"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
En vacances à Majorque, la fille de Melchor, devenue une adolescente rebelle, est retenue prisonnière dans la villa d'un magnat de la com, réputé pour fournir à ses amis une large palette de "chair fraîche". Javier Cercas disait récemment dans un entretien que "l'antidote à l'injustice, c'est la solidarité et l'amour". Il le démontre ici dans un thriller révolté qui dénonce l'intolérable impunité des puissants et interroge la valeur des héros "ordinaires".
Un texte auquel Javier Cercas a apporté une attention encore plus prégnante.
Les deux qui précédaient cette trilogie, à savoir « Terra Alta » et « Indépendance », étaient à mes yeux des réussites, surtout lorsqu’on sait que l’écrivain ne s’est mis que tardivement au roman policier (à la soixantaine). Dans ce troisième volume qui fait chronologiquement suite aux précédents sans qu’on ait fondamentalement besoin d’avoir lu les autres, on retrouve Melchor le bibliothécaire anciennement policier, sa fille Colette maintenant une ado de 17 ans, sa petite amie Rosa et quelques anciens compagnons de route ou de galère.
Cependant il y aborde un thème différent et que je trouve très actuel, celui des jeunes filles retenues dans des domaines prestigieux appartenant à de parfaits prédateurs.
Sa fille, venant d’apprendre que son père lui avait menti concernant les raisons de la mort de sa mère lorsqu’elle avait 3 ans, décide de poursuivre seule les vacances commencées à Barcelone en compagnie de sa meilleure amie Elisa. Très vite Melchor comprend qu’il lui est arrivé quelque chose et enclenche au plus vite une procédure de disparition. Cela n’arrêtera plus la spirale dans laquelle est engloutie Cosette.
Voila Melchor une nouvelle fois bouleversé, pris dans un ensemble de sentiments qu’il a toujours essayé de combattre : la colère, la haine et la vengeance. Concernant la haine, de très belles phrases sont dites par Melchor.
Le trafic d’êtres humains, ici essentiellement celui des très jeunes filles, ainsi que la corruption qui gangrène la presque totalité des Baléares, sont au coeur de ce dernier volet de la trilogie. S’ajoute un merveilleux décor de fonds que Javier Cercas dépeint si magistralement. Ce décor se révèle ici comme un indéniable piège à jeunes touristes dont un certain nombre ne rentreront plus chez eux, mais Cercas ne tombe pas pour autant dans ce côté niant niant rencontrés dans d’autres livres.
L’amitié est toujours présente en fond et aucun jugement n’est porté ; que des faits, rien que des faits dans ce monde de brut. Je le trouve même un peu trop gentil dans ce dernier volume. Le premier volume était plus incisif, ce que j’avais peut-être préféré à ce dernier qui se veut un peu trop douçâtre aux vues de la gravité des thèmes. C’est mon seul bémol, tout perso mais manifeste pour moi.
A noter également que la traduction m’est apparue comme une réussite elle aussi. Il s’agit d’Aleksandar Grujicic et Karine Louesdon ; le premier est serbe et a vécu en Espagne et en France, la seconde est française et traduit Cercas depuis « le Monarque des ombres » (zut pas lu, à mettre sur ma liste).
Avec Le Château de Barbe-Bleue – El Castillo de Barbazul, en espagnol, j’adore ! – Javier Cercas clôt sa trilogie par un récit encore plus fort que les précédents, déjà excellents : Terra Alta et Indépendance.
Retrouver Melchor Marín, son héros pas épargné par la vie me plaît beaucoup, même s’il n’est plus dans la police mais… bibliothécaire ! Cette reconversion est assez logique, finalement, pour cet homme sauvé de la délinquance grâce à la lecture des Misérables de Victor Hugo. Après ses exploits face aux islamistes, il avait réalisé ensuite des prouesses en Terra Alta puis épousé la bibliothécaire de Gandesa, hélas assassinée, et c’est leur fille, Cosette, qui est au centre de ce troisième volet censé se dérouler en 2035.
Entre les deux, Melchor avait dû se dépatouiller avec une histoire de chantage à la sextape mettant en péril la maire de Barcelone, ce qui avait pu l’orienter vers les odieux assassins de sa mère qui se prostituait dans cette même ville.
Bien sûr, Javier Cercas rappelle, fait allusion aux événements précédents et continue dans l’autodérision en faisant parler plusieurs personnages de ces deux livres précédents que Melchor n’a toujours pas lus…
Côté sentimental, Melchor a une liaison avec Rosa Adell qui dirige les cartonneries du même nom. Si vous avez lu Terra Alta, ce nom vous dit sûrement quelque chose. Cet amour qui se construit avec cette femme qui a quinze ans de plus, est fort précieux pour lui car, avec Cosette, le courant ne passe plus. En effet, à l’adolescence, elle a changé. Quand elle apprend que son père ne lui a pas dit la vérité sur la mort de sa mère, elle est furieuse. Juste avant de partir pour les Baléares avec son amie Elisa, Cosette (17 ans) et Melchor se sont disputés.
