"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Il y a quelques footballeurs connus originaires de Rosengård comme Yksel Osmanovski, Labinot Harbuzi, Nabil Bahoui ou Goran Slavkovski, mais sans équivoque possible le plus connu est bel et bien Zlatan Ibrahimovic.
Paolo Castaldi, fasciné par ce joueur hors pair, a voulu retracer son séjour dans cette banlieue afin d'essayer de comprendre le personnage rustre et rebelle qu'il est, et le pourquoi de ce qui a fait de lui l'un des plus talentueux.
Ses rencontres et ses visites vont lui apporter quelques suggestions.
Le scénario de Paolo Castaldi pour "Zlatan - Histoire d'un champion” :
Le scénario de Paolo Castaldi est construit tel un récit de voyage, un reportage initiatique.
Il commence à Milan en exprimant les sensations qu'apportent un but marqué et mettant en parallèle un match de quartier et le grand Zlatan à l'oeuvre.
Puis le voyage commence, autant physiquement qu'avec le temps.
Chaque entretien, visite, etc.…, permettra à Paolo Castaldi de faire des Flash-Backs sur la vie de Zlatan, de sa jeunesse jusqu'à son début de carrière professionnelle.
On y apprendra les conditions difficiles dans lesquelles il vivait avec son père, loin de son pays d'origine alors en guerre.
Son père soucieux ne s'occupait guère de lui, préférant un frigo rempli de bière plutôt que de nourriture, et le laissait donc continuellement en prise avec ses difficultés sociales, sa fureur adolescente etc...
Bref il l'a laissé se construire seul, ce qui lui a valu de se forger ce terrible caractère.
L'auteur revient aussi beaucoup sur les difficultés d'intégration communautaires de Zlatan, son côté humain très individuel le mettant continuellement à l'épreuve face aux autres pour être le meilleur.
Mais au final, il montre admirablement bien les plus belles qualités de ce sportif incroyable : la persévérance et la résilience. Qui n'aurait pas craqué à sa place ?
Un beau récit humain, que l'on aime ou pas cet athlète, on ne peut rester qu'admiratif.
Le dessin de Paolo Castaldi pour "Zlatan - Histoire d'un champion” :
Le dessin de Paolo Castaldi est d'un style réaliste en crayonné et avec quelques touches d'aquarelle probablement.
Son trait est beau, fin et délicat, fluide, presque vivant et surtout centré sur l'essentiel.
Les arrière-plans sont peu détaillés mais du coup cela permet de mettre particulièrement en avant les protagonistes (surtout Zlatan).
Les compositions et le découpage sont remarquables, comme cet entrainement sous la pluie où les effets sont majestueux.
Elles donnent une véritable impression de mouvement, d'action et nous plonge au coeur de ce match, de cette bataille que Zlatan livre pour s'en sortir.
Les pleines pages et doubles pages sont magnifiques telles de véritables tableaux où les bordures de cases disparaissent pour être encore plus immergé dans la scène.
Les effets et perspectives sont incroyablement maîtrisés accentuant la fluidité des gestes, la continuité des actes, marquant les événements etc...
Paolo Castaldi joue aussi sur l'alternance des couleurs et du noir et blanc pour illustrer tour à tour le moment présent, et les retours dans le temps.
Le choix des couleurs est délicatement effectué. Elles ne sont ni trop criardes, ni trop blafardes et tiennent ainsi le spectateur en haleine.
Elles évoquent aussi une certaine poésie pour rappeler qu'au final le foot reste aussi un art qui se travaille par la technique et la persévérance.
Je serais vraiment curieux de voir une exposition des planches de cet artiste car je trouve son travail graphique exceptionnel.
Cette BD est loin de ce que j'avais pu imaginer avec son titre. Elle ne retrace que la jeunesse de Zlatan et non sa carrière de professionnel.
Elle plaira évidemment aux sportifs accomplis fan de foot mais aussi et certainement aux amateurs et/ou passionnés curieux du neuvième art...
Une belle lecture qui vous éclairera sur la personnalité Zlatan !
Vann Nath de Matteo Mastragostino et Paolo Castaldi
"Qui proteste est un ennemi, qui s’oppose est un cadavre".
Peindre sous la terreur des Khmers rouges. Nous sommes en 1970 au Cambodge et ce célèbre peintre est enfermé dans la prison S-21 à Phom Penh où tous ceux qui y passent meurent dans des conditions atroces. En ayant survécu comme onze autres sur les 20.000 cambodgiens, il se battra toute sa vie pour que ces crimes soient enfin reconnus. Avec un talent évident, la couleur est minimaliste dans cet album au crayon aquarellé, elle vient s’insérer par petites touches pour que le détail écarte tout le reste. Chaque goutte de sang versée a l’air de compter, ne serait-ce que sur la couverture où les traces de lacérations sur le dos du peintre marquent à jamais. C’est cette longue traversée du « désert » dans un album biographique que les deux auteurs nous font vivre.
On ressent les âmes de ces morts à l’agonie, l’atmosphère y est pesante dans chaque regard. Ce peintre recouvre l’usage du pinceau au crépuscule de son passé. Tout le monde s’appelle « frère » mais il n’en est rien et, sous couvert d’une justice et d’un total arbitraire, les individus sont enfermés lâchement par leurs bourreaux du jour. Devant mettre son talent au service de la dictature, il sera l’une des figures de proue du combat contre les crimes de Pol Pot.
