"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Un roman mauriacien , mâtiné de Bazin, plein de nostalgie pour la lectrice que je suis.
Une famille toxique dans les années 50 à peu près: . Un père médecin hautement souverain, une mère évanescente et fragile, un garçon qui ne demanderait qu’à être aimé, une fillette grassouillette qui adore le petit dernier, un petit garçon chétif et toujours malade . Deux bonnes dont l’une , la plus jeune n’est autre que la sœur de Madame.
Une respectabilité bourgeoise à maintenir à tous prix.
40 ans plus tard, le « petit » revient dans le Limousin pour liquider la maison de famille , la jeunesse revient par bouffées , et c’est un roman choral , comme parfois des voix d’outre-tombe qui révèle les secrets et les mensonges du passé de la famille Pardieu.
Les gens du « château », ou de la métairie, les domestiques qui savent tout de la famille qui les emploie, l’hypocrisie ambiante, l’importance du mariage, ce nœud de vipères est
diablement bien décrit, et le romanesque ne faiblit jamais.
Dans son roman, Charlotte Dordor exploite la thématique de la famille dans toute sa complexité, ses mensonges, ses secrets qui la déstabilisent et finissent par en briser les liens…
Paul est le dernier de sa famille, le temps les a effacés les uns après les autres pendant que lui se concentrait sur la famille qu'il était en train de construire et notamment les difficultés de sa fille anorexique.
Aujourd'hui, il est temps pour lui de retourner dans la maison de famille. 33 ans qu'il n'y a pas mis les pieds après une ultime dispute.
En faisant ce travail de mémoire, il va aussi ouvrir la boîte de Pandore : refluent à son esprit, les fantômes de ceux qui ont été et les souvenirs douloureux qui ont laissé des traces indélébiles dans sa vie.
Remettre de l'ordre dans cette maison, c'est aussi retrouver du sens, peut-être aussi mettre des mots sur les silences et tout ce qu'il avait du mal à comprendre à l'époque.
Qu'a-t-il vraiment vécu dans cette maison ? Il était si jeune, malade et n'avait pas conscience de ce qui se passait autour de lui.
Tour à tour, Charlotte Dordor va faire parler chacun des protagonistes de l'époque en commençant par Huguette la domestique, suivront Henri et Françoise, frère et sœur de Paul, puis Paul et les autres…
Avec son langage, chacun donne sa version de l'histoire familiale et des conséquences que cela a engendrées sur son propre parcours.
Ses voix qui chuchotent à l'oreille de Paul, pourraient-elles lui permettre de "guérir de son enfance" ? Quel héritage transgénérationnel néfaste aurait-il pu transmettre sans le vouloir à ses enfants ? Et si justement c'étaient ces "furieux silences" qui rendaient malade sa fille ?
Il y a dans ce livre beaucoup de questionnements sur la famille, évidemment : la place qu'on lui attribue, les secrets qui agissent comme du venin et peuvent même finir par tuer.
Si l'autrice cite Pagnol en épigraphe : "Telle est la vie des hommes. Quelques joies, très vite effacées par d'inoubliables chagrins. Il n'est pas nécessaire de le dire aux enfants." Elle met ces mots littéralement en pratique avec ce roman de famille à rebondissements dans le décor bourgeois d'une propriété en terres limousines, La Boissonnière.
Un roman sombre, touchant et déroutant !
Dans Un furieux silence, Charlotte Dordor nous livre la complexité des liens familiaux d’une famille bourgeoise à travers les voix multiples des membres de la famille Pardieu, confrontés aux non-dits, à la violence et à la honte, et de leurs employés (Huguette…). Ce roman choral évoque des thèmes familiers à ceux qui ont lu François Mauriac, avec ses secrets enfouis dans une grande maison provinciale. Dans ce contexte, les apparences priment sur l'humanité des relations.
L'analogie avec Mauriac est frappante, mais l'écriture de Charlotte Dordor s'en distingue par une approche plus directe et parfois plus crue. Paul, au centre du récit, est un homme brisé par une enfance marquée par la maladie et l'indifférence parentale, entouré des bonnes qui étaient les seules figures d'affection dans sa vie avec sa sœur.
Le retour de Paul à La Boissonnière, après trente-trois ans d’absence, fait ressurgir des souvenirs dont les voix de ses frère et sœur, Henri et Françoise, qui enrichissent la narration. Ces voix du passé, parfois confuses, révèlent les failles d'une famille dysfonctionnelle. Ces personnages hantent l’intrigue avec une force tragique, à la manière d’un chœur antique.
Le roman aborde également la question des névroses familiales transmises de génération en génération, une thématique poignante évoquée dans une autre œuvre que j’ai lue récemment, Un secret de Philippe Grimbert. Paul, comme les personnages de Grimbert, porte en lui les blessures du passé. Cette idée de malédiction familiale résonne à travers la métaphore du traumatisme génétique, un écho moderne des théories de la mémoire transgénérationnelle.
Un roman où les silences pèsent plus lourd que les mots, et où la violence des relations familiales ne peut que rappeler les tragédies classiques. Un texte à découvrir !
Paul, avocat parisien, revient dans sa maison d’enfance dans le Limousin, celle d’où il est parti 33 ans plus tôt en claquant la porte. Il ne reste plus que lui : son père, sa mère, sa grande sœur et son grand frère sont tous morts. Il redoute les souvenirs qu’il tente, autant qu’il peut, d’oublier en essayant de se reconstruire de ce passé si lourd. Que s’est-il passé dans cette maison ? Qu’est-ce qu’il cherche à tout prix à oublier ? Que va-t-il découvrir après si longtemps ?
Il s’agit d’un roman choral, où chaque narrateur nous raconte sa vision des choses, sur ce qu’il s’est passé dans cette maison La Boissonnière, tel qu’il l’a vécu dans les années 60 comme Huguette, la bonne, qui semble en savoir plus que tous les autres, Henri, le grand frère, Françoise, la sœur, et puis on suit aussi Paul de nos jours lorsqu’il revient dans cette maison. Pendant une bonne partie du roman, on effleure l’ambiance de la maison. Tout est pudique dans l’écriture, tout est dans la retenue. Il faut dire que Huguette ne fait que parler pour ne rien dire finalement, elle fait des allusions sans aller plus loin. Les enfants de leur côté nous racontent ce qu’ils ont vu et ressenti en tant qu’enfant, avec toute leur naïveté et leur ignorance du monde adulte et de leurs secrets. Je n’ai donc pu mettre bout à bout chaque révélation qui n’en paraissait pas en être de prime abord, au fur et à mesure que je tournais les pages et puis tout s’est enchaîné dans la deuxième partie. Les révélations m’ont surprises mais ont répondu à de nombreuses allusions de la première partie. Tout s’emboîte finalement : la tristesse, la révolte, les rares moments de liberté, de bonheur, et de frustrations. Le silence qui régnait dans cette maison continue même plus de 30 ans plus tard, mais c’est en retrouvant des lettres que Paul va finir par comprendre en partie son passé. Gros coup de cœur ! A lire !
Je remercie Netgalley et les éditions Julliard pour cette lecture.
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