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Indignez-vous, disait Stéphane Hessel. Dans ce monde d'injustices, de guerres et de menaces incessantes, la matière est abondante. Notre lexique s'enrichit chaque jour de nouvelles révoltes. Mais de la parole à l'acte se pose la question de l'engagement, cet abime parfois infranchissable. Il s'imagine alors en justicier des nobles causes, sûr et certain de répondre présent, l'arme à la main si nécessaire, quand l'urgence l'exigera. Dans ses rêves les plus fous, il passe à l'acte sans hésiter. Face à la réalité, l'histoire n'est plus la même.
Les va-t-en-guerre, on en connaît tous. Ils s'indignent, vitupèrent, hurlent contre les bellicistes, contre les autocrates ou les tyrans qui étranglent ou massacrent leurs peuples ou les peuples voisins s'il y a quelque chose à gagner, parfois juste une breloque ou l'envie d'étendre un territoire... La bière à la main, les fesses sur le canapé, ces indignés le restent par la parole. L'engagement est tout autre. Qu'il soit idéalement à la défense des plus opprimés, parfois lointains, parfois plus proches : les Yougoslaves d'il y a quarante ans et les Ukrainiens ou les migrants qui passent par la Méditerranée, d'aujourd'hui. Ou qu'il soit encore plus proche, à nos portes : SDF, femmes battues, homos frappés, enfants en situation de danger... On en connaît tous des grandes gueules qui ne bougent pas. Et peut-on leur jeter la pierre ? L'engagement n'est pas aisé, et l'on peut se sentir impuissant, totalement dépassé par les événements.
Le texte d'Isabelle Flaten est virulent, violent. Elle invective les donneurs de leçons, ceux qui ont tout-fait-tout-vu et qui en fait ne font rien. On peut parfois se retrouver dedans tant les tâches sont nombreuses et difficiles. Le travers de ce texte est qu'il est dans ce qu'il dénonce. Il n'est qu'un texte, pas un engagement physique de l'autrice -qui le fait peut-être, elle ne le dit pas. Il pourrait être lu par des millions de lecteurs qu'il ne resterait qu'un texte. Néanmoins, il donne à réfléchir sur la notion d'engagement, et permet de confirmer l'envie que j'ai de m'éloigner le plus possible de ceux qui ont des solutions toutes faites et qui ne les appliquent jamais, même pas à eux.
C'est un texte de colère salutaire, qui comme les autres de cette collection est très bien écrit. Il parle de la fureur des hommes, de leur besoin de détruire qui naît avec eux : "Tu n'avais pas encore saisi que l'histoire était un éternel recommencement, qu'après le massacre venait toujours le repentir et qu'après l'orgie venait toujours la messe. Ta génération a débarqué au beau milieu de l'orgie, l'horreur était derrière depuis quelques temps déjà et devant tout s'annonçait rose, la paix avait été signée pour de bon, une paix, croyais-tu, ferme et définitive." (p.13)
Collection et éditeur à découvrir si ce n'est pas encore fait.
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