Les toiles en fin d’album de Vann Nath sont tout simplement exceptionnelles et marquent l’esprit à tout jamais
Sur les quelques 14 000 hommes, femmes et enfants emprisonnés, ils ne sont que 12 dont 7 adultes à être sortis vivants de l’ancien lycée de Phnom Penh transformé en prison de Tuol Sleng, centre de torture et d’exécution des Khmers rouges rebaptisé S21. C’est cette tragédie, l’une des pages les plus noires de l’histoire du Cambodge que l’on (re)découvre à travers le regard de l’un des rescapés dans l’album Vann Nath, le peintre des Khmers rouges sous la plume de Matteo Mastragostino et le pinceau de Paolo Castaldi, deux bédéistes italiens, aux éditions La Boîte à Bulles.
Avril 1975, la chute de Phnom Penh marque la fin de plusieurs années de guerre civile et les Khmers rouges sont acclamés par la foule. Malgré l’inquiétude de sa femme, Vann Nath, peintre d’enseignes, décide de retourner en ville à son atelier. L’atmosphère est lourde et les vainqueurs, au nom de l’Angkar , l’« organisation » révolutionnaire du Kampuchéa démocratique – nouveau nom du Cambodge – intiment aux habitants l’ordre de quitter la ville…
Phnom Penh, novembre 1979. Nath en plein cauchemar se réveille aux côtés de sa femme. Toujours ce même rêve qui le hante : son impuissance face à la disparition de son fils. Que s’est-il donc passé durant ce laps de 4 ans ?
Nous allons le découvrir en le suivant jusqu’au lieu où il se rend tous les jours : la sinistre prison de Tuol Sleng maintenant désaffectée. Là, il peint. Il peint ce qu’il a vécu lui même, ce qu’il a entendu, ce qu’on lui a raconté. Et les souvenirs affluent depuis son arrestation arbitraire en décembre 1977 dans la coopérative agricole qu’il avait été contraint de rejoindre, son incarcération en janvier 1978, jusqu’à sa libération suite à la chute des Khmers rouges en janvier 1979.
Au S21, régnaient la terreur et le « kamtech » qui signifie détruire, puis effacer toute trace afin qu’il ne reste rien de la vie et rien de la mort. Non pas tuer mais détruire, comme on détruit un objet. Le schéma est toujours le même : arrestation de personnes absolument innocentes suite à une dénonciation elle-même extorquée à une autre victime toute aussi innocente, torture afin d’obtenir des aveux de sabotages imaginaires et souvent grotesques et les noms des complices puis exécution.
Contraint à réaliser d’après photo des portraits officiels du « frère n° 1 », lui ne doit sa survie qu’à sa qualité de peintre avec chaque jour cette épée de Damoclès que l’une de ses peintures ou lui-même ne viennent à déplaire. « Garder pour utiliser », voilà ce que Duch, le « maître des forges » de cet enfer avait inscrit à côté de son nom.
Quand on sait que la première bande dessinée de Matteo Mastragostino parue aux Éditions Steinkis en 2017 s’intitulait Primo Levi, on n’est guère étonné de le voir s’intéresser au génocide cambodgien. Le projet est né suite à la lecture des mémoires de Vann Nath Dans l’enfer de Tuol Sleng. L’inquisition khmère rouge en mots et en tableaux parues en France chez Calman-Lévy en 2008. Deux ans ont été nécessaires pour réaliser cet album très documenté qui retrace fidèlement et scrupuleusement les évènements. La quasi inexistence de voix off, la concision des dialogues réduits à l’essentiel font la part belle à l’image afin de mieux nous faire ressentir les choses et surgir les émotions.
Quant au dessinateur Paolo Castaldi, outre 2 albums consacrés à sa passion le foot « La main de Dieu : Diego Armando Maradona » paru en 2014 aux éditions Diabolo et « Zlatan : l’histoire d’un champion » en 2020, on lui doit « Etenesh : L’odyssée d’une migrante publié aux éditions Des ronds dans l’O, ouvrage qui a obtenu le prix Valeurs Humaines 2016 du CRIABD.
Le choix pour l’illustration d’un fondu graphique, univers gris parfois teinté d’ocre dans lequel font tache les kramars rouges des gardes ou la robe du juge permet de supporter l’insoutenable. Les lieux sont fidèlement restitués ainsi que certains tableaux de l’artiste qu’on retrouvera en fin d’ouvrage.
Le devoir de mémoire
Pour tous ceux qui comme moi ont été marqués, à sa sortie sur les écrans en 2004, par l’incontournable documentaire « S21 la machine de mort khmère rouge » de Rithy Panh qui réunit d’anciens gardiens et prisonniers soit dans l’ex-prison, soit au centre d’extermination de Choeung Ek , Vann Nath est loin d’être un inconnu. C’est même le personnage clé que l’on va suivre et qui, dans le rôle de l’interviewer, fera le lien entre bourreaux et victimes.
Tout comme la littérature et le cinéma, le neuvième art est, lui aussi, un support légitime du devoir de mémoire et cet album en est la preuve. Tout au long de sa vie, Vann Nath n’a eu de cesse de témoigner encore et encore afin que les jeunes de son pays et l’humanité toute entière n’oublient pas. A la fin de l’ouvrage, nous le retrouvons devant ses toiles en 1996 lors de l’inauguration du musée mémoriel du génocide de Tuol Sleng où il recueillera la confession de l’un des gardiens, puis en 2009 au procès de Duch (décédé en septembre 2020, soit 2 mois avant la sortie de cet opus) où il témoignera en commentant notamment 13 de ses tableaux projetés lors du 34ème jour du procès.
« Je dois le raconter. Je dois l’écrire. Je dois le dessiner. Je veux être le miroir à travers lequel on peut voir ce que fut la vie de personnes tuées sans raison. » déclare Vann Nath. Et moi, je me devais de chroniquer cet album, tout comme vous, vous vous devez de le lire afin que les victimes innocentes dévorées par l’ogre Khmer rouge ne tombent pas dans l’oubli.
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