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La #Critique Pour/Contre des Explorateurs : "L'infinie Comédie" de David Foster Wallace

La #Critique Pour/Contre des Explorateurs : "L'infinie Comédie" de David Foster Wallace

#RL2015 C'est aussi le clash chez les Explorateurs... Ils ne sont pas d’accord, mais pas d’accord du tout sur certains romans de notre sélection, ils le font savoir, ils vous le disent, et ils ont des arguments.

Découvrez les critiques Pour-Contre de Nathalie et Rémi pour "l'infinie Comédie" de David Foster Wallace  (Editions de l'olivier)

Ce livre est un événement à lui tout seul : un roman-monde de 1400 pages publié aux Etats Unis en 1996, par un génie illuminé de la littérature américaine qui s’est donné la mort en 2008. Tout juste paru aux éditions de l’Olivier, il nous apparaît comme un testament littéraire impossible à circonscrire. Les explorateurs ont relevé le défi et rendent compte de leurs sentiments de lecture, forcément mélangés.

 

Pour :

D’abord, je tiens à signaler que je n’avais pas vécu une expérience de lecture comme celle-là depuis un moment. Le narrateur est omniscient. Il nous fait passer du récit d’un personnage à l’autre. Il n’y a pas de vrai héros à mon sens, mais une galerie de personnage. La psychologie est  détaillée pour tous, une véritable toile d’araignée où les personnages principaux ou secondaires se croisent forcément au cours des 1300 pages.

Le  fil rouge, c’est  la famille Incandenza, le  père James brillant physicien optique qui a crée et dirigeait une école de tennis,avant de se tourner vers le cinéma. Sa femme Avril, mère possessive et intelligente. Hal, jeune prodige du tennis. Mario handicapé moteur, qui est le caméraman du centre d’entrainement. Mais aussi Orin, qui est un brillant punter au football américain. Hal est un personnage important. Il est obsédé par le tennis et ses performances, un véritable robot qui deviendra plus intéressant au fil du récit. Sa seule distraction, c’est de fumer de la drogue en cachette. On se prend d’affection pour ce gamin surdoué du langage mais incapable d’exprimer ses émotions. La  famille est liée à un mystérieux film fait par James dont je parlerai plus loin. Une grande importance  est accordée au sport et notamment au  tennis dont l’auteur nous décrit le système concurrentiel, mais aussi la camaraderie, les règles, la quête de célébrité et la peur de décevoir.  Le roman  se déroule dans le futur, les EU ont établi un vaste protectorat (fédération entre EU-Mexique, Canada appelé la Grande concavité). Un nouveau territoire des EU a été dessiné par le président américain Gentle, ancien crooner, obsédé par l’hygiène. Il a décidé d’abandonner des parties de son territoire au Nord Ouest, à proximité du Canada.  Celui-ci sert de décharge à ciel ouvert polluée, par les déchets ménagers.  Il y a donc une réflexion politique sur la société de consommation, le rêve américain, la nation. Mais aussi sur la liberté et le libre arbitre. L’auteur parsème sa fresque de nombreuses références littéraires, de séries. Il décrit de manière très précise les nouvelles règles de cette société. Dans celle-ci, le temps est sponsorisé par des marques, les émissions sont disponibles à la demande et en temps réel. On finit par être totalement immergé par celui-ci. Un monde foisonnant, complexe où l’ombre domine.

Un autre fil rouge du roman est  la recherche  du mystérieux dernier film de James Incandenza. Une histoire d’espionnage se développe alors, avec les personnages de Marathe et Steeply, qui sont des assassins en fauteuil roulants. Les EU et les séparatistes québécois cherchent ce mystérieux  film. Celui ci provoque une addiction extrême et ceux qui le regardent sont obsédés par lui. Où est-il ? Dans quel but a-t-il été crée ? Cette enquête prend une part importante dans le roman et donne envie de le poursuivre pour savoir ce qu’il y a sur ce fameux film. L’univers décrit est centré sur la violence, la drogue. L’auteur  critique la société du spectacle, l’américain moyen toujours en quête de plaisir et de divertissement. C’est un monde de fantasmes et d’obsessions autour des médicaments, de l’herbe. Ce  monde de la drogue est hyper décrit, les phénomènes de manque, la dépendance et ses conséquences sur le corps et le mental avec les personnages de Lenz, Poor Tony. La violence est aussi présente comme l’inceste et le viol qui sont au cœur de la vie de plusieurs personnages. Les relations familiales compliquées sont disséquées à travers cette fresque de personnage, l’image de la femme, de l’être humain n’est pas très positive. Ils luttent tous  contre leurs démons intérieurs, la maladie, la dépression. On a la sensation d’être enfermée  dans un cerveau enfiévré  et malade. C’est une véritable expérience de lecture, extrême parfois.

