"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Un homme dont on ne connaîtra pas le nom, ses soirées, il les passe à jouer du blues dans les cafés de Limoges, mais ce pourrait être ailleurs. Mais pas n'importe où : il faut que ce soit une ville avec des traces d'histoire, des ruelles sombres, des vieilles pierres. La journée, il marche dans les rues, voyant à peine les humains qui sillonnent d'un pas pressé les rues, ceux qui ont quelque chose à faire, une vie à construire alors que la sienne, de vie, ressemble à une ruine.
Et voilà qu'un soir apparaît au bar une femme, une inconnue magnifique, pour laquelle il se met à jouer sa propre musique, à chanter ses propres mots. Ils boivent un verre, il la raccompagne au pied de sa demeure et rentre à son hôtel miteux. La reverra-t-il? Saura-t-il qui elle est ? Il rentre à son hôtel pour dormir, pour rêver à Alicia, celle avec qui il y a quinze ans il partageait la scène, celle qui est partie et qui lui a brisé le coeur. Alicia est en ville. Elle chante au Styx. L'homme sera au Styx, bien sûr, pour Alicia. Ça n'est pas une bonne idée, et il le sait. L'apparition de ce fantôme va déclencher chez l'homme une plongée dans le passé, dans l'enfance et la douleur. Bouysse bascule alors dans la poésie, noire, violente, obsessionnelle, et achève son roman en beauté et en désespoir, emmenant avec lui un lecteur consentant, déconcerté, pris.
Un guitariste de blues presque clochard, sale et imbibé d’alcool, erre de bar en bar au gré de maigres cachets. Seule la musique le tient encore debout, lui qui a perdu l’envie depuis qu’Alicia, sa compagne à la ville comme à la scène pendant quinze ans, l’a quitté en lui brisant le coeur. Mais voilà qu’une affiche annonce un prochain concert : de cette femme justement, désormais riche et célèbre…
La désespérance la plus noire emplit cette histoire de dérive vagabonde, où la musique constitue la dernière et fragile amarre qui retient un homme à la lisière de la folie. Anéanti par la fin d’un amour qui résonne douloureusement en écho à ce qui semble une carence parentale, mais aussi peut-être comme une fuite sur la route du succès musical, cet homme écorché et sans nom, qui ne semble plus se nourrir que de bière et de la fumée de ses cigarettes, met tout ce qui subsiste de ses rêves et de son âme dans les notes qu’il extirpe de ses tripes et de sa guitare. Dans l’indifférence générale, il ne lui restera bientôt plus qu’un acte insensé et suicidaire pour attirer l’attention, faute de mieux.
La plume que j’ai tant admirée dans les romans ultérieurs de Franck Bouysse est bien là : magnifique, poétique, travaillée… Peut-être un peu trop, comme encombrée d’une recherche excessive, forcée dans des effets qui manquent parfois de naturel et finissent par se perdre dans un certain hermétisme. Tantôt éblouie, tantôt désarçonnée, je me suis sentie davantage impressionnée que charmée par ce texte, qui parvient en si peu de pages à vous noyer dans un puits noir et sans fond : celui du désespoir d’un homme trahi au plus profond de lui-même, par on ne sait plus si c’est une femme devenue musique ou une musique devenue femme.
C’est donc plus admirative que totalement séduite que je referme ce bref roman d’une étrange et poétique beauté, qui m’a laissé la sensation d’une nage en eau noire, à la surface d’abysses absorbant toute lumière.
Difficile
J'adore les livres et l'univers de Franck Bouysse, malgré la noirceur mais le charme n'a pas fonctionné pour ce livre "Vagabond". Dommage.
Sombre, désespéré, erratique....magnifique !!!
Et quelle écriture !!
d'un réalisme envoûtant ! d'un lyrisme époustouflant !!
une fois de plus, bravo et merci monsieur Bouysse
Il est seul, Il erre, sa guitare à la main, et en bandoulière, il porte solitude, souffrance, et silences. Il se produit dans des clubs de jazz, ceux où l’on prête peu d’attention au type qui chante sur l’estrade.
Il , c’est l’Homme.
Dépossédé de tout. De son identité. De son passé.
Il lui reste sa musique, ce blues lancinant, et ses souvenirs. Parmi eux, il y a Alicia, la femme aimée et avec qui il a partagé le devant de la scène quinze ans plus tôt. Alicia qui a fait le choix de privilégier sa propre carrière au détriment de son amour. Lui, l’Homme, en a été brisé. Un abandon, encore … Alors, le jour où il la retrouve au Styx, tout se bouscule, tout bascule, le passé” occulté refait surface. Avec toutes les cicatrices toutes les peines, tout ce que l’enfant devenu Homme avait enfoui.
