Caraïbes, 1492. "Ce sont ceux qui ont posé le pied sur ces terres qui ont amené la barbarie, la torture, la cruauté, la destruction des lieux, la mort..."
Les règles d’un jeu qui essaie de mettre de l’ordre dans le chaos ? Disons plutôt un conte.
La 4eme de couv. m’a attiré par cette relation existant entre le jeu du Mikado et le chaos, ainsi que l’annonce d’une conjonction possible entre deux êtres qu’en apparence tout oppose. Un homme de 60 ans viscéralement happé par le monde actuel et qui passe sa vie à enlever, comme dans le jeu du Mikado, tige après tige, les éléments empêchant sa vie de n’être que chaos. Une jeune femme de 15 ans fuyant sa famille tsigane et un mariage forcé. Et un décor peu commun, celui d’une montagne entre Slovénie et Italie.
L’homme, un horloger solitaire, affiche - à mes yeux du moins - un petit côté surfait qui ne m’a pas plu plus que ça… voire même dérangé de par cette espèce de suffisance plutôt assumée. La jeune tsigane aura été plus « touchante » non seulement par son vécu mais surtout par ses visions de la vie et ce qu’elle vivra grâce à l’élan impulsé par l’horloger campeur.
L’homme va emmener la jeune fille vers la mer et un nouvel avenir. S’en suivront ensuite des échanges sous forme de lettres, un cahier de confessions rédigé par l’homme et un peu de suspense avant une ultime lettre. Il est bien connu que certaines choses ne peuvent être dites mais peuvent être rédigées dans une lettre. «- Quand tu auras appris, écris moi. Certaines choses ne peuvent se dire que dans une lettre. Elles ont besoin d’éloignement."
Leurs dialogues nocturnes ainsi que l’échange épistolaire touchent certes des thèmes de connaissances intéressants mais le fond n’a pas été travaillé. Peut-être devrais-je le relire afin de ne pas m’arrêter à l’histoire de ces deux êtres humains et réfléchir plus intensément aux réflexions que l’auteur a abordées. Le roman ne m’a rien apporté de nouveau par rapport à d’autres lectures ; les visions ont été et seront encore très longtemps différentes selon les origines sociales. Les uns perçoivent des signes, les autres se prennent des réalités dans la face. Rien de neuf à l’horizon. Sauf sauf sauf, que l’écriture est minimaliste, voire parfaite. Elle permet de transcrire les qualités requises pour jouer au Mikado : attention, rigueur, patience, précision, toute une philosophie de vie. Elle permet de lisser les différences culturelles et sociales. Elle permet de laisser vagabonder notre esprit. En deux mots, elle est celle d’un écrivain hors du temps, d’un écrivain qui compte parmi les plus grands.
Oui l’écriture d’Erri De Luca coule sur les pages comme l’eau d’un ruisseau qu’on laisse filer entre ses doigts. Ça glisse, ça danse, parfois ça fouette, mais toujours c’est grandiose. L’écrivain est toujours aux manettes ; le romancier par contre s’est quelque peu estompé, comme retiré de notre monde tout en voulant encore en faire partie. Accueil, l’entraide et humanisme sont admirablement évoqués. La vieillesse, l’amitié, l’altérité pareillement.
Ce n’est pas mon livre préféré d’Erri De Luca, mais j’ai pu à nouveau déguster cette belle écriture.
Citations :
« Il existe une règle ancienne entre la poussière et les montres, à qui mesurera le mieux le temps. »
« - Il est inutile de s'agiter pour être prêts. »
« Il faut une langue dans laquelle se réfugier. La mienne est le napolitain, quelques syllabes suffisent à me calmer.
Là-bas, se mettre à l'abri se dit "trovare arricietto", trouver un abri. Une réplique, le vers d'une chanson me suffisent et je suis en sécurité. »
« Il arrive qu'un événement se fiche comme un clou dans le bois au cours d'une brève période détachée du flux de la vie. Ce point oriente ensuite tout l'espace environnant. C'est un centre qui, au moment où il se produit, ne prévient pas qu'il sera immuable. »
« La vie moderne discrédite les instincts en les réduisant à des pulsions superficielles. L'ours m'a fait connaître leur profondeur, le calme tendu, la concentration. »
« La règle du Mikado, c'est d'agir dans un seul but sans en effleurer d’autres. »
Une pépite que ce livre de nouvelles liées à la vie de l'auteur. Des réflexions politiques, philosophiques, poétiques.
Pour exemple ce texte sur Dylan intitulé "Le videur de jeunesse".