L’auteur décrit et analyse aussi l’obsession pour les nouvelles technologies et la dépendance qu’elle crée. Ce récit est donc très visionnaire car il a été écrit dans les années 1990. Il brosse un portrait sans concession de notre monde moderne, obsédé par le plaisir et les nouvelles technologies. Parallèlement à cela, la maladie, les handicaps physiques comme celui de Joëlle , défigurée après un accident et ancienne petite amie d’Orin, sont aussi un thème lancinant dans le livre. Les descriptions des corps, des sensations, du décor sont très importantes. J’ai eu l’impression de me retrouver dans un tableau du peintre Jérôme Bosch digne de l’enfer par moment, ce qui est assez déroutant. Le style de l’auteur est parfois vulgaire, ou hyper pointu, ce qui est parfois  déstabilisant. Mais il fait réfléchir à ses propres démons intérieurs et obsessions, à cet enfer comme celui de Dante dont le titre français du roman fait écho. J’ai eu l’impression de descendre avec les personnages « au fond du trou. »

Les récits sont parfois difficiles à suivre par leur densité, des conversations qui s’entremêlent et une confusion entre réalité et hallucination. Le style est exigeant et demande une attention soutenue pour ne pas perdre le fil. Mais au fil des pages, on s’habitue à cette folle construction et à ce style. Je n’ai qu’un conseil à vous donner : partez pour une expérience de lecture non identifiée si vous aimez être dérouté et surpris sinon passez votre chemin.

(c) nathalie eirenamg

 

Contre :

Un futur proche où toute l’Amérique du Nord forme un seul ensemble géopolitique avec des québécois qui souhaitent l’indépendance, des vidéos addictives, des tennismen experts en drogue, des alcooliques anonymes déjantés et tout un tas d’autres choses….

En refermant ce livre, avec soulagement je dois dire, je me suis dit que j’avais entre les mains un Ovni, un roman qui sort totalement du cadre de ce que l’on a l’habitude de lire, un ouvrage exigeant et ardu.

David Foster Wallace a un indéniable talent que l’on retrouve dans les différents niveaux de langage qu’il est capable d’utiliser tout au long des 1300 pages de L’Infinie Comédie. Sans parler des innombrables mots qu’il invente. Je salue au passage le travail de Francis Kerline qui a dû transpirer pour traduire avec exactitude la tonalité de cette œuvre.

Cependant, malgré le talent de l’auteur, je n’ai pris aucun plaisir à lire ce livre. Si tant est que le plaisir soit l'objectif de ce roman. J’ai même dû lutter pour ne pas passer des chapitres remplis d'interminables descriptions, voire le refermer définitivement bien avant sa conclusion. J’ai souvent eu du mal à voir la cohérence de l’histoire, entre les chapitres, sans comprendre où j’allais. Il y a des pages d’énumération avec des sujets aussi divers que le tennis ou la drogue. Rapidement l’ennui l’a emporté malgré quelques pages où le loufoque m'a fait arracher un sourire. L’agacement a ensuite pris place avec souvent le sentiment de perdre mon temps pour enfin se terminer par de la lassitude. Il donc fallu que je m’accroche pour suivre le récit, le comprendre et enfin le terminer.

J’avoue très humblement que ne n’avais jamais entendu parler de ce livre. En m’informant notamment sur internet j’ai compris que la traduction française était très attendue puisque ce livre de David Foster Wallace, paru en 1996, est considéré (par qui ?) comme l’un des cent meilleurs romans du 20ème siècle. J’en conclus que je dois être hermétique à ce genre d’ouvrage mais je me pose néanmoins la question : combien de personnes ont lu et auront lu ce livre jusqu’au bout ? Je dis bien « lu » et pas « acheté ». J’avoue que j’ai des doutes à  ce sujet.

La question qui vient ensuite est de savoir ce qu'est un chef d'oeuvre de littérature. Mais il est vrai que Ulysse de Joyce, voire même Finnegans Wake, livres ardus eux aussi, ont été diversement accueillis à leur parution. Et pourtant ils sont considérés aujourd'hui comme des oeuvres majeures. Même si ces livres, bien que connus, ne sont lus que par une minorité de lecteurs. L'avenir nous dira si L'Infinie Comédie suivra le même chemin.

Quoi qu'il en soit, vous l’aurez compris, ce fut pour moi la déception de cette année. Je ne le déconseillerai pas du fait qu’il a eu un fort retentissement outre-Atlantique: c'est une expérience à tenter même si la mienne fut loin d’être concluante.

(c) Rémi Paolozzi

 

Sur la fiche du livre, retrouvez tous les avis de nos Explorateurs et des lecteurs, et notamment la très pertinente auto interview de Pierre Darracq et l’analyse de Cécile Torrents.

 

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