de recherches.
Les faits sont les suivants : Mazas est l'un des fondateurs de la Phalange, un mouvement fasciste dirigé par José Antonio Primo de Rivera dont il est très proche.
Pendant la guerre civile, il est emprisonné et destiné au peloton d'exécution dont il parvient à se libérer. Il est aidé par de modestes paysans espagnols et soutenu par des soldats républicains fuyant l'avancée des troupes franquistes. Ces hommes que tout opposait, on les surnomma « les amis de la forêt ».
En 1939, et pour un an, Mazas est nommé ministre sans portefeuille dans le gouvernement de Franco. Il profita de sa fonction pour sauver de la mort ses anciens amis pour la plupart républicains.
Mais les idéaux fascistes de la Phalange ont vécu. Il ne reste qu'un vulgaire pouvoir « d'aigrefins, de balourds et de culs-bénits ».
Après son passage éclair en politique et devenu rentier à la faveur d'un héritage conséquent, il se consacre à l'écriture jusqu'à sa mort en 1966.
Après avoir relu son récit, le narrateur le trouve bancal. Par la grâce d'une rencontre avec le grand écrivain chilien Roberto Bolano, il va trouver la pièce manquante en la personne d'un homme extraordinaire dont je ne dirai rien, sauf qu'elle donne lieu à des pages très émouvantes.
Au-delà de la fresque historique, l'intérêt des « Soldats de Salamine » est la mise en perspective d'un homme qui devient écrivain et qui explique son cheminement.
Javier Cercas interroge aussi la vérité des faits historiques et la fragilité de la mémoire humaine, mais aussi le rapport entre réalité et fiction. C'est passionnant.
http://papivore.net/litterature-hispanophone/critique-les-soldats-de-salamine-javier-cercas-actes-sud/
Javier Cercas nous offre ce qu'il appelle un récit réel. C'est à dire qu'il nous raconte sa recherche, ses hésitations, ses doutes, sa vie avec une certaine Conchi dont il ne semble pas très fier. Enfin, les recherches et doutes du journaliste prénommé Javier Cercas… qui n'est peut-être pas l'auteur lui-même. J'ai trouvé insupportable de devoir assister à tous ces rendez-vous et entretiens avec des protagonistes de l'histoire : savoir ce qu'ils buvaient dans le Bistrot, comment ils mangeaient et le menu qu'ils avaient choisi... n'apporte rien au récit et m'a profondément ennuyée.
La biographie de la seconde partie aurait été suffisante. Mais n'aurait sans doute pas apporté grand chose par rapport aux livres déjà écrits semble-t-il sur ce sujet. La mise en perspective de ces deux parcours, celui de Sanchez Mazas et celui de Miralles est elle très intéressante et révélatrice : peut-être aurait-il été plus efficace de construire un texte où ces deux récits alternent, montrant la contradiction entre les discours des uns et les actions des autres.
Si vous plongez dans ce récit, je vous conseille de vous renseigner un peu avant sur l'histoire de l'Espagne des années 1940 et des personnages marquants de l'époque : histoire de ne pas être perdue comme j'ai pu l'être parfois.
https://itzamna-librairie.blogspot.com/2020/04/les-soldats-de-salamine-javier-cercas.html
Aux derniers jours de la guerre civile espagnole, lors de la débâcle des républicains vers la frontière française, le poète Rafael Sanchez Mazas, un des principaux fondateurs de la phalange, est retenu prisonnier au sanctuaire de Santa Maria du Collel avec 2000 autres franquistes. Il fait partie d’un groupe d’acteurs majeurs de la dictature qui vont être fusillés mais lui, Mazas, va arriver à échapper à son exécution. Il se réfugie dans une forêt. Les hommes de Lister qui commande le 5eme corps de l’armée de l’Ebre, sont à sa recherche. Mazas se cache dans un fossé mais un des soldats le débusque. Plus tard, il racontera en se vantant que, avant de l’épargner, le soldat et lui échangèrent un long regard silencieux. La vie sauve, il errera plusieurs jours dans la forêt et la campagne environnante.
