Émile-Marie Antoine est un autre Moi : des prénoms oubliés sur une déclaration de naissance, des prénoms à peine mentionnés sur des documents d'identité, quand ils ne sont pas purement et simplement biffés. Des prénoms oubliés de tous pendant de longues années, pour lesquels l'heure de la délivra...
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Émile-Marie Antoine est un autre Moi : des prénoms oubliés sur une déclaration de naissance, des prénoms à peine mentionnés sur des documents d'identité, quand ils ne sont pas purement et simplement biffés. Des prénoms oubliés de tous pendant de longues années, pour lesquels l'heure de la délivrance et de la vengeance a enfin sonné. Ils ont pris possession de Moi et m'ont forcé à écrire ce premier roman.
Que vous dire de Moi ? J'habite Schaerbeek, un peu par hasard. Je suis originaire de la région liégeoise où je suis né il y a bientôt un demi-siècle. J'ai, depuis ma plus tendre enfance, été habité par les chiffres, les modèles mathématiques, tout ce qui pouvait donner un semblant d'ordre à mon existence. Et puis, la théorie du chaos a emporté avec elle toutes mes certitudes. J'ai perdu pied. De tous ces modèles, de tous ces chiffres, ne restent plus à présent que les 1 et les O qui vous permettent de me lire et que je suis réduit à manipuler à longueur de journée. Quelle décrépitude ! Passer du décimal au binaire sans combattre !
Mon Moi aurait pu voguer, désillusionné, sur ce fleuve de plus en plus tranquille, mais c'était sans compter sur mes prénoms enfouis. Le retour du côté obscur. Ils ont profité de mon trouble. Ils se sont engouffrés dans la brèche et m'ont offert la première dose d'une drogue irrésistible, la littérature. Je n'ai pu résister aux effets de ce puissant opiacé. J'en suis devenu un consommateur impénitent, j'en use et abuse en toute occasion. Peu importe sa composition, pourvu qu'elle m'apporte son poids de mots et ma dose d'imaginaire. Ces prénoms ont pris possession de mon esprit, puis de mon corps, plus particulièrement de ma main gauche, qui a frénétiquement griffonné des pages et des pages, en trance, avant que n'émerge ce roman. Je plaide non coupable. Ce n'est pas Moi. C'est Eux !