Merveilleux, dangereux sujet que peut être un poète ! Gaëlle Nohant a saisi le visage de Robert Desnos pour entrainer son lecteur dans la marche de la première moitié du XXe siècle à travers ce qu’on sait et ce qu’on ignorait sur le poète qui tutoyait le surréalisme dans les années 20. Légende d’un dormeur éveillé (ed. Héloïse d’Ormesson) est arrivé troisième dans le palmarès des romans préférés des Explorateurs de la rentrée littéraire cet été. On a réussi à trouver un bémol, celui de Céline, auquel répond l’enthousiasme de Valérie.
Pour ?
Quand le roman débute, l'ombre d'Hitler ne plane pas encore sur la France. Robert Desnos est un poète fauché, amoureux d'une chanteuse qui, elle, ne l'aime pas mais se complaît à garder ses prétendants sous son emprise, en leur donnant du bout des lèvres quelques marques de tendresse. Robert rencontre alors Youki, une Française repérée par un peintre japonais qui l'a épousée. Elle deviendra l'amour de sa vie, un amour tumultueux puisque la belle ne peut se contenter d'un seul homme. Mais Robert sait donner bien plus qu'il ne reçoit:
Je n'ai jamais séparé le sexe de l'amour, rétorque Robert. Je n'en discute pas, je le vis, je le fais. Je suis allé si loin dans l'amour que j'ai pensé ne jamais en revenir. J'ai affronté ses grimaces. Aujourd'hui, j'en connais aussi son sourire.
Disons-le tout de suite, ce roman, je ne voulais pas le lire. J'avais abandonné le précédent roman de Gaëlle Nohant, je n'aime ni la poésie (sauf celle, intime, qu'on écrit ou reçoit à/de son amoureux/ -se), ni le surréalisme. De plus, je ne connaissais rien de Desnos. Mais Gaëlle Nohant nous donne accès à un homme, nous le rend à la fois humain par sa vulnérabilité amoureuse, magicien par sa manière de réinventer la poésie et héros quand la période oblige les hommes à choisir un camp. Et elle nous embarque dans la période qui précède la guerre puis dans celle de la guerre et de la résistance avec talent: j'ai vécu pendant de longues heures dans le Paris de cette époque et j'y ai cru. Tout sonne juste, particulièrement les dialogues. Je me suis agacée de voir le poète amoureux de deux femmes qui ne savent pas lui rendre son amour comme il le mériterait et ai vu là, à tort peut-être, le désir inconscient d'un poète qui a besoin de la souffrance pour écrire; je me suis aussi agacée de l'égocentrisme de Youki (... c'est effrayant quelqu'un qui sait aimer. Alors elle lui fait mal pour voir s'il reste quand même) mais c'est aussi ce qui rend Robert Desnos humain et attachant. Suivre la scission à l'intérieur du groupe surréaliste m'a passionnée. J'ai noté de nombreuses phrases et ai été emballée par le tout: l'ascension de Robert Desnos qui réinvente la radio ou plutôt l'invente puisqu'elle n'en est qu'à ses balbutiements, le souffle de la solidarité, celle d'avant la guerre avec les manifestations anti-fascisme et celles des hommes de l'ombre ensuite. J'ai beaucoup aimé que l'auteur parsème son roman de textes de Desnos, les ancrant dans sa réalité à lui. C'est une très belle manière d'amener la lectrice que je suis vers la poésie :
Je retrouve en ma bouche une ancienne saveur
Et des noms de jadis et des baisers si tendres
Que je ne sais plus qui je suis ni si mon cœur
Bat dans le sûr présent ou le passé des cendres.
Aux trois quarts du roman, l'émotion m'a submergée. Ça a commencé avec un très beau moment entre Robert Desnos et Jacques, cet enfant d'amis qui vivra ses premières années caché, petit garçon rendu sauvage par cette peur que l'Histoire a instillé en lui mais que Desnos saura apprivoiser avec ses histoires, puis viennent les émouvantes années de résistance et celles de déportation racontées par le prisme de Youki que l'auteure réhabilite magnifiquement. A ce jour, j'ai lu dix romans de la rentrée, j'ai eu deux coups de cœur mais je mets ce roman au dessus de tous les autres.
Ou Contre ?
Ce roman débute dans les années 20 avec le poète Robert Desnos et le monde littéraire de l’époque, dont Breton, Prévert, Picasso et tant d’autres artistes de renom. Le récit suit les déambulations du fougueux poète dans ce Paris de la belle époque jusqu’aux années sombres de la 2eme guerre mondiale. Il rencontrera surtout la femme de sa vie, la belle et ironique Youki, à qui il dédiera de nombreuses poésies.
Très dense et très précise, cette biographie a été trop ardue à lire pour moi. Je suis restée en marge de l’histoire malgré un rendu très impressionnant des ambiances des quartiers parisiens de cette époque. Aussi, bizarrement, cette accumulation d’artistes fameux m’a perdue en cours de route, je pense qu’il faut être fan de ce Paris littéraire flamboyant pour vraiment apprécier ce roman à sa juste valeur…
J’ai bien aimé cependant les extraits de poésie qui parsèment les pages de l’ouvrage.quelques années
Une sélection de Karine Papillaud
Retrouvez tous les articles et les avis de nos lecteurs :
Pour ou contre le nouveau roman de Dominique Dyens "Cet autre amour" ?
Ne passez pas à côté de Vincent Delecroix, lisez "Ascension"
"Mercy, Mary, Patty" le roman flamboyant de Lola Lafon
Pourquoi "Une fille dans la jungle" de Delphine Coulin ne vous laissera pas indifférent ?
Lire "Un certain M. Piekielny" pour découvrir l'écriture singulière de François-Henri Désérable
"La disparition de Josef Mengele" le roman-récit sans concession d'Olivier Guez
Un grand secret, une famille...lisez "Toutes les familles heureuses" d'Hervé Le Tellier
Je suis encore sous le charme de ma lecture.
Bonjour,
Mon roman La jeune Parisienne de Coteau Rouge ne figure pas dans la collection Bookelis.
michelpratt.quebec
Merci beaucoup pour ce grand entretien . Et pour nous donner à lire de ce que Desnos avait de grand et de poétique. MERCI!!!!!!!!!!!!!!