"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Andreï Guelassimov fait le grand écart : après son roman historique « La rose des vents », son nouveau roman nous emmène dans la Russie contemporaine, à travers le destin d’un rappeur russe.
Tout commence dans la ville de Rostov-sur-le-Don, nous sommes dans les années 90, la misère et la débrouille sont le quotidien. Les embrouilles aussi. Le jeune Tolia multiplie les coups d’éclats, les plans bancals pour se faire de l’argent. Et la drogue devient, très vite, pour lui, une nécessité.
Mais ce jeune homme a un don, un flow, une capacité à balancer les textes qui cognent, les rythmes qui frappent et font vibrer le public. Sauf que la drogue est une compagne exclusive de tout le reste…Comment faire pour gérer cette addiction ? La musique ou l’amour sont-ils suffisants pour contrer cette extase psychotrope ?
Ce roman est un vrai coup de cœur. Par son style percutant, sa structure non linéaire - trois chapitres se centrant sur trois étapes de la vie de Tolian - donnant un rythme trépidant au récit.
Coup de cœur aussi pour ce personnage de Tolian inspiré du rappeur Basta. Jeune homme débrouillard, au grand cœur mais à l’embrouille facile. Jeune homme perdu face à son addiction, apprenant à vivre avec et sans. Personnage haut en couleur, imparfait et si vrai, tout comme sa famille ou ses amis.
Ce livre malgré la noirceur des thèmes abordés comme la pauvreté ou la toxicomanie, m’a fait éclaté de rire à plus d’une reprise. L’auteur profite de ce destin individuel pour évoquer la Russie des années 90.
J’ai dévoré ce roman, plein de vie et de verve, bouillonnant et incroyablement réussi.
Rap et drogue, voilà les thèmes du dernier titre d'Andreï Guelassimov, Андрей Валерьевич Геласимов, Purextase paru aux Éditions des Syrtes. On est bien loin des problèmes de géopolitique et de l'odyssée maritime de La rose des vents, dont la publication date de la rentrée 2021. Ça peut surprendre, mais l'auteur russe emprunte là une des problématiques de cette fin de XXe siècle, qui touche sans distinction tout le monde et de partout, y compris les braves gens de Rostov-sur-le-don, la plus grande ville du sud du pays. L'auteur s'est inspiré du rappeur russe, Basta, dont j'ignorais tout, à commencer par son existence, de son nom patronymique Vassili Mikhaïlovitch Vakoulenko, Василий Михайлович Вакуленко. Je ne suis pas vraiment férue de hip-hop, je suis tout de même allée écouter la musique de Basta, mais j'avoue que c'est le style de musique qui, à mes oreilles, est interchangeable quelle que soit la nationalité du rappeur en question, qu'il soit français, italien, américain ou russe. Au-delà de mes goûts personnels et subjectifs, j'ai été très curieuse de lire l'histoire qui se cachait derrière ce titre étonnant.
Beaucoup de points communs entre Basta et Tolian notre rappeur en herbe de Purextase : Rostov-sur-le-Don, un père militaire... Mais en dehors de cela, c'est un personnage bien fictif que notre joueur accordéon, qui deviendra l'une des plus grandes stars de rap russe. Enchâssés à un récit au présent qui présente Booster aka Tolian, star de l'Olimpiiski Indoor Arena de Moscou, d'autres chapitres dévolus au passé du chanteur, aux frasques et à la personnalité du jeune homme. C'est un roman plein d'esprit, très drôle, au prime abord, qui m'a réjoui du début à la fin ; je ne compte plus les passages qui m'ont fait rire. Ce roman permet, encore une fois, à Guelassimov de pointer certaines problématiques sociales à savoir le trafic et la consommation de drogue, en premier lieu. Où Rostov-sur-le-Don devient une véritable Naples russe, gangrené par les groupes mafieux qui font du trafic de drogue, leur source de revenu principal, avec la prostitution, et ses inévitables règlements de compte et passages à tabac. La source de cette Purextase, issue de la consommation de la poudre blanche, qui donnent une quinzaine de minutes de plaisir jubilatoire, et le double de douleur physique dans l'attente de la prochaine dose. Le style parfois familier, mais toujours juste, de Guelassimov enlève toute trace de tentative d'envolée tragique ou dramatique, sa façon à lui d'enlever un peu de lourdeur à un monde déjà bien sombre et glauque, où les toxines de la drogue remettent des artifices colorés à ceux embourbés dans la sinistrose ambiante du chômage, d'une économie défaillante, de plans d'avenirs aussi embrumés que la fumée de la Marie-Jeanne qu'ils fument aussi à l'occasion. Les Kolkhozes soviétiques ont laissé la place aux champs de plantation de cannabis, on pourrait en rire, et on en rit en coin d'ailleurs, si derrière cela n'entretenait pas cette addiction mortelle aux psychotropes.
Et c'est sa musique qui va sortir Tolian, devenu Pistoletto, puis Tolia et enfin Booster, du cercle infernal qu'était devenue sa vie : à ce point, je ne sais pas quels sont les points communs avec Basta, mais peu importe. Car Tolian aime la musique, il improvise et chantonne volontiers d'autant qu'il est doué, tout le monde le reconnaît, le pousse, l'incite. C'est ce qu'il le sauvera de la drogue, cette musique aussi irrévérencieuse qu'éloquente, insolente et irritante. D'ailleurs d'un bout à l'autre du livre, cette tendance à blasphémer, m'a frappée, désacraliser les oeuvres d'art, la Création d'Adam de Michel-ange apparaît sous les traits au mieux d'un gribouillage d'enfant à travers les souvenirs du rappeur. Et on poursuit par la naïveté béate du jeune homme, qui dans sa retraite religieuse, ne comprend pas l'indignation dans les yeux du père, qui manque de s'étouffer, après qu'il a introduit un serpent dans l'église. Tout est mis à mal, religion et art, même la mort devient un fait divers comme un autre devant la désinvolture existentielle de Tolian.
