"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Un peu sur le modèle du Je me souviens de Georges Perec, Fabrice Vigne écrit un "Je dois à...". Une vingtaine d'années aura été nécessaire pour écrire, retoucher, faire lire, retoucher et retoucher encore puis finalement publier des chroniques personnelles, voire très personnelles, mais le personnel touche parfois à l'universel, au moins à un partage large, même si l'auteur est un type parfois étrange. Le livre est proposé en trois parties de cent paragraphes chacune : Reconnaissances de dettes, puis : Échéancier à tiroirs, nouvelles reconnaissances de dettes, et enfin : Pour solde de tout compte, dernières reconnaissances de dettes.
Le fond du tiroir est une mini maison d'édition pour ne pas dire micro voire même mini-micro, créée en 2008 par Fabrice Vigne himself, qui, à mon grand regret et au sien sûrement n'a jamais attiré si ce n'est les foules au moins assez d'acheteurs pour rentabiliser -quel vilain mot- les investissements utiles à la fabrication des bouquins. Le fond du tiroir met donc la clef sous la porte mais n'oublie pas avant de partir d'éditer un ultime ouvrage, celui qui, justement va chercher -à la faveur d'une demande estudiantine- dans les tiroirs des textes anciens lus, relus, retouchés, et reretouchés. A mon tour, bien modestement, je vais faire mon inventaire :
Je dois à Sylire d'avoir fait la connaissance de la plume de Fabrice Vigne et de l'avoir suivi en tant que lecteur dans son projet de maison d'édition.
Je dois à Fabrice Vigne d'avoir lu de bien belles pages publiées au fond du tiroir ou ailleurs.
Je dois au Fond du tiroir mes lectures les plus farfelues au moins sur la forme : j'ai monté moi-même mon livre : J'ai inauguré Ikea.
Je vais arrêter là ma tentative de coller au texte de Reconnaissances de dettes, je serai au mieux absolument pas original et au pire, ridicule.
C'est un livre très personnel et pourtant je me retrouve dans beaucoup de questionnements, d'angoisses, de situations, mais évidemment je n'ai pas le talent de l'auteur pour les écrire et sans doute pas le courage d'effectuer le travail de "recherche" en soi et sur soi et surtout pas celui de faire lire à mes proches et plus largement le récit de mes peurs, mes faiblesse voire mes hontes... Donc c'est un autre que moi qui s'y colle et tant mieux, je peux partager sans crainte.
Pour finir, je voulais dire surtout ma peine de voir s'arrêter la belle aventure du Fond du tiroir, mais également ma -grande- joie de tenir entre mes mains le numéro 1 des cinquante exemplaires de Reconnaissances de dettes, puisque j'en fus son premier souscripteur. Je voulais surtout vous dire combien, si vous n'avez pas eu le temps ou la curiosité ou même l'envie -je ne juge pas, chacun fait comme il veut et peut- d'aller sur le site de cette patite maison et de commander un -ou plusieurs- livres, vous êtes passés à côté de jolis ouvrages, originaux, toujours bien écrits, d'excellent qualité quoi... Mais peut-être si vous y allez maintenant, reste-t-il quelques exemplaires en vente ?
Cher Fabrice, au plaisir vous relire très prochainement, il fut très grand le mien de chroniquer vos œuvres fond-du-tiroiresques...
Vironsussi est un livre-CD, sept plages enregistrées, six musicales (très belles, de la musique à écouter en lisant ou lors d'une autre activité ou même juste à écouter pour le plaisir, composée par Olivier Destéphany, qui multiplie les talents : compositeur, musicien et écrivain, c'est agaçant ces gens qui savent tout faire...). C'est une énième -mais excellente- variation sur le thème du loup-garou. Excellente parce qu'écrite sous forme de journal d'Hughes Richard. On est donc dans la tête du vironsussi lorsqu'il a ses accès de violence, son sentiment de puissance, d'impunité totale : "Ma puissance nouvelle a dessillé mes yeux. [...] Chacun vise la force, c'est si évident que j'en viens à mépriser aujourd'hui ma bonne conscience simpliste d'hier." (p.92). Mais aussi ses doutes en tant qu'homme, ses questionnements, ses peurs : "Ma raison oscille comme un pendule, de gauche à droite, de la terreur à la folie. Je relis les pages écrites hier, cette logorrhée cynique et démente où je me dis prêt à briser les amarres de mon humanité, à nier tout ce qui fait de moi une créature de raison et d'esprit, et j'en suis effondré." (p.94)
C'est un récit assez dur, mais très joliment mis en mot, je pourrais presque dire en musique, puisque le contexte est musical et la langue itou, même lorsqu'elle ne parle pas directement de musique : "Tous mes sens s'exaltaient et d'abord mon ouïe, qui n'était plus un outil professionnel mais un lien direct avec la vie, un cordon ombilical fiché dans l'oreille ; j'entendais des frôlements, des craquements, des clapotis, des plaintes et des rires, je devinais le mouvement d'un lièvre, d'une chouette, un renard peut-être, j'entendais la mélodie de quelques oiseaux du soir, solistes chacun son tour, qui la voix de dessus, qui le contre-chant, enfin j'entendais la basse continue du vent, souffle léger dans les feuilles et fondement du concert, mon homologue." (p.39/40). On sent que les écrivains sont aussi musiciens -et vice-versa, puisque selon la quatrième de couverture, "Olivier Destéphany est musicien, et un tout petit peu écrivain. Fabrice Vigne est écrivain, et un tout petit peu musicien."
