"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
« Mais pourquoi donc la Lituanie ? Et pas, que sais-je, Terre-Neuve, Java ou bien l'Islande ? » « Peut-être tout simplement me rapprocher du coeur de l'Europe... Du coeur battant de son histoire. »
En bouclant son tour des pays Baltes, le narrateur découvre Vilnius, capitale baroque de la Lituanie, et tombe amoureux de ce pays marqué au fer rouge par la Shoah et un demi-siècle d'occupation soviétique. Au fil des pages et de ses pérégrinations, dans les rues blanchies par la neige de celle qu'on a appelée Vilna ou Wilno, le lecteur croise le courageux fantôme du « Rossignol du ghetto », une chanteuse juive exterminée par les SS, Romain Gary, le poète russe Joseph Brodsky, Leonard Cohen, une jeune artiste de street art ou encore des réfugiées ukrainiennes, et des souvenirs de lecture ainsi que des airs yiddish ravivent la mémoire de la « Jérusalem du Nord ».
Thierry Clermont livre un récit de voyage empreint de poésie et lève le voile sur l'histoire d'un pays méconnu, alors que la menace russe se fait de plus en plus pressante à sa frontière.
On n'oublie pas la saison de la Lituanie en France organisée par l‘Institut français, à l'occasion de laquelle l'auteur et journaliste Thierry Clermont publie, aux Editions Stock, ses souvenirs de voyage à travers le pays balte. Grand voyageur, après l'Irlande et Venise européennes, ce sont les pays baltes qu'il a parcourus, d'abord en Estonie, ensuite en Lituanie. J'ai choisi de lire le récit de voyage de Thierry Clermont parce que j'ai passé moi-même 15 jours en Lituanie cet été, et qu'avec mes souvenirs relativement frais du pays, je souhaitais revivre à travers cette lecture mes vacances, et apprendre ce que je n'ai pas eu le temps de voir à Vilnius, lire ce que le journaliste pouvait m'apprendre.
Le récit s'épanche principalement sur Vilnius, la capitale, même si l'auteur aura l'occasion d'évoquer également d'autres lieux importants pour la mémoire du pays : tout commence au beau milieu de l'avenue Gediminas, du nom du Grand Duc de Lituanie. Une artère historique de la ville. L'auteur nous explique – ou si peu – les raisons de son départ pour le pays, ses premières impressions, assis à la table de son petit-déjeuner, le tout entrecoupé de considérations historiques, linguistiques. le journaliste sera notre guide touristique pour cette ville que l'on découvrira à l'aveugle pour ceux qui n'y sont pas allés, à l'aide de sa mémoire pour les autres qui ont eu l'occasion d'y jouer les touristes. Ce n'est pas une mince affaire d'évoquer, ne serait-ce qu'une rue de la capitale lituanienne, car Thierry Clermont le montre, elles ont sans cesse changer de nom et comme une carotte de glace, ces noms successifs témoignent de l'histoire du pays.
Thierry Clermont a ostensiblement été marqué par le récit du poète lituanien Tomas Venclova, Nord Magnétique, paru chez les Éditions Noir sur Blanc, lequel a apporté un témoignage précieux sur la ville dans laquelle il a étudié et a ensuite composé ses poèmes avant l'exil. Rapprocher les pays de ses femmes et hommes qui ont participé à son rayonnent, c'est aussi l'un des fils rouges du récit. Les fantômes de Tomas Venclova, de Czeslaw Milosz, Joseph Brodsky, Joseph Bulov, Romain Gary, et même de Pouchkine, dont on peut visiter l'ancien domaine de son fils Grigori, située dans la forêt environnant Vilnius, dédiée aujourd'hui à l'oeuvre de son père, Alexandre, la Literatūrinis Aleksandro Puškino muziejus Musée littéraire A. S. Pouchkine (Vilnius) – Literatūrinis Aleksandro Puškino muziejus. aussi les ombres de ceux qui sont encore de chaire et d'os, Jaroslav Melnik, l'auteur ukrainien de L'oiseau qui buvait du lait, qui lui tient compagnie, de même que son épouse lituanienne, Danguolé.
Thierry Clermont nous emmène dans les déambulations culturelles du pays, que l'on croise au gré des rues, des quartiers, des monuments, de la capitale qui a porté elle aussi différents noms selon les sensibilités au pouvoir. Des influences qui l'ont traversé, dont elle s'est imprégnée, de ses traces presque effacées, comme celles des ghettos juifs, qu'il retrace le temps de son récit. Une ville multiconfessionnelle, multiculturelle, polyglotte mais aussi et surtout une ville refuge, jadis pour les voisins soviétiques, de ses collines environnantes, de ses fleuves, ses rives sommairement aménagées, des jardin et parc environnants – le parc (jardin) des Bernardins, Bernardinų sodas – ou l'on peut s'offrir une pause bienvenue et accorder un tour de manège à ses enfants. Une ville refuge qui continue à accueillir, aujourd'hui, femmes et enfants ukrainiens alors que les maris et pères sont sur le front, qui n'oublie pas de manifester ouvertement son soutien à l'Ukraine (les drapeaux jaune et bleu qui ornent les fenêtres sont innombrables) mais aussi à l'opposition bélarusse, là sur cette même place où sont venus manifester les opposants à Lukashenko en exil.
C'est très étrange de lire le récit d'une ville que l'on a visitée, il y a à peine trois mois et se rappeler que, comme Thierry Clermont et ça en est presque rassurant, on a généreusement transpiré pour franchir les marches qui donnent au sommet de la colline des Trois Croix qui surplombent la ville. L'auteur fournit des explications sur tout un folklore et sur la mythologie propre à la Lituanie, Perkunas, Velinas, Zemyna, etc. Sourire à l'évocation de détails insignifiants, mais pourtant que vous vous rappelez malgré tout, comme cette bonbonne d'eau posé vers le guichet d'entrée de cette maison verte, ce musée de l'Holocauste, plantée entre deux immeubles, comme si le temps n'avait pas passé depuis sa construction. Cette dame qui m'a crue juive et qui m'a souhaité de bonnes fêtes lors de notre départ (la veille de shabbat). Avec laquelle j'avais évoqué notre visite du site de Ponary, à quelques kilomètres de Vilnius la veille, là où près de 80 000 juifs furent massacrés au milieu des forêts. (...)
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