Voilà un auteur britannique auquel je n'avais pas encore goûté. Un passionné de Londres ou plutôt de l'histoire de Londres au point d'en avoir écrit une biographie qui a ébloui un certain nombre de critiques littéraires et que je me suis promis de lire, dès que possible. En attendant, "Trois...
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Voilà un auteur britannique auquel je n'avais pas encore goûté. Un passionné de Londres ou plutôt de l'histoire de Londres au point d'en avoir écrit une biographie qui a ébloui un certain nombre de critiques littéraires et que je me suis promis de lire, dès que possible. En attendant, "Trois frères" raconte également Londres, celui de l'après-guerre, sous un prisme plus social qu'historique, le Londres des quartiers populaires, quand Notting Hill n'était pas encore le fief des bobos, le Londres des miséreux et des ambitieux, celui des crapules et celui des naïfs.
L'impression que laisse ce roman est celle d'une incroyable maîtrise. De l'intrigue, de la narration, des personnages, des rebondissements pour arriver à une démonstration parfaitement limpide. En avançant dans la lecture, on a l'impression de voir la main de l'auteur déplacer des figurines de ses personnages sur un énorme plateau de Monopoly constitué par les quartiers et les rues de Londres. Jusqu'à ce que la boucle soit parfaitement bouclée.
Ils sont donc trois frères, Harry, Daniel et Sam. Nés au lendemain de la guerre, le même jour, à la même heure, à un an d'intervalle. Voilà qui augure déjà un destin peu commun. Les trois garçons sont assez rapidement livrés à eux-mêmes lorsque leur mère disparaît un beau jour sans explication tandis que leur père, qui a remisé depuis longtemps ses ambitions littéraires de jeunesse au fond d'un placard traverse l'existence avec amertume et un travail de veilleur de nuit qui l'éloigne de ses enfants. Liés par la coïncidence de leurs dates de naissance et une sorte de connivence émotive, les trois frères ne s'en éloignent pas moins les uns des autres au point de ne pas se voir pendant de nombreuses années. Harry, l'aîné profite d'un heureux concours de circonstances pour devenir journaliste et se transformer rapidement en une sorte de Rastignac londonien. Daniel choisit les études et Cambridge où il enseignera, avant de se transformer en un redoutable critique littéraire. Sam, lui, ne travaille pas. Il rêve et se laisse guider par son instinct qui le mène toujours vers les plus démunis et parfois dans les couvents. Des vies distinctes, et pourtant. C'est oublier que nous sommes à Londres "un réseau tellement dense et resserré que le moindre mouvement de l'élément le plus infime envoyait des ondes de réverbération dans tout l'ensemble". Sans qu'ils s'en aperçoivent, le destin des trois frères est inextricablement lié, tout comme ceux des personnes qu'ils côtoient et qui ignorent souvent tout de leurs liens.
Chaque frère nous plonge dans un Londres différent et pourtant le même. Marchands de sommeil et profiteurs en tous genre, patrons de presse et journalistes dans l'effervescence de Fleet Street (on connaît l'importance du rôle de la presse à Londres), écrivains à succès ou passés de mode, petites gens, prostituées et nécessiteux en tous genre, tous sont les rouages d'un même moteur qui fait avancer la ville et qui continuera à la faire avancer bien après que nos trois frères auront disparu.
Pour cette visite de Londres accompagnée d'une remontée dans le temps, on suit le guide avec enthousiasme. Avec ce roman qui se lit comme un polar, on entend presque battre le pouls de la ville, on découvre sa réalité. Je comprends la grande réputation de Peter Ackroyd et j'ai bien l'intention de poursuivre mon exploration après cette introduction dont je ressors terriblement impressionnée.