"On n'avait jamais entendu jusque-là une voix de fils de cuivre, au lieu de cordes vocales. Serrées dans le fourreau d'une gorge maigre, les syllabes sortaient lacérées par la friction. Elles étaient porteuses de courant."
La suite est à découvrir absolument.
Ce roman de 150 pages, livre court mais grand livre, débute par un dialogue entre deux personnes qui ne sont pas nommées, un vieux campeur et une jeune gitane.
Lui, ancien horloger de profession a l’habitude de camper en solitaire et de passer ainsi de longues périodes en montagne, près de la frontière entre l’Italie et la Slovénie. Une nuit d’hiver, une tzigane de 15 ans, frigorifiée, fait irruption dans sa tente, lui demandant de l’abriter. Elle a fui sa famille et son campement pour échapper à un mariage forcé avec un homme de 50 ans.
Il accepte de l’héberger, va même la sauver de son père, venu venger l’honneur du clan.
Ils engagent alors un dialogue sur les hommes et la vie et un lien très fort s’établit entre ce vieil homme qui lui confie passer son temps en jouant, sa préférence allant au jeu du mikado requérant patience adresse et précision, la jeune fille aimant davantage s’en remettre au destin et lire les lignes de la main.
Le vieux campeur va ensuite l’aider, la conduire jusqu’à la mer où elle trouvera du travail, échappant ainsi complètement à sa communauté et ils se quitteront.
S’en suivront alors un échange de lettres, puis la retranscription d’un cahier laissé par l’homme à sa mort et enfin une dernière lettre de la jeune femme. Ce cahier et cette lettre révèlent deux chemins marqués par le secret, et une réalité dont on ne se doutait guère.
Ce récit à l’écriture sobre et au style minimaliste débute quasiment comme un conte. Il réserve ensuite quelques surprises étonnantes et un suspense tout à fait improbable.
Erri de Luca utilise le jeu du mikado comme une sublime métaphore d’un art de vivre, tout en discipline.
Quand je jouerai à nouveau au mikado, je ne pourrai pas m’empêcher de penser à ce grand joueur, à ses conseils et à sa philosophie du jeu, et pas sûr du tout que je parvienne à prélever tous les bâtonnets jusqu’au dernier sans les faire bouger, même avec beaucoup de patience et de lucidité !
Les Règles du Mikado ne se lit pas, il se savoure. D’une densité exceptionnelle, le roman explore avec une grâce d’écriture unique, les questions métaphysiques mais aussi l’amitié, la solitude, la vieillesse, la communauté des gens du voyage et aussi les migrants. On y retrouve l’amour de l’auteur pour la montagne.
J’ai pris un immense plaisir à découvrir Les Règles du Mikado de Erri de Luca, ce roman remarquable qui nous offre une magnifique leçon d’accueil, d’ouverture à l’autre et d’humanisme.
Chronique illustrée à retrouver ici : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2024/12/erri-de-luca-les-regles-du-mikado.html
Dans ce court roman, aucune description, aucune narration : ce sont les voix qui font avancer l’histoire. Les voix d’une jeune fille et d’un vieil homme.
“- Qui es-tu ?
- Qu’est-ce que ça peut te faire ? Je suis quelqu’un qui crève de froid. J’ai vu la tente et je suis entrée.”
Lui est un ancien horloger qui a fait fortune, qui aime camper, seul, en montagne et jouer au Mikado pour conserver la précision de ses gestes. Elle est une gitane qui a fui sa famille pour éviter un mariage forcé et qui a traversé les montagnes, seule, de la Slovénie à l’Italie.
Dans la majeure partie de ce livre, qui n’est qu’enchaînement de répliques courtes et franches, les deux protagonistes s’apprivoisent peu à peu, une question après l’autre, coup après coup, comme dans une longue partie de Mikado. Dans le dialogue point une réflexion subtile sur l’âge, où la fougue de la jeunesse - lorsqu’elle n’est pas dénuée d’expérience - et l’expérience de la vieillesse, quand elle n’est pas obsolète, se révèlent être de parfaits compagnons. “Tu es vieux, mais tu ignores beaucoup de choses.”
Tout aussi surprenante, la dernière partie délaisse la forme du dialogue - “certaines choses ne peuvent se dire que dans une lettre.” Le lecteur a alors toujours affaire à une voix, mais cette fois à l’écrit, pas à l’oral. Une voix qui le malmène quelque peu et qui l’emmène ailleurs, vers une dimension plus politique. C’est comme un nouveau lancer de bâtonnets colorés. Un autre jeu, avec les mêmes règles, toujours sans trembler.
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Caraïbes, 1492. "Ce sont ceux qui ont posé le pied sur ces terres qui ont amené la barbarie, la torture, la cruauté, la destruction des lieux, la mort..."
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