Javier Cercas va enquêter. Pourquoi un soldat vaincu, épuisé et amer va-t-il laisser son pire ennemi en vie.
Le livre se décline en 3 tableaux.
1/ Cercas lui-même se met en scène dans l’Espagne d’aujourd’hui alors qu’il sort à peine d’une dépression avec le sentiment d’une vie de journaliste ratée entre la page blanche et le départ de son épouse jusqu’à ce qu’il reprenne goût à la vie grâce à une aventure amoureuse avec une jeune femme extravertie et pétillante et reprend pied en décidant de mener une enquête sur J. Mazas et le soldat inconnu qui a épargné le phalangiste et envisager d’en faire un livre. Au fil des pages, Cercas dévoile son travail d’écrivain, avec ses doutes, ses inquiétudes et ses certitudes.
2/ L’histoire de Rafael Sanchez Mazas, pas un grand écrivain mais plutôt un ‘bon écrivain mineur’. Mazas avait dit qu’il écrirait l’histoire de sa détention et évasion de Collel et l’intitulerait « Les soldats de Salamine » en référence aux Grecs vainqueurs de l’armée perse… Là est encore un trait marquant de la grossièreté et de l’immodestie de Mazas. In fine, il n’a jamais écrit le livre. Il a hérité d’une grosse fortune et a paradé sans action comme ministre sans portefeuille auprès de Franco qui a fini par le destituer de son siège. De surcroît, il n’a jamais remercié les gens qui l’ont caché et nourri dans leur ferme lors de sa cavale. Mazas est un personnage qui a vraiment existé, fervent admirateur de Mussolini et d’Hitler pour lesquels il a écrit des articles dans El Fascio, un journal fasciste qu’il a créé. Il deviendra le principal idéologue et leader emblématique de la Phalange espagnole.
J. Cercas va marcher dans les pas de Mazas et retrouver des personnes qui ont alors rencontré le phalangiste à cette époque. Ainsi l’auteur nous livre son enquête mais aussi révèle la guerre civile dans tous ces états…
3/ Et enfin 3ème tableau : le soldat inconnu. Cercas enquête et retrouve les traces d’un des combattants antifasciste présent au Collel lors de la détention de Mazas. Il va le retrouver en France, dans une maison de retraite à Dijon, mais si tout porte à croire qu’il serait, pourrait être, le bienfaiteur de Mazas rien ne le confirmera.
Miralles, on a envie de prendre dans ses bras ce vieux combattant couvert de cicatrices que personne n’a jamais remercié pour avoir offert sa vie entière au service de la liberté.
Javier Cercas nous offre à nouveau un plongeon dans cette blessure de l’Espagne toujours pas cicatrisée à tel point que le roman-document a connu un immense succès et a été le livre qui a révélé J. Cercas en tant qu’écrivain majeur espagnol.
Il nous donne à réfléchir sur le nationalisme, les extrêmes, les guerres, la reconnaissance, l’héroïsme et les failles humaines.
« Il ne s’agit pas de demander des comptes à qui que ce soit mais uniquement essayer de comprendre.»
En essayant de comprendre, on apprend et surtout cela débouche sur une foule de questions sur la politique, la société et nos propres vies.
« —Pourquoi vouliez-vous rencontrer le soldat qui a sauvé Sanchez Mazas ? Je réponds sans hésiter : —Pour lui demander ce qu’il a pensé, là, dans la forêt, après l’exécution, quand il l’a reconnu et l’a regardé dans les yeux. Pourquoi il l’a sauvé, pourquoi il ne l’a pas dénoncé, pourquoi il ne l’a pas tué. »
C’est un roman puissant, généreux et courageux, profondément humain et humaniste. Le succès international rencontré confirme le talent de cet excellent écrivain.
_ « Toutes les guerres sont pleines d’histoires romanesques, n’est-ce pas ?