Qu’importe, Melchor, toujours amateur de romans du XIXe siècle et, en particulier, de l’auteur russe Tourgueniev, attend sa fille à l’arrêt du bus de Gandesa. Surprise. Si Elisa arrive bien, pas de Cosette restée à Majorque d’après son amie. Traumatisé, Melchor tente d’appeler sa fille sans succès, rentre chez Rosa tel un somnambule. Débute alors une recherche palpitante menée encore une fois avec tout le brio dont est capable Javier Cercas.
Structuré en quatre grandes parties plus un épilogue, Le Château de Barbe-Bleue est parfaitement maîtrisé par l’auteur. La première et la troisième parties se déroulent principalement en Terra Alta alors que les deux autres s’intitulent Pollença, cette ville touristique des Baléares où l’auteur m’entraîne sur les pas de Melchor. Chacune de ces quatre parties débute par un texte très dense, en italiques, dans lequel Cosette se confie, donne son point de vue, fait appel à ses souvenirs et permet de comprendre ce qu’elle vit.
S’il ne faut pas en dire plus, il est quand même important de parler de ce Barbe-Bleue comme est surnommé localement Rafael Mattson, multimillionnaire américain d’origine suédoise qui n’hésite pas à se divertir sexuellement en violant de très jeunes filles ou femmes, cela en compagnie de personnalités de tous bords.
J’ajoute enfin que Melchor retrouve de vieux compères comme Blai, Vàsquez, Salom plus une certaine Paca Poch qui ne manque pas d’allant et Damian Carrasco, relais primordial pour l’action entreprise.
Passionnant, émouvant, palpitant, fouillé sur le plan psychologique, ne négligeant rien pour suivre les déplacements de Melchor, Le Château de Barbe-Bleue (Barbazul) est un formidable thriller que Javier Cercas sait conclure avec un épilogue complet et détaillé, essentiel pour le lecteur attentif que je suis, un peu triste de refermer un tel bouquin et d’abandonner un personnage aussi attachant que Melchor.
Chronique illustrée à retrouve ici : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2023/06/javier-cercas-le-chateau-de-barbe-bleue.html
Melchor Marín est de retour avec ce troisième et dernier volet de la série policière de Javier Cercas. Si vous n’avez pas lu les deux premiers tomes, vous filez en librairie sans plus attendre.
Pour les autres, autant le dire immédiatement, « Le château de Barbe Bleue » n'est pas le meilleur de la trilogie, mais il est toujours bon de revenir en Terra Alta et de retrouver Melchor.
Quelques années après l’action du tome 2, Melchor n'est plus policier : il travaille comme bibliothécaire et vit avec sa fille Cosette, aujourd'hui adolescente.
Quand elle découvre que son père lui a caché la vérité sur la mort de sa mère, elle est bouleversée et décide de partir prendre l’air à Majorque avec une amie. Malheureusement son voyage l’amène directement dans la gueule du loup. Ou plutôt des loups. Une meute d'hommes puissants au premier rang desquels un milliardaire qui s'avère être un prédateur sexuel, agissant en toute quiétude sur l'île, protégé par un réseau de corruption politique.
Face à l'inefficacité de la police, Melchor part sur les traces de sa fille, prêt à tout, même à se faire justice lui-même (ce à quoi il est déjà habitué). Il va ordonner sa vengeance avec l'aide de ses collègues qui l'ont accompagné tout au long de la trilogie.
Malgré le fait que l'intrigue soit peut-être la plus simple de la trilogie, l’intérêt du lecteur s'engage très rapidement et c'est en partie grâce au personnage de Melchor qui, après trois épisodes, est déjà parfaitement dessiné, avec ses lumières et ses ombres, et dont les actes, bien que parfois répréhensibles, ne peuvent qu’entraîner l’empathie.
Javier Cercas, via son personnage, nous parle à nouveau de son Espagne, sujet principal de son œuvre qu’elle qu’en soit la forme. Un pays gangrené par la violence, notamment envers les femmes, la corruption. le mensonge, les abus de pouvoir et la lâcheté.
À côté de ce tableau sinistre, l’auteur développe en contrepoint des personnages capables de tout risquer pour une juste cause.