Vagabond est un “petit” grand roman noir. En effet, pas plus de 118 pages que l’on avale d’une traite. C’est avec délectation que j’ai retrouvé cette langue propre à Franck Bouysse, cette incroyable poésie qui rend belle l’obscurité la plus effrayante, ces mots alignés comme des notes de musique, cette plume qui se fait âpre et douce à la fois. La fin est absolument bluffante (non, non , je ne vous en dirai rien). Pour tout savoir...lisez-le, ouvrez votre cœur, et, tout comme moi, vous entendrez cet air de blues qui accompagne l’Homme.
“Alors il fit couler un sang de larmes sur le goudron refroidi, et la silhouette d’une femme qu’il avait aimée à la folie apparut entre les ombres dramatiques venues de l’espace”
© Nath
Posté par Nath-A-Lie à 04:01 - Commentaires [0] - Permalien [#]
Quand Franck Bouysse nous émerveille en nous contant une histoire dense, âpre et rugueuse en quatre-vingt-cinq pages, la lectrice que je suis se sent bien petite pour chroniquer cette pépite que j'avais conservée pour un moment de lecture que je voulais exceptionnel.
Le blues est une complainte vocale et instrumentale,dérivée des chants du travail des esclaves, caractérisée par la lenteur, la mélancolie traduisant la tristesse et le désespoir.
Le vagabond est tout entier dans ces quelques lignes "Quelqu'un dit des mots, juste à côté, qui exprimaient des choses qu'on ne devrait plus voir de nos jours, et l'homme ne voulut ni ne put répondre, ni appeler une aide qu'il savait, de toute façon, ne pouvoir venir que de lui. Et ça depuis longtemps. Il avait désormais dépassé le stade de la douleur, sa joue frappée comme une pièce de monnaie antique, profil désordonné dans son désert à lui."
Cette homme joue du blues chaque soir dans un bar obscur rue des Martyrs à Limoges.
La plupart du temps il est trop épuisé par ce qui le ronge et l'alcool qu'il absorbe pour rejoindre un lit alors ce sont les pavés d'une ruelle qui lui servent de berceau.
Lorsqu'il joue sur sa guitare il semble possédé et ne jouer que pour une femme, une seule, l'unique mais existe-t-elle?
La journée, il est une ombre, transparent pour ceux qu'ils croisent comme pour lui-même, la nuit sa musique fait revivre ses fantômes quelques heures. La nuit sombre est sa seule lueur, et sur son malaise permanent il met des mots et des notes qu'il délivre à une femme : celle du présent ou celle du passé.
Ce vagabond c'est un secret, sombre, triste, invisible, inaudible,qui se débat dans ses ténèbres, il ne peut s'habiller que de la nuit et du blues.
Toute sa vie il est resté "l'enfant qui attendait seul au fond de son lit que la femme revienne et lui dépose un baiser sur le front."
Franck Bouysse donne ses lettres de noblesse au roman noir, par une musique, par un décor, par un personnage fort.
Mais surtout par une écriture qui sait épouser chaque commotion pour provoquer chez le lecteur les émotions de base : joie,tristesse, peur, colère, dégoût et surprise.
Chaque mot, chaque métaphore, chaque comparaison sont autant de stimulis qui aiguillonnent le lecteur dans son coeur et dans sa chair.
Un très beau roman noir.
©Chantal Lafon de Litteratum Amor 17 décembre 2016
VAGABOND de Franck Bouysse
" un bon morceau de blues, c'est d'abord de la musique qui vous transporte, vous donne le frisson, attire les larmes d'émotions, c'est aussi une voix grave , écorchée qui vous transperce de part sa puissance mais tout en douceur, elle vous frôle, vous touche,vous électrise,et vous emmène vers vos souvenirs nostalgiques et vous remue jusqu'à l'extase suprême.....
Lire " vagabond " c'est retrouver ces émotions, le Blues de ce vagabond solitaire vous transporte, vous l'accompagner dans sa solitude, ses souvenirs, son errance , sa fuite ......"il songea à la vie que mène les hommes sur des routes incertaines, parfois lisses, parfois caillouteuses, ou finissant parfois en impasse"
Piègé de son amour pour ces deux femmes qu'il tente d'oublier avec une plume d'un véritable Bluesman " tout ce qu'il joua ce soir là ressembla à des incantations pour faire apparaître une femme et en faire disparaître une autre "
Une plume tantôt écorchée ,tantôt noire,chargée d'émotions nous transportant dans les souvenirs profond de cet homme devenu Vagabond avec pour seule compagne sa guitare et quelque dose d'alcool........
Un sacré morceau de blues couché sur papier laissant notre imagination tendre l'oreille et écouter les notes qui s'échappent pages après pages
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