Un mot sur les illustrations de Romain Sénéchal pour finir, elles me rappellent celles que je pouvais voir dans mes lectures adolescentes, à la fois dans les collections de romans policiers ou des romans fantastiques ; elles ont ce côté désuet qui en font tout le charme et collent parfaitement au texte qui s'inspire de légendes anciennes. Excellent travail donc que ce livre, en tous points, que je vous recommande activement, la preuve, je l'ai mis dans mes coups de coeur. A commander sur le site Le Fond du tiroir.
PS : dans mon article teaser pour ce bouquin, je disais que la couverture ne serait pas grise comme celle que j'exposais, eh bien, non, elle est fauve ; l'explication est là. Logique et tellement évident, on se demande même après coup -c'est tellement plus simple- pourquoi une telle hésitation.
Et Fabrice Vigne de raconter le quotidien d'un maître coutelier, de ses débuts dans l'atelier de son maître jusqu'à la fin de son activité, lorsque les artisans vivent mal de leur art. Cet homme raconte l'histoire du couteau à sa manière, comment le premier singe qui aiguisa une pierre pour la rendre tranchante inventa le premier couteau et devint un homme : "L'homme naquit en même temps que son couteau. Alors, l'homme, conscient d'être plus dangereux grâce à son corps perfectionné, osa s'attaquer au renne, au boeuf musqué, ou au mammouth, il les chassa et revint vainqueur de la chasse, il découpa leur viande, il découpa leur cuir, il découpa leurs chairs et leurs os. Le premier homme dans un monde de singes était un prédateur et tranchait dans le vif." (p.5)
Et l'homme de continuer sa réflexion sur l'usage du couteau à travers les âges et de lier l'histoire de l'homme à celle de son outil premier. Tant dans le bien qu'il a pu faire avec cet instrument que dans ses dérives meurtrières forcément, le second tranchant de la lame. Très beau texte, encore une fois, de Fabrice Vigne qui tourne autour de l'homme et de son attachement au couteau. Nos pères -le mien au moins- avaient un couteau dans leur poche. Moi-même, l'un de mes premiers achats fut pour cet instrument et je vois bien encore l'attrait de l'objet dans les yeux des garçons de la maison : c'est peut-être un caractère essentiellement masculin, un gène que l'on tient de nos ancêtres hommes-singes-chasseurs ; mesdames, contredisez-moi si je me trompe ! Peut-être me direz-vos surtout que nous autres garçons ne sommes pas encore sortis de cette époque mi-homme-mi-singe, mais là, je vous arrête tout de suite, parce que ce n'est pas du tout l'objet du livre, non mais dites donc ! Et en plus c'est moi qui commande sur mon blog (enfin.., quand Madame Yv n'en prend pas les commandes) !
E le texte d'être richement illustré par Jean-Pierre Blanpain : les dessins de tourner autour du thème du livre bien entendu, des épisodes historiques ou légendaires ou des scènes de la vie quotidienne qui se sont déroulés -ou se déroulent encore- avec des couteaux. Des dessins sur fonds noirs ou blancs dans lesquels ne figurent que ces deux couleurs et du rouge par touches plus ou moins larges. Magnifiques !
Un livre superbe. C'est vraiment du beau travail tant dans l'écriture que dans les dessins que dans la mise en page. Un livre qu'il faut avoir dans sa bibliothèque. Un livre que vous aimerez feuilleter, lire et montrer. Et que vous ne regretterez pas d'avoir acheté et/ou offert.
En vente sur le site du Fond du tiroir (clic).
Un mot d'abord sur la genèse du livre : les éditions Thierry Magnier proposent "une série de photographies dont il ignore tout [...] à un écrivain. Il s'aventure alors dans l'écriture d'un roman où ces photographies croiseront la vie du héros pour la transformer." Donc, muni des photographies très réalistes d'Anne Rehbinder, Fabrice Vigne se lance dans la vie de Maximilien Bertram. Maximilien a 80 ans, vit dans une maison de retraite, et sous prétexte de ranger ses papiers retrouve et reprend l'écriture de son journal stoppée 45 ans auparavant. Il écrit évidemment sur sa vie actuelle et sur la relation privilégiée qu'il entretient avec son petit-fils, Marlon, mais aussi sur son passé, ses espoirs et ses déceptions de militant communiste, de syndicaliste. Ses propos sont émaillés de citations très a-propos de Flaubert qu'il admire. Maximilien est à la fois sans concession, mais ne juge pas, légèrement désenchanté, mais plein d'espoirs.
Fabrice Vigne maîtrise parfaitement son sujet, ... ses verbes, ses compléments et son style également ! J'avais beaucoup aimé TS et L'échoppe enténébrée et je retrouve dans ce livre le style intelligent, jamais pédant, utilisant un vocabulaire (dont "les giètes", expliqué en plein coeur de l'ouvrage) plus large que la moyenne. J'ajouterai que je me suis attaché à Maximilien et à son entourage que F. Vigne décrit avec beaucoup de tendresse, d'humour et de simplicité. J'aurais aimé continuer un petit bout de route avec lui et j'avoue que j'aurais tellement avoir eu cette relation avec un de mes grand-pères disparus trop tôt
www.lyvres.over-blog.com
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