Il y a des passages exceptionnels, dont l'un trace un parallèle pour le moins inattendu, et très savoureux, entre le tempo involontaire que marquent les grand-mères du marché de Rostov et le sens du rythme de la musique hip-hop, qui est à l'image de l'ensemble du roman et de Tolian : facétieux et improbable, à l'image de Tolian, un personnage qui se révèle être bien plus complexe que l'image du rappeur frondeur et démonstratif que l'on peut avoir en tête. L'une des autres scènes totalement cocasses, c'est la vue de cet ancien kolkhoze devenu champs de plants de Marie-Jeanne, Guelassimov superpose l'ancienne et la nouvelle Russie, certainement pas pour le meilleur - la drogue comme se révélant être ce nouvel opium du peuple marxiste a remplacé la propagande soviétique et la religion. Et le rap se superpose à tout cela, ayant pris la forme d'une nouvelle religion. (...)
Livre en 3 parties : Pistoletto, Tolia, Booster
Ces trois noms sont en fait une seule et même personne vue à des époques différentes de sa vie.
Dans la deuxième partie du livre, la psychologue conseille à notre personnage de remplir un tableau composé de 5 questions pour l'aider à manifester ses émotions et ainsi sortir de l'enfer de la toxicomanie... Mais on n'est jamais ex-toxicomane n'est-ce pas ?
Je vais reprendre ces questions pour rédiger ma critique.
1) Evénements (succinctement et précisément, ce qui est arrivé) : J'ai lu Purextase d' Andreï Guelassimov aux éditions Des Syrtes
2) Qu'est ce que j'ai ressenti : de la compassion pour le personnage principal, de la curiosité pour savoir comment il s'en est sorti et devenir Booster (célèbre rappeur russe) , de l'émotion avec la superbe plume de l'auteur (à la fois poétique et tellement réaliste)
3) Réactions de mon corps (expressions faciales, respiration, réactions musculaires) : Augmentation du rythme cardiaque à certains moments, respiration irrégulière, visage crispé tout au long de la 1ere et de la 2eme partie et ensuite relâchement et apaisement dans la 3eme partie
4) Comment ai-je réagi ? Qu'ai-je pensé ? Qu'ai-je fait ? : J'ai réfléchi à l'absurdité de la vie. J'ai compris que personne n'est jamais complètement heureux et ce qu'importe son statut social. J'ai refermé le livre, très satisfaite de ma lecture et soulagée. Tout le monde peut avoir la possibilité d'une renaissance, d'une rédemption... Faut accepter ses faiblesses et en faire une force !
5) Qu'aurais-je pu faire différemment : J'aurais pu ne jamais lire ce livre s'il n'y avait pas eu Babélio et la masse critique ... et passer donc à côté de ce roman percutant, brutal mais nécessaire !
Je voudrais parler aussi de cette magnifique couverture... Il s'agit d'une illustration d'Ivan Sollogoub. Si vous prenez le temps de regarder le travail fait par cet artiste, vous verrez que chacune de ses oeuvres est sublime. Noir, poétique, nostalgique, onirique, sombre ... Tout ce que j'aime !!
J'aimerais terminer en remerciant vivement babélio et les éditions Des Syrtes pour l'envoi de ce roman et la confiance qu'ils m'ont accordée.
Il est des découvertes qui relèvent d'hasards, de coup de poker contre le destin.
La découverte d'une voie navigable sur la côte pacifique, à l'embouchure du Fleuve amour en est un exemple.
Si de prime abord, cet événement n'apparaît pas comme essentiel, il revêtait, cependant, une importance majeure pour l'empire russe du milieu du dix-neuvième siècle.
Une telle voie donnant aux russes un avantage stratégique face à la Chine, dans la revendication de zones frontalières mais, surtout, en cas d'affrontement avec les navires britanniques.
C'est sur cet échiquier mondial qu'un pion, Guennadi Nevelskoï, se trouve engagé.
S'il se retrouve catapulté dans la recherche d'une telle voie navigable, ce sera sans consigne officielle de ses supérieurs.
S'il réussit sa mission, à lui la couronne de lauriers mais en cas d'échec, il gagnera un aller simple pour un châtiment des plus sévères, la déportation à tout le moins...
Ce roman est très dense, l'on sent le travail de recherche immense fait par l'auteur sur ce sujet et cette période. Cela donne un début de roman parfois difficile à suivre.
Mais une fois les repères pris, les machinations au sommet de l'État sont très intéressantes. Les réponses arrivent au compte-gouttes et nous comprenons les événements, comme le personnage principal, au fur et à mesure.
Le reproche que je ferai à ce livre résiderai dans un déséquilibre ressenti à la lecture sur certains points. Au début du roman, il y a de nombreuses digressions sur d'autres personnages dont le sort sera complètement occulté pendant la deuxième partie du roman pour au final, être réglé en quelques phrases à la fin du livre. Et la partie liée à l'exploration maritime, en tant que telle, a été trop rapidement exploitée à mon goût.
Au final, cette lecture m'a permis d'apprendre beaucoup de choses sur l'aspect politique et stratégique de la conquête maritime de cette partie du globe même si je suis restée un peu sur ma faim avec ce roman.
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