"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
La fluidité de l'écriture est un enchantement. L'intrigue est d'une rare violence puisqu'elle repose sur le récit d'une femme en lutte contre l’enfermement religieux et conjugal au sein d’une communauté de Témoins de Jéhovah. Mais le ton et la beauté des phrases diffusent émerveillement et douceur. C'est poétique. Je me suis attachée à Hjørdis, à ses émotions, ses doutes, son courage, sa détermination et ses rêves. La romancière montre le temps qui fuit, laisse entendre le son des silences dans un couple, fait ressentir l'amour, permet de s'émouvoir, partage les faits sans juger, sans expliquer.
Absolu, d’une intelligence rare, « Inféodée » est fascinant.
Puissamment contemporain, ce roman est viscéral.
Le titre arrime un récit qui lève le voile sur l’embrigadement, les quêtes existentialistes et les conséquences qui en résultent.
Des vies chahutées par les échecs. Mais s’est sans compter sur les prises de conscience. « Inféodée » est empreint d'une psychologie dévorante, jusqu’à la sociologie et les ambiguïtés qui mènent subrepticement au champ des réflexions.
« Sommes-nous nos choix ? » Tel est l’adage de ce récit qui démonte un à un les carcans des mécanismes implacables des soumissions. L’exploration minutieuse des thématiques et dérives sectaires.
D’une justesse sans faille, il est un rayonnement de preuves. Dans un déroulé où résonne une totale insurrection.
Elle est ici. Hjørdis Løkkeberg. Une jeune femme norvégienne, d'à peine vingt ans. Orpheline de mère, depuis son jeune âge.
« Hjørdis n’avait jamais vraiment su comment apprivoiser cette histoire d’overdose post-partum. »
Grandissante entre un père protecteur et aimant, et Turid une tante qui « l’a élevé comme si elle était sa propre fille. »
Hjørdis est dans cet astre du privilège. En quête de son propre sommet, elle se languit sur le canapé, cherche un travail par la pensée, qui lui soit ode et indépendance.
Volontaire, éprise de vent libre, elle se rend compte qu’il lui faut partir. Quitter le foyer paternel, même si son père lui promet des pommes de terre et du cabillaud chaque jour.
Franchir d’autres contrées, tracer les contours de son advenir.
Sur un coup de tête, ce sera donc à mille mille de son lieu natal dans le Rogaland.
Elle prend ses marques, dans une coopérative alimentaire qui fait office de magasin, au nord dans le Trøndelag. Entre l’allégresse d’un changement radical, l’autonomie dont elle vénère les prémices de la liberté.
« Elle vivra comme personne. » Elle se lie d’amitié avec Randi, « aussitôt vues, aussitôt coude à coude. »
Écoute les ragots des clients, observe ses collègues, surtout Morten Dahl, un jeune homme énigmatique qui attise la curiosité de Hjørdis. Morten est d’ombre et de lumière. Et pour cause. Hjørdis ne sait rien, pas encore, ni nous, mais bientôt.
Morten est en mission. La trame est d’une maîtrise hors norme. Nous sommes en plongée dans un mélodrame qui va advenir. Isabelle Flaten est de fine analyse. Le huis-clos va se recentrer. Hjørdis est déjà au premier étage de ses désillusions. Morten n’est pas un homme ordinaire. On ne sait pas s’il aime Hjørdis ou s’il l’attire dans un piège pour rompre sa solitude ou s’il a besoin d’un paravent devant une foule qui juge.
Morten Dahl est Témoin de Jéhovah. Hjørdis ne le sait pas. Ils vont se marier. Morten a épuisé le rêve d’indépendance de sa femme. Naïve et amoureuse, elle pense vivre au grand jour l’inverse de sa mère. Morten lui ment. Il invente des réunions avec Jonas. Frileux dans leurs élans, les barrières mentales au summum, Morten est pétri d’interdits et de tabous.
Jusqu’au jour où Hjørdis met son mari face au mur. Morten est donc membre d’une secte et qui plus est, un des plus importants. Morten, dont l’enfance fut un supplice, une mise au banc des « gens du monde », sans fêtes, ni amis, ni goûters d’anniversaire. La communauté d’une orthodoxie, son double cornélien.
Hjørdis tombe de haut. Cinglée de trahisons, ses convictions abolies, une fille Selma, elle est de tempêtes et de larmes. Elle va se battre, essayer de brusquer Morten. Ce dernier va être excommunié, renié du Royaume, rejeté par ses parents. Hjørdis est un oisillon tombé du nid. Ses rêves déchus. Elle est la proie de l’insoutenable, devenue ce qu’elle réfutait. Morten est en guerre contre lui-même. Le récit vacille et « Morten a la duplicité vissée à la peau. Il ne dit rien de vrai avant d’y être acculé par les circonstances. »
« Inféodée » est la démonstration efficace d’un mode de fonctionnement d’une secte et ses dégâts collatéraux. Isabelle Flaten avance les pions. Échec et mat. D’une force intrinsèque, dans une pertinence absolument apprenante, ici, les victimes et les gourous, et la tarentule dont il est quasi impossible d’en sortir, ou presque, à coups de dent.
« Mais elle a le sang dur désormais, hermétique à la tentation d’où qu’elle vienne. »
« Jonas boit chaque matin son café en homme heureux de s’être réconcilié avec la route commune. »
L’effusion littéraire. D’utilité publique, on reconnaît un grand livre en lisant l’œuvre d’Isabelle Flaten.
Après « Adelphe », « La folie de ma mère », « Triste Boomer », « Les deux mariages de Lenka » et plus, « Inféodée » est un livre de salut.
« Chercher quoi devenir. »
Publié par les majeures Éditions Anne Carrière.
Un thème original pour ce roman qui se déroule en Norvège. Hjørdis est une jeune femme libre. Elle quitte le giron familial, réduit à son père et une tante qui l’a élevée pour travailler et vivre sa vie. Malgré sa volonté d’indépendance, elle cède au charme de Morten, ignorant volontairement les zones d’ombre de celui-ci.
Le mariage se fera et les enfants naitront. C’est alors que ce révélera toute la complexité de la situation familiale du jeune homme et le piège dans lequel Hjørdis s’est jetée.
Avec une écriture soignée, sans afféterie, Isabelle Flaten donne la voix à des personnages complexes et analyse avec beaucoup de profondeur la difficulté de couples mixtes, particulièrement dans le cas d’appartenance sectaire.
Beaucoup de réflexion sur la maternité, et la transmission et les dilemmes que crée la liberté.
On prend beaucoup de plaisir à suivre le parcours de cette jeune femme volontaire Et on admire son courage pour faire face à ce qu’elle est bien obligée d’admettre comme une erreur.
224 pages Anne Carrière 6 septembre 2024
Lu pour les talents Cultura
Encore un roman qui se lit bien (je ne peux pas dire le contraire), mais bon il ne m’en restera rien.
Même si j’ai fini cet ouvrage, je n’ai pas vraiment accroché !
Pourtant, cette histoire de jeune fille qui cherche à se « stabiliser » avec un membre des témoins de Jéhovah, pour ensuite chercher à s’en sortir, était intéressante et pouvait être forte.
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