_ Seulement pour celui qui ne les vit pas. Seulement pour celui qui les raconte. Pour celui qui va à la guerre pour la raconter, et non pour la faire. Comment s’appelle ce romancier américain qui est entré dans Paris… ?
_ Hemingway.
_Hemingway, oui. Quel clown ! »
Ce livre, et c’est là qu’est sa force, sa puissance, raconte le lien fugace d’un regard échangé par un vilain matin pluvieux de fin janvier 1939 entre un des fondateurs de la Phalange ayant échappé au peloton d’exécution et le soldat anonyme qui, l’ayant retrouvé dans la forêt, aurait dû l’abattre mais ne l’a pas fait. Pendant la débâcle de l’armée républicaine, une cinquantaine de prisonniers est passée par les armes. Parmi eux, le plus illustre est l’un des fondateurs et idéologue de la Phalange, l’écrivain Rafael Sanchez Mazas. Il s’échappe, se terre dans la forêt, on le poursuit et… « C’est alors qu’il le voit. Debout, tout près du fossé…il empoigne de ses grosses mains son fusil. En proie à l’absurde résignation de celui qui sait que son heure a sonné, Sanchez Mazas regarde à travers ses lunettes de myope voilées d’eau le soldat qui va le tuer…C’est ainsi, la tête enflammée, affolée et confuse, que Rafael Sanchez Mazas –poète exquis, idéologue fasciste, futur ministre de Franco – attend la décharge qui doit en finir avec lui…Au moment même où le soldat atteint le bord du fossé, un cri proche traverse le bruissement végétal de la pluie :
_ Il y a quelqu’un par là ?
Le soldat regarde Sanchez Mazas ; celui-ci fait de même…
_ Par ici, il n’y a personne !
Il fait ensuite demi-tour et s’en va.
Avouez que vous aimeriez bien savoir pourquoi, car si le miraculé a eu le temps de raconter son histoire, l’auteur de cet acte inouï de clémence est resté anonyme et sa décision inexpliquée. Ce livre-enquête en deux parties (l’écrivain d’abord, le soldat républicain ensuite) tutoie la réponse et révèle un personnage plus romanesque que possible qui répond à sa guise à quelques questions vertigineuses :
Qu’est-ce qu’un héros ? Comment le devient-on ? Le veut-on vraiment ? Les héros sont-ils tous morts ? Les morts subissent-ils une seconde mort lorsque plus aucun vivant ne se souvient d’eux ? Il fustige l’ingratitude des descendants qui ont la chance de vivre en paix (nous), l’anonymat scandaleux dans lequel sont maintenus ses jeunes compagnons qui n’auront pas eu de vie et donne crédit et consistance à cette idée très dérangeante qui prétend que : "C'est toujours un peloton de soldats qui, au dernier moment, sauve la civilisation ». A l’heure où fleurissent commentateurs, comptables, et autres rapporteurs, le titre, emprunté à un roman jamais écrit de Sanchez Mazas, est un hommage aux Soldats de Salamine, entendons par là les modestes et anonymes qui font l’Histoire avec leur sang, qu’elle se soit déroulée 500 ans avant JC à Salamine ou en janvier 39 près de Gérone.
Un livre fort, émouvant, une histoire fascinante qu’on n’oublie pas !
Très beau livre érudit sur une période de la guerre d'Espagne avec une enquête minutieuse sur un écrivain entrainé dans la guerre mais pas du bon côté.
Récit très juste sans jugement.
La guerre civile espagnole vu par un journaliste, très beau.
Livre intéressant, sur la guerre d'Espagne. Récit en trois parties, avec une longue partie making off pas toujours pertinente.
Ce livre doit -il être écrit, est ce un roman (sachant qu'il s'agit d'un récit historique à l'origine), les gentils et les méchants ((ou les vainqueurs et les vaincus) ont-ils le même droit à la littérature, etc ????
Mais le moment de la guerre raconté est digne d'intérêt et les questions qui se posent aussi.
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