Spécial Rentrée littéraire 2014 avec les Explorateurs...
Les Explorateurs ne sont pas d’accord, mais pas d’accord du tout sur certains romans de cette rentrée, et ils le font savoir, arguments à l’appui.
Le Pour-Contre (épisode 5/5) de Jean-François et Dominique au sujet du livre Du Sexe de Boris Le Roy, éditions Actes Sud
POUR
par Jean-François
Du Sexe. Il y en a et pas qu’un peu. Mais pas que. Et quand il y en a il prend rapidement un aspect sociologique, d’autres diront chirurgical dès qu’ils n’apprécieront plus la description frontale des ébats d’un des personnages principaux du roman de Boris Le Roy. Pourtant la construction de ce roman est extrêmement intéressante, voire ludique. Eliel, statisticien obsessionnel, héros entre cynisme et misanthropie « aménagée », tiraillé entre une mère et un frère ainé anxiogènes, va donner à sa vie un sens inattendu en échafaudant une théorie politique basée sur le binôme. Deux c’est mieux.
Dans le travail, l’économie, la politique, le pouvoir… Nous devenons témoins d’une tentative de coup d’Etat sociologique qui se doit d’engager la société française vers une sixième république fondée sur le binôme et de plus, paritaire. Et en toute logique Eliel (prénom qui comporte à la fois il et elle) ne sera pas le seul personnage principal du roman. Son binôme amoureux va s’appeler Hanna, la fille cachée du Président de la République, docteur en philosophie (une Mazarine Pingeot dans le corps d’une princesse orientale). Elle-même va devenir le binôme politique du frère aîné, fraichement inéligible pour une magouille très tendance. Rien ne sera simple mais qu’importent la suite et la fin un peu rapide de ce roman ? Le Roy nous impose un rythme mathématique à l’image du fonctionnement psychologique d’Eliel. On se prend au jeu des descriptions froides mais cocasses. L’humour n’est pas loin, l’intelligence du récit est bien là. L’actualité sociétale aussi mais à distance raisonnable tout comme les tranquillisants qui auraient pu très facilement faire glisser le roman dans un maniérisme en forme d’hommage à Jean Paul Dubois.
Mais Le Roy maintient le cap en un équilibre géométrique. Le roman fonctionne. Comme une équation. Ou un théorème. Soyons binaires, ça ne peut certainement pas faire de mal.
Jean-François
CONTRE
par Dominique
Tout au long de ce roman, nous suivons les utopies d’Eliel, un statisticien bien étrange. Son frère Simon, très fils à sa mère, une « féministe de la deuxième génération », est un politicien qui vient d’apprendre son inéligibilité. Il doit trouver un moyen de vivre, et décide de vendre l’appartement qu’il a en copropriété avec Eliel. Celui-ci refuse, jusqu’au moment où il rencontre Hana, la fille secrète du président en exercice. Et surtout, lorsqu’il décide de monter une équipe gagnante pour les prochaines élections, équipe qui va prôner la parité complète en politique et dans la vie publique, et qui devra être composée de Simon et Hana.
Car en fait, la voilà cette super idée : Et si son frère et Hana se présentaient ensemble au même poste ? L’égalité parfaite dans la fonction partagée, la complémentarité, l’union des deux sexes. Et ces deux sexes, par ailleurs, ils s’agitent, se vautrent, s’accouplent, de bien des façons, car Eliel est accro au sexe, avec toutes les femmes qu’il rencontre, depuis toujours, partout et de tout le temps.
L’essentiel du roman tient dans la mise en place de cette idée farfelue et novatrice que pourrait être la complémentarité absolue « homme-femme » dans la vie publique. Amour entre les personnages, haine parfois, sentiments étranges et peu partagés, ou si mal, tout s’emmêle un peu. On y comprend la difficulté des sentiments, qui sont parfois exagérément poussés dans leur complexité, et en même temps qui auraient vraiment gagné à être plus fouillés. Et surtout, et toujours, ces scènes de sexe qui viennent s’intercaler au milieu, plutôt torrides, sans retenue, dont on se demande parfois ce qu’elles viennent faire là, si ce n’est qu’elles sont le fil conducteur du roman.
J’ai eu un mal fou à rentrer dans cette histoire et surtout à finir ce roman. Je me suis surprise à piquer du nez sur ces pages bien souvent…Le style ne m’a pas plu. Trop alambiqué. C’est également compliqué de suivre ces personnages parfois appelés par leurs prénoms, puis l’ainé, le cadet, le chef d’entreprise, l’amant, ou qui parfois paraissent indéterminés, et cela change sans cesse, y compris dans le même paragraphe ou le même chapitre. Les phrases sont souvent longues, le rythme peu agréable dans l’ensemble. C’est un livre qui ne me laissera pas un souvenir impérissable. Dommage car la trame de la parité absolue portait une promesse à mon avis non tenue.
Dominique
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