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On peut dire que 'Le grand cahier' d'Agota Kristof m'a laissé perplexe. Il surprend sur bien des aspects ! Deux jumeaux sont placés chez leur grand-mère par leur mère pendant la guerre. Cette grand-mère qu'ils ne connaissaient pas jusqu'alors les appellera tendrement 'Fils de chienne'... Le ton est donné ! Ici, on traitera de la pédophilie, zoophilie, du sadomasochisme et de la violence sans aucun état d'âme ! Charmant programme élaboré par ces deux bambins à la tête d'ange qui ne jouent jamais et ne font qu'étudier froidement l'univers qui les entoure. Tout semble glisser sur eux comme s'ils étaient deux robots. La lecture du premier petit tome de cette trilogie est donc assez déroutante et j'ai du mal à savoir si j'ai envie de lire les deux autres tomes ou pas tant l'impression que cette lecture m'a laissé est particulière. Un livre en somme à découvrir car atypique mais qui ne plaira certainement pas à tout le monde !
Je ne m'attendais pas du tout à ça en lisant ce livre. Quelle audace ! Quelle cruauté ! Quelle force !
Dans ce récit autobiographique, j’ai retrouvé Agota Kristof, son style et ses thèmes fondateurs. Par cette brève biographie, elle confirme ce que l’on ressent dans ses romans. Ces phrases ont une musicalité bien à elle. Elle va à l’essentiel comme si ces mots lui étaient comptés, sans pour autant avoir des phrases trop courtes, elle explique sa façon d’écrire par son impression de ne pas maîtriser la langue française, ce qui ne se remarque nullement.
Dès le titre, on se doute qu'elle n'y va pas par quatre chemins, ni en douceur, elle est directe, "l'analphabète" est un mot fort qui tombe comme un couperet elle n’emploi pas de formule poétique, alors qu'elle écrit de la poésie depuis sa plus tendre enfance.
Elle nous raconte son enfance, sa famille, sa jeunesse, son arrivée en Suisse, le passé laissé dernière elle. Elle nous raconte son apprentissage et appropriation de la langue française qui s’est imposée à elle, de la douleur d’abandonner sa langue maternelle comme si elle avait coupé un cordon ombilical pour renaître, elle vivra avec cette blessure interne.
Les frontières physiques et celles de la langue, les barrières mentales. Dichotomie entre l’intérieur et l’extérieur.
Le thème de l’exil avec Agota Kristof n’est pas une période transitoire, elle a vraiment coupé les ponts, elle ne parle pas de retour. Elle n'est pas tendre avec les régimes politiques qui l'on conduite en Suisse. Il y a comme un travelling entre le général et le particulier.
Ce récit autobiographique et ce qu’elle y raconte a malheureusement encore des résonances aujourd’hui. Quitter son pays d’origine pour raisons politique sans vraiment choisir son pays d’accueil, perdre ses repères, sa langue, sa culture, sa famille. C’est une femme de volonté elle a tout réappris et reconstruit en arrivant en Suisse.
Lucas vit seul à la frontière d’un pays au régime totalitaire. Frontière que seul son frère jumeau semble avoir réussi à franchir. Son père est mort en échouant, sa mère est morte en couches en même temps que sa petite soeur, ses grands-parents ont été exécutés comme tant d’autres… Seul, on le dit fou et on le laisse tranquille.
Ce livre raconte la vie de Lucas, du jeune homme solitaire à l’âge mûr, au gré de ses rencontres. Il y a d’abord Yasmine et son fils Mathias qu’il recueille, puis Clara la veuve dont il fait sa maîtresse, Victor le libraire alcoolique qui rêve d’écrire un livre, Peter le cadre du parti homosexuel… Autant de portraits d’hommes et de femmes meurtris dans leur chair ou leur âme, autant d’histoires tristes, de vies brisées , de solitudes que Lucas semble apaiser…
Et puis il y a l’attente, celle de Claus, le jumeau qui aurait réussi à quitter le pays, auquel Lucas écrit sa vie dans un grand cahier, et qu’il attend, indéfiniment.
Mais si tout cela n’était qu’un leurre ?
Avec cette écriture que je qualifierai toujours d’étrangement détachée, Agota Kristof brosse encore une fois le portrait de la dictature dans ce qu’il a d’universel et de destructeur pour l’individu. On se laisse porter par l’histoire, la fresque, pour mieux tomber des nues à la fin, et hésiter entre affabulation, conte, schizophrénie, folie ou choc psycho-traumatique. Chacun imaginera ce qu’il voudra, chacun y trouvera ce qu’il souhaite.
Un court roman qui ne m’a pas laissée indifférente, de même que L’ analphabète que j’avais lu précédemment.
https://mesmotsmeslivres.wordpress.com/2017/09/30/la-preuve-de-agota-kristof/
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