"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Merci à Babelio, au Musée de l'histoire de l'immigration et au Seuil pour cette lecture passionnante et indispensable, à l'heure où les débats hystériques autour des questions juive et musulmane sont le fait soit de l'ignorance, soit de la manipulation de l'histoire.
« Juifs et musulmans de la France coloniale à nos jours » est le catalogue de l'exposition éponyme qui se tient depuis le 5 avril 2022 au Palais de la Porte Dorée à Paris.
Quel est l'intérêt d'un tel document à la riche iconographie ? Il est immense car, à partir de sources nouvelles, des historiens se sont emparés de sujets transversaux – culturels, politiques, sociaux, religieux... - pour mieux souligner la complexité des liens qui unissent les Juifs et les musulmans afin de briser une vision simpliste, malheureusement la plus répandue.
Mais entrer dans le détail des thèmes évoqués ne peut se faire dans le cadre d'une chronique forcément non exhaustive.
Dans l'interview qu'ils ont donnée en préambule, Karima Dirèche et Benjamin Stora, deux des trois directeurs de l'ouvrage, soulignent l'essentiel, à savoir que la France a joué, avec la colonisation du Maroc, de la Tunisie et plus encore de l'Algérie, un rôle essentiel dans le déplacement des populations vers la métropole et dans la transformation des rapports entre les deux communautés, la juive ayant une reconnaissance de l'autorité de tutelle bien supérieure à celle de la musulmane (rappelons que la France est le pays qui compte le plus de Juifs et de musulmans en Europe et qu'il est donc légitime qu'elle se penche sur son passé, dans la mesure où il explique le présent et les tensions qui existent, malgré leurs points communs, entre les deux populations et les distorsions dans leurs sentiments d'appartenance).
Les relations entre les deux communautés ne peuvent donc s'envisager de manière binaire mais triangulaire avec, comme acteur majeur, « l'État français, sa politique et sa culture d'inclusion et d'exclusion ».
CQFD !
http://papivore.net/documentaire/critique-juifs-et-musulmans-de-la-france-coloniale-a-nos-jours-seuil/
1954/1962, c'est la guerre d'Algérie, ce que la France a longtemps appelé des événements ou une "opération de maintien de l'ordre". Elle est d'abord cantonnée sur le territoire algérien, un peu désordonnée, puis les Algériens créent des mouvements de libération et devant la répression commettent des actes violents et c'est le début d'un engrenage, d'une guerre qui ne dit donc pas son nom, dénoncée un peu partout dans le monde, mais la France ne veut pas renoncer à son empire colonial. Sept années de guerre pour conclure presque 150 ans de colonisation.
Benjamin Stora, né en Algérie, un peu avant le début de la guerre et devenu historien, spécialiste de ce conflit est pédagogue, précis, se met de tous les côtés pour ne rien oublier. Cent quatre-vingt dix pages qui montrent la montée des violences de part et d'autre, l'exportation du conflit en métropole, la lassitude des Français face à une guerre dans laquelle le pays envoie de jeunes appelés du contingent -mon papa y était, tous les jeunes gens nés entre 1932 et le début de la décennie suivante y sont passés, peu en parlent. Elles éclairent également les relations toujours particulières et tendues entre les deux pays.
Bien dessinée, formidablement documentée, cette page de l'histoire de France et de l'Algérie est accessible à un plus large public qu'un essai historique. C'est une des qualités de la bande dessinée en général et d'icelle en particulier. Peut-être pas pour les plus jeunes, mais pas mal d'ados peuvent la consulter pour comprendre dans quelle galère ont été engagés leurs grands-pères et arrière-grands-pères.
Remarquable BD historique !
Le récit respecte parfaitement la complexité de l'engrenage de cette guerre qui a laissé des plaies ouvertes de part et d'autre de la Méditerranée. J'ai par exemple découvert les luttes fratricides entre le FLN et le MNA de Messali Hadj pour s'imposer dans le camp des nationalistes algériens. Pas de tabous, tout est évoqué.
Bien évidemment, un expert de la guerre d'Algérie n'apprendra pas grand chose de cette BD, mais pour tous les autres et notamment nos jeunes, c'est juste impeccable ! Benjamin Stora fait montre de pédagogie et on comprend ainsi avec clarté les étapes et les enjeux. Chacun des 5 chapitres correspond à une phase de la guerre, le tout dans un ordre chronologique. Mais quand il y a besoin, le récit fait une pause et les auteurs nous proposent des sortes de fiches présentant les acteurs et faisant des retours en arrière pour éclaire l'histoire par le passé.
Au-delà de ses qualités pédagogiques, ce que j'ai beaucoup apprécié dans cette histoire dessinée, ce sont les planches interviews d'acteurs de la guerre, des personnalités parfois mais surtout des anonymes, appelés français, harkis, civils algériens, fellaghas. L'histoire s'incarne , s'humanise, devient sensible et touche son lecteur.
Le style semi-réaliste de Sébastien Vassant, avec son dessin moderne, trouve la bonne distance, sans fausse note et apporte de la force au récit : magnifique double page évoquant l'exode des pieds-noirs, aucun mot, juste des dessins d'intérieurs de maisons vides mais intacts.
A compléter avec le remarquable documentaire de Patrick Rotman, La Déchirure.
Des premiers attentats à la fin de la guerre, l'iconographie raconte les événements et ceux qui en ont souffert. Des réponses en images qui font revivre avec force ces temps troublés.
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