"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Nadia l'attend depuis neuf mois. Neuf mois qu'il a été incarcéré. Elle lui écrit tous les jours, de longues lettres où elle lui raconte ce qu'elle fait, ce qu'elle pense. Elle lui parle comme s'ils se trouvaient encore l'un à côté de l'autre. Jusqu'à quand une jeune femme aussi belle et indépendante continuera-t-elle de tenir à lui ? Jusqu'à quand pourra-t-il accepter qu'elle continue ? Le narrateur est un étudiant égyptien à l'âme rebelle, farouchement épris de liberté. Il a été arrêté, avec beaucoup d'autres, au cours de la grande rafle décidée par le président Nasser, en 1959, contre tous ceux qui s'opposent à son pouvoir autocratique. Le récit entrelace plusieurs temps, celui de la vie quotidienne dans le camp de concentration d'El-Fayyoum, en plein désert ; celui de l'enfance du narrateur dans un milieu modeste de la province égyptienne ; celui de son éveil à un amour dont la pureté transfigure les épreuves qu'il traverse. Sous le patronyme de Mahmoud Hussein sont réunis Bahgat El Nadi et Adel Rifaat, auteurs d'essais novateurs devenus des livres de référence, sur l'histoire politique de l'Égypte et, plus récemment, sur l'islam des origines. Ils nous offrent ici un roman inspiré, qui nous captive par la peinture des mentalités et des faits d'une époque rarement évoquée dans la littérature, et nous séduit par une musique qui nous rappelle, loin du pessimisme des temps actuels, que pour ceux qui font confiance à leurs rêves, au coeur même de l'adversité, le monde est un matin.
C’est un texte original et pleinement actuel que nous offre Mahmoud Hussein , pseudonyme qui inclut en réalité deux essayistes , Baghad El Nadi et Adel Rifaat .Le narrateur est un jeune étudiant égyptien .Il est idéaliste, rebelle, généreux, avide de justice et d’équité pour les citoyens de son pays .Pour calmer quelque peu les ardeurs de ces révolutionnaires trop bouillants et excessivement impatients, Nasser décide de les interner, au cours d’une grande rafle survenue en 1959,dans le camp de concentration du Fayoum. Le récit du narrateur pourrait ressembler à bien d’autres témoignages du même type, ceux des anciens prisonniers ou victimes de régimes autoritaires ; il ne tombe pas dans ce piège et emprunte une autre voie, beaucoup plus efficace, celle dune autocritique lucide, celle d’une interrogation sur la nature même de ses engagements moraux .Ainsi le narrateur repense-t-il à un vieux paysan, entrevu avant son incarcération, un être humain symbole de ce qu’il veut combattre : la fatalité, le conservatisme, la résignation : « J’aurais dû lui en vouloir, mais je comprenais son indifférence. Au fond, j'éprouvais la même à son égard .Le monde dont je rêvais pour lui répondait d’abord à mes souhaits à moi .Une Egypte indépendante et fière où chacun serait libre de penser et de faire ce que bon lui semblerait, ce n’était pas son souci. »
Poursuivant son introspection sur la justesse de ses convictions, le narrateur parvient, aisément, à situer l'importance numérique de ses partisans, et leur représentativité : « Qui étions-nous ? Que représentions-nous ? Un millier d’opposants de gauche, globalement catalogues comme marxistes (….) désormais disséminés dans différents camps de concentration. »
Ce qui séduit aussi dans ce roman, c’est l’évocation du passé du narrateur, de son enfance, des personnages ayant composé son entourage .Il y a Aziza, une voisine de son père à Faraskour, un chef-lieu .L’époux de cette dame est marin .Elle lui raconte des histoires, et notre narrateur est marqué par son charme : « Elle fut ma découverte de la grâce. »
Notre jeune enfant découvre aussi les livres, les classiques et c’est par la lecture de L’Iliade et l’Odyssée qu’il perçoit le message d’Ulysse , qui lui dit que la liberté et la volonté peuvent modifier le destin des hommes, que ces derniers peuvent « tenir tête aux dieux ».Enfin, et c’est à ce passage que le roman fait une jonction avec des interrogations brûlantes et actuelles, le narrateur, sans renier l’islam, base de la civilisation de son pays, découvre le penseur qui lui fait entrevoir la possibilité de la dissociation du religieux et du politique :Khaled Muhammad Khaled .
On est conquis par le ton général de ce roman, par sa capacité d’autocritique du phénomène de l’engagement, et par ses éclairages sur ce personnage qui doute, qui resitue les sources de ses opinions, reste amoureux en captivité car il correspond, dans son imaginaire, avec une jeune femme nommée Nadia, rencontrée à l’université avant son incarcération au camp du Fayoum .Il nous touche pour toutes ces raisons .Ce n’est pas le moindre atout de cet ouvrage.
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