Je suis bien évidemment un peu triste de dire adieu à Melchor (un Melchor pour le coup plus Jean Valjean que Javert) mais je ne dis pas adieu à Cercas. Je serais, sans aucune hésitation et quelque soit le genre, au rendez-vous pour son prochain roman.
Avec Le château de Barbe-Bleue, Javier Cercas clôt avec brio sa trilogie policière commencée avec Terra Alta puis Indépendance. Et pour ceux qui n’auraient pas lu les deux premiers tomes ou auraient oublié, Javier Cercas prend soin de récapituler l’itinéraire de son héros.
On retrouve donc Melchor Marin. Hanté par la mort de sa femme, il a quitté la police, s’est installé dans le village de Gandesa en Terra Alta où il occupe un poste de bibliothécaire et se consacre à sa fille Cosette.
Celle-ci, 17 ans, ayant découvert que son père lui avait menti, que sa mère n’était pas morte accidentellement comme il le lui avait dit pour la protéger, mais que c’est son sens inflexible de la justice qui en était la cause, est partie quelques jours avec une amie aux Baléares.
Mais l’amie revient seule, Cosette étant restée à Majorque.
L’ancien policier, fou d’inquiétude, pressent rapidement que sa fille est en danger, celle-ci ne donnant bientôt plus signe de vie.
Il part sur ses traces, se rend sur place à Pollença et finit par découvrir que Cosette est sans doute séquestrée et victime de violences sexuelles dans la maison qu’un multimillionnaire suédois a bâtie à Formentor.
Pour lui, une seule solution : agir, mener l’enquête, et pour cela il est prêt à remuer ciel et terre pour retrouver sa fille et détruire ce prédateur, ce Barbe-Bleue des temps modernes qui semble intouchable et à l’abri des lois grâce à son immense fortune.
Javier Cercas nous entraîne avec lui en Espagne, dans une course effrénée et angoissante aux côtés de Melchor.
Et me voilà à tourner les pages tant la situation est haletante et bien que celle-ci soit noire et absolument inacceptable, je n’ai eu qu’une hâte, connaître le dénouement de cette affaire.
Javier Cercas a un talent incroyable pour tenir son lecteur en haleine tout en se penchant sur des sujets très forts. Ainsi, Le château de Barbe-Bleue est un polar dans lequel l’enquête menée par Melchor et ses amis sert à dénoncer la corruption des politiques et des policiers, l’intolérable impunité des puissants et la violence à l’encontre des femmes et des plus jeunes. Il est question également de haine, de vengeance mais il fait une belle place à la solidarité et à l’amour et célèbre l’héroïsme d’hommes et de femmes ordinaires tout en soulignant la fragilité de notre humanité.
L’auteur n’hésite pas à se mettre ironiquement lui-même en scène et ce avec beaucoup d’autodérision.
On ne peut qu’être ému et bouleversé par l’amour que Melchor porte à sa fille, par la rage qui l’anime pour que justice soit rendue. Comment, en outre, ne pas être touché par cet homme passionné par les livres, ce Melchor qui grâce aux Misérables avait découvert sa vocation de policier. Dans ce troisième opus, nous le retrouvons absorbé par la lecture de Nid de gentilhomme, puis par Les mémoires d’un chasseur de Tourgueniev. Il sera également question du célèbre poème de Rudyard Kipling « If ».
Même le football s’invite dans ce polar avec un match Barça-Madrid en finale de la Champions qui aura un rôle stratégique de grande importance !
Le Château de Barbe-Bleue est un fabuleux polar, rythmé et nerveux, un très grand roman psychologique, une dénonciation bouleversante de la violence exercée à l’égard des femmes et de la corruption de notre société.
Chronique illustrée à retrouver sur https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2023/05/javier-cercas-le-chateau-de-barbe-bleue.html
Fin de la trilogie Terra Alta sous la plume nerveuse et talentueuse de Javier Cercas qui sait nous rappeler le parcours de son héros Melchor Marin vécu dans les deux premiers tomes.
Dans le « Château de Barbe Bleue » on retrouvera tous les personnages déjà rencontrés pour un polar haletant qui ne se lâche pas.
Cosette, la fille de Melchor ex flic reconverti en bibliothécaire, ne rentre pas des Baléares où elle était partie pour les vacances de Pâques.
Javier Cercas encore une fois, va magistralement dénoncer les abus de pouvoir et leurs terribles conséquences sur leurs victimes, en surfant sur la vague de l’actualité avec l’affaire Jeffrey Epstein.
Bien que Javier Cercas quitte l’univers de la guerre civile espagnole et ses conséquences désastreuses en versant dans un registre différent, l’amour, la solidarité, la liberté et la fraternité restent maitres mots dans l’œuvre de cet auteur espagnol majeur de la littérature contemporaine européenne.
Excellent polar.
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