L'écrivaine et poète Meredith Le Dez signe un hommage poignant à un ami disparu
Un essentiel parmi les essentiels, Jacques Allano était libraire en Bretagne, à Saint-Brieuc. Faute de successeur, il était sorti de sa retraite, prise presque dix ans plus tôt, pour revenir en octobre 2019 à la tête de la librairie dont il était le cofondateur, « Le Pain des rêves », et empêcher sa fermeture. Il en a été profondément heureux jusqu'au 16 mars 2020. Confronté à ses fragilités pendant le premier confinement, il s'est suicidé quelques jours après la réouverture de la librairie, le 16 mai 2020.
Jacques était de la haute lignée des libraires. Un serviteur avant tout, humble et tenace, à la mémoire encyclopédique, au désordre savant parmi lequel seul un libraire peut se retrouver, et à l'amour inconditionnel des livres.
Dans un premier temps, l'idée de raconter Jacques me parut révoltante à différents égards. Comment faire sans trahir sa pudeur ? Comment faire avec les trous, les lacunes, les mystères, les contradictions ? Comment faire avec mon chagrin ? Mais un dimanche de novembre, alors que chaque jour depuis sa mort je lui parlais intérieurement, comme au temps du « Pain des rêves » que nous avions partagé en frère et soeur de livres, je commençai de lui écrire.
L'écrivaine et poète Meredith Le Dez signe un hommage poignant à un ami disparu
« Il y eut dans cette ville un libraire. Ce libraire n’était pas n’importe quel libraire. Il était un libraire de la haute lignée des libraires. »
C’est à ce formidable libraire avec lequel elle avait eu le bonheur de travailler et d’être amie que s’adressent les lettres de Mérédith Le Dez, dans cet intimiste ouvrage au sobre titre et à la couverture délicieusement évocatrice. Jacques Allano, libraire de haute lignée, donc, si attaché à son travail et à sa librairie briochine, « Le Pain des rêves », qu’il avait préféré s’arracher à sa retraite plutôt que de la voir, faute de repreneur, fermer définitivement ses portes. Mais ses lettres resteront sans réponse, Jacques est mort. Victime, comme tant d’autres, ce cet ébranlement profond généré par le confinement du printemps 2020 au point de sombrer dans l’une de ses propres failles, il a baissé un rideau définitif et sans appel sur sa vie de libraire, sur sa vie d’homme, laissant ses proches comme ses plus lointain dans un état de douloureuse sidération.
Il faut tout le talent, que je découvre avec plaisir, et toute la douce persuasion de Mérédith Le Dez pour passer outre la sensation de gêne des premières pages de son livre : pénétrant de plain-pied au cœur d’un deuil dont l’intensité nous échappe, quelle pourra bien être notre place, humbles lecteurs de passage, dans cette intimité qui n’est pas la nôtre ? C’est pourtant bien au cœur de ses lettres, empreintes d’une douloureuse et pudique affection, que se dessinera l’espace privilégié où se rencontrent ceux qu’unit une seule et même passion, la lecture. Source inépuisable de rencontres, de trouvailles et d’émerveillements, elle est le premier pas vers les liens les plus forts et les plus durables, à plus forte raison lorsqu’elle est guidée par cette poignée de passionnés entièrement dévoués à son partage et à sa transmission. C’est donc à une très jolie réflexion sur cet attachement fort et personnel que chaque lecteur noue avec les livres et ceux qui les aiment et les font aimer, ceux qui en assurent le cheminement jusqu’à leurs appétits insatiables, que nous invite Mérédith Le Dez, créant, de fait, entre elle et nous, la proximité qui nous autorise à partager son chagrin et à devenir les discrets témoins de ses derniers adieux à Jacques, « libraire de la haute lignée des libraires », portrait idéal des meilleurs d’entre eux, dont le nôtre, forcément.
Dans un libraire, l’autrice rend hommage à Jacques Allano, un ami et libraire qui aura tout fait pour sa librairie jusqu’à reprendre du service pendant sa retraite.
C’est l’histoire d’une amitié puissante née de l’amour des livres, ceux de l’autrice, ceux qu’elle a édité et tous les autres. C’est aussi l’histoire d’un deuil et de l’écriture qui participe à ce travail compliqué.
C’est un texte en deux parties aussi touchantes l’une que l’autre. La première fait penser à un discours non préparé où on laisse le coeur parler et ça fonctionne, le lecteur est effectivement touché en plein cœur. Jacques en est le fil conducteur mais on navigue dans les pensées et la vie de l’autrice tout du long de cette partie. C’est aussi une réflexion sur la façon de rendre hommage à son ami.
Après de nombreuses hésitations, elle décide de partir sur des lettres qu’elle destine à Jacques pour lui décrire la vie depuis son suicide. Parle-t-on de récit épistolaire quand il n’y a qu’une personne qui écrit ? Je ne suis pas sûre mais en tout cas choisir ce type de narration privée pour nous raconter Jacques et l’attachement qui les liait est une très bonne idée. Ce choix renforce le côté intimiste du récit tout en restant éloigné de l’aspect intrusif d’une biographie.
Le langage utilisé est souvent très imagé et témoigne de l’amour qu’elle a pour Jacques et pour les livres en général. Les lettres parlent de l’après mais aussi des livres. C’est un peu comme si on était dans la librairie à écouter les conseils de libraires qui vantent des pépites pas assez mises en avant.
L’autrice a écrit de la poésie et ça se sent dans sa façon d’écrire même si ce texte est en prose. C’est un bel hommage et une belle façon de montrer les différentes étapes du deuil. Merci lecteurs.com et Philippe Rey pour cette découverte touchante
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