Lancé en janvier 2015, le Club des Explorateurs permet chaque semaine à deux lecteurs de lire en avant-première un même titre que nous avons sélectionné pour eux et de confronter ainsi leur point de vue.
Cette semaine, Pascal a choisi Patricia pour partager sa lecture et son avis sur le livre Trois frères Peter Ackroyd (Philippe Rey).
L'avis de Pascal
Camden, située en banlieue londonienne, abrite la famille Hanway. La disparition inopinée de la mère va briser à jamais le fil ténu qui lie le père et ses trois fils : Harry, Daniel et Sam. Dès lors chacun suivra sa route, expérimentera sa propre vision de Londres, blessé par les les plaies immanentes à cette scission. Harry l'opportuniste ambitieux, Daniel l'intellectuel prétentieux, Sam le rêveur marginal, trois frères aussi complémentaires que différents, unis par un signe indélébile du destin, par le même dédain pour un père loser et présent par procuration.
Entre passé et présent, entre ombres et fantômes d'un autre siècle, Peter Ackroyd se révèle en digne héritier des conteurs londoniens mais si la misère dickensienne, la cupidité et la cruauté s'étoffent, le trio Hanway s'estompe sous le poids de ce Londres interlope aux appétences insatiables.
Entre candeur et obséquiosité, entre rêve de reconnaissance et précarité, la critique politique et sociale d'une Londres bigarrée s'étale sous les pas des héros et sous leur ascension fulgurante. Si les relations entre réussite et misère semblent maîtrisées par l'auteur, la fin me laisse pantois.
L'indigence saille sous la plume d'Ackroyd, les quartiers populaires exhibent les prémices de la crise dans un diaporama de portraits plus ou moins réussi et c'est la principale force du livre. Certaines pistes, certaines histoires semblent, quant à elles, se perdre dans des pseudo-manigances alors qu'elles mériteraient d'être exploitées. Trois frères se lit aisément mais mérite d'être savouré d'une traite pour pouvoir en apprécier les attraits sans en subir une certaine lassitude.
L'avis de Patricia
Ils se nomment Harry, Daniel et Sam. Tous trois sont frères, partagent le même sang et la même date de naissance. Nés au lendemain de la guerre, à un an d’intervalle les uns des autres, ils passent une enfance ordinaire dans la commune de Camden située dans la banlieue de Londres. Ces trois enfants n’auraient pu être plus différents mais chacun complète l’autre et le jeu les rassemble. Un événement va venir ternir les heures bénies de leur jeunesse et les amputer d’une part d’eux-mêmes ; leur mère les abandonne. Le foyer porté par ses épaules de femme se disloque lentement sous le manque de réactivité d’un père inapte au bonheur. Parvenus à l’âge adulte, les traits de caractère de cette fratrie deviennent des défauts handicapants. Finissant de s’éloigner les uns des autres et récusant leurs origines, ils accomplissent leurs destinées. Dans une Londres secrète, misérable ou opulente, les jeunes garçons deviennent des hommes. Harry, en arriviste accompli, ne vit que pour la gloire. Daniel, intellectuel blasé, méprise ses contemporains. Sam, quant à lui, blessé à vif par le départ de sa mère, déambule dans la vie dans une sorte de maladresse contemplative. Si différents soient-ils, ils semblent souffrir de la même incapacité à aimer chronique qui fera de leurs existences de véritables carcans de solitude.
Un roman singulier autour de la ville de Londres et du poids des liens familiaux. Si l’on peut reprocher à cette œuvre un final un peu abrupt, on appréciera toutefois une galerie de personnages à peine esquissés, aussi impalpables et inattendus que le smog londonien.
Merci à Pascal et Patricia pour ces chroniques passionnantes !
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Impatiente de le lire ! Merci pour ces belles chroniques.