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C'est une drôle d'expérience que d'enchaîner la lecture de Tout est illuminé, le premier roman de Jonathan Safran Foer et celle de Sachez que nous sommes toujours là, le récit de sa mère, Esther qui vient à la fois éclairer sa démarche et apporter un témoignage rare sur l'importance de la mémoire et de la transmission pour une famille qui a bien failli ne jamais exister. Née en 1946 en Allemagne, dans un camp de réfugiés juifs rescapés de la Shoah, Esther a grandi aux États-Unis dans l'absence d'un passé que ses parents, seuls survivants de leurs familles respectives, ou son entourage n'évoquaient jamais. Elle a appris à l'âge adulte que son père, qui s'est donné la mort alors qu'elle n'avait que 8 ans avait eu une autre famille avant d'épouser sa mère. Une femme et une petite fille assassinées en 1941 comme des milliers de juifs de cette région d'Europe centrale victimes de la volonté d'extermination des forces nazies et de l'antisémitisme d'une partie de la population. Esther n'a plus qu'une obsession, retrouver la piste de cette demi-sœur et de sa mère, remplir un maximum de branches de l'arbre généalogique de la famille, retracer les parcours et les histoires de chacun de ses membres. Et retrouver la famille qui a caché son père au péril de leurs vies. Pour cela, elle dispose d'une photo et d'annotations au dos partiellement effacées. Cette même photo qui sera le point de départ de la quête de son fils, Jonathan qui fera le voyage en Ukraine en 1998 et transformera le vide qu'il trouvera à l'emplacement du village de Trochenbrod en matière romanesque. Dix ans après, Esther fera le voyage à son tour, riche de toutes les informations minutieusement recueillies au cours de ses recherches, et glissera à chaque emplacement commémoratif d'un lieu de massacre une carte représentant les membres de la famille afin que "nos ancêtres sachent que nous sommes toujours là".
Le récit d'Esther Safran Foer est richement documenté et possède la force de la réflexion d'une femme dont la volonté est avant tout de reconstituer. Ce qui donne à cette quête personnelle une dimension puissamment universelle. Notamment en éclairant l'après immédiat, ce qui n'est pas souvent fait. Les camps de réfugiés administrés par les américains ou les russes où les conditions n'étaient pas forcément meilleures ; les refus d'accueil des survivants par nombre de pays (y compris les États-Unis qui mettront en place des conditions drastiques) ; l'antisémitisme qui ne disparaît pas pour autant ; et l'injonction au silence car personne n'avait plus envie d'entendre parler de "tout ça". L'auteure a fait une brillante carrière dans la communication politique, a épousé un homme dont la famille était éloignée de l'Europe et de ses morts, et partage avec ses trois fils ce besoin de reconstitution. Qui trouve à la fin de cet édifiant et émouvant récit, la plus belle des justifications qui soit lorsque pour la première fois, l'un des fils d'Esther pourra raconter à son petit garçon tout juste né l'histoire complète de ses origines. De quoi terminer cette lecture la gorge serrée, émue d'avoir côtoyé tous ces noms revenus d'entre les morts par la force des mots et la volonté de mémoire. Une persévérance de l'intelligence, pour combler les vides et repousser le néant.
(chronique publiée sur mon blog : motspourmots.fr)
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