#RL2015 C'est aussi le clash chez les Explorateurs... Ils ne sont pas d’accord, mais pas d’accord du tout sur certains romans de notre sélection, ils le font savoir, ils vous le disent, et ils ont des arguments.
Découvrez les critiques Pour-Contre de Séverine et Marie-Florence pour : Popcorn Melody de Emilie de Turckheim (éditions Héloïse d'Ormesson)
Le moins qu’on puisse dire, c’est que la délicieuse Emilie de Turckheim ne laisse pas indifférent. Ne vous laissez pas prendre à ses boucles angéliques, cet écrivain empoigne la langue et la plie sans pitié aux exigences de son imaginaire déjanté. ça séduit follement… ou ça ne prend pas. C’est à suivre avec Séverine et Marie-Florence.
Pour :
Popcorn Melody raconte la vie de Tom qui tient une supérette dans un petit bled poussiéreux du Midwest américain. Ce n'est pas un commerçant ordinaire : il se plaît à composer des haïkus sur les clients qui entrent dans sa boutique, il les écoute se confier à lui, confortablement installés sur l'ancien fauteuil de barbier de son père... Parallèlement, on découvre l'environnement de Tom et de ses voisins : l'usine de popcorn voisine, le désert, la chaleur et l'ennui...
Si j'ai dû un peu me contraindre au départ pour avancer dans le roman, je me suis régalée à suivre les pérégrinations de l'auteure qui semble ne rien s'interdire dans sa fiction : il y a peu d'action, le récit n'est pas linéaire du tout et surtout on ne voit pas d'intrigue principale à part la vie de Tom qui défile par à coups. Celui qui semble être le point du départ du roman s'efface, surtout dans la première partie, devant d'autres individus dont l'auteure se plaît à raconter des épisodes de leurs parcours de vie : la vieille géologue Fleur (amatrice de whisky japonais), Matt (l'instituteur du village jusqu'à un âge avancé), la mère de Tom (aux origines indiennes), Dennis (l'agent littéraire un brin escroc), Emilie Dickinson...
L'écriture d'Émilie de Turckheim est très particulière, sensible, vraiment belle. Je digère lentement certaines phrases, qui ressemblent à de la poésie par moment, pour en extraire leur saveur assez unique. Je prends le temps d'apprécier les personnages qui sont présentés, avec cette pointe de folie qui surplombe tout le roman. Les parcours de vie de ces personnages sont vraiment étonnants !
Ce que j'apprécie le plus dans ce texte, c'est la liberté que s'octroie Émilie de Turckheim et qui rejaillit sur l'univers du roman, un univers déjanté, brinquebalant, parfois dur mais sacrément attachant et humain. En retraçant la vie de Tom, l'auteure parvient à reconstituer tout un microcosme américain : l'empreinte des indiens ayant vécu sur cette terre (et qui ont été massacrés), l'usine de pop corn qui embauche la majeure partie des habitants du coin, l'environnement hostile... Elle manifeste une critique à peine voilée du capitalisme ambiant, qui s'introduit même dans ce bled oublié de l'Amérique.
Au final, on obtient un roman très original, avec des personnages foutraques mais qui résistent envers et contre tout. Il faut se laisser happer par la mélodie d'Emilie de Turkheim, avec ou sans popcorn à portée de main !
Contre :
À Shellawick, un bled perdu en plein désert du Midwest, écrasé par la chaleur et submergé par la poussière et les mouches, vit une petite communauté d'habitants tous plus loufoques les uns que les autres. Enfant, Tom Elliot, le narrateur, a été l'égérie de Buffalo Rocks, l'usine de pop-corn qui emploie la plupart des habitants de la ville. Après avoir été à l'université, il décide d'ouvrir un petit supermarché, qu'il appelle tout simplement "Le Bonheur" car il y vend "la trilogie du bonheur : manger à sa faim, se laver et tuer les mouches". Malheureusement, peu de temps après, une énorme grande surface dont le propriétaire n'est autre que Buffalo Rocks, ouvre en face, causant la faillite de Tom.
La toute nouvelle grande surface ouverte apparaît différemment aux yeux de Tom et de ses clients perdus. Ces derniers s'y rendent attirés par la climatisation de ce paradis de la consommation où tout - et surtout n'importe quoi - se vend à des prix ultra compétitifs. Pour Tom, petit commerçant, le nouveau supermarché est un labyrinthe cauchemardesque qui conserve incompréhensiblement ses vitres toujours propres, grâce à une armée de robots qui ne lâchent pas les clients d'un pouce. Popcorn Melody raille et alerte sur la société de consommation, l'écrasement des petits commerces par les grandes surfaces, la concurrence déloyale et la déshumanisation des services. Avec son commerce, Tom avait aussi un autre objectif : en installant le fauteuil de barbier de son père décédé devant sa caisse, il était aussi là pour écouter ses clients et parfois amis s'épancher et raconter leurs histoires. Cet aspect humain est complètement anéanti par le nouveau supermarché.
Si les thèmes évoqués me parlent et m'intéressent, je n'ai pas été très convaincue par le traitement qu'il en est fait dans ce roman. Les situations ne sont pas crédibles, et si le but de ce décalage avec la réalité est l'humour, je n'ai pas été séduite par le côté déjanté. Ce roman satirique se lit très vite, mais je n'ai pas su m'attacher au personnage principal, Tom, sorte d'anti-héros ou héros malgré lui, looser au cœur tendre qui aime composer un haïku sur chaque client qui passe sa porte, mais un personnage un peu effacé et faible à mon goût. Les autres personnages sont à peine esquissés, et par forcément à leur avantage, avec ce côté un peu arriéré et ce patois assez énervant.
Cette satire du monde la consommation avait tout pour me plaire, mais m'a laissée au bord de la route et ne me laissera pas un souvenir impérissable, malgré une écriture fluide et des aspects comiques pas inintéressants.
(c) Séverine Capasso
Moi ce livre m'attire bien, j'aimerais beaucoup le découvrir