Éric Reinhardt est un usurpateur de talent. Son nouveau roman s’ouvre sur un dialogue entre un écrivain et son sujet d’inspiration, Sarah, la quarantaine bien tassée. Cette dernière lui a confié son histoire. Un cancer du sein en rémission la pousse à s’interroger sur sa vie et à demander à son...
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Éric Reinhardt est un usurpateur de talent. Son nouveau roman s’ouvre sur un dialogue entre un écrivain et son sujet d’inspiration, Sarah, la quarantaine bien tassée. Cette dernière lui a confié son histoire. Un cancer du sein en rémission la pousse à s’interroger sur sa vie et à demander à son conjoint de faire un breack dans leur vie commune. Mais, c’est l’image racontée de Sarah assise sur un banc pour regarder les fenêtres de son ancien appartement et regarder son univers, où elle est dorénavant absente, passé devant elle qui inspire Eric Reinhardt à écrire Sarah, Suzanne et l’écrivain.
Alors, l’écrivain invente un double de papier, Suzanne, proche de l’histoire de Sarah complété, au fil des pages, de ses propres projections jusqu’à influencer l’évolution de Sarah, mère de deux enfants proches de devenir adultes.
Roman du double
Écrivain des images porteuses d’émotions, Éric Reinhardt créé un triumvirat entre une femme et son double de fiction où l’écrivain joue un rôle d’arbitre entre réel, imagination et symbolique. Des longs dialogues entre Sarah et l’écrivain, il s’ensuit un roman qui se construit petit à petit entre double et identification, déjà évoqué dans L’amour et les forêts (Prix Renaudot des lycéens en 2014).
En reprenant le même thème, Eric Reinhardt apporte une réponse étayée à l’accusation dont il a été victime à la sortie de son roman. En effet, une mise en demeure déposée auprès de Gallimard pour atteinte à la vie privée et contrefaçon était menacée d’être déposée par l’avocate de la protagoniste lors de la sortie de L’amour et les forêts. Dans cette affaire, l’inspiration semblait s’éteindre par la production de certaines parties d’un texte, de moins de cinquante pages, adressées par la plaignante à l’écrivain, avant sa parution.
Néanmoins, le roman, Sarah, Suzanne et l’écrivain, semble de plus en plus étrange. Au départ, l’attirance pour un tableau fait perdre la mesure à Suzanne, premier événement d’une longue série qui devrait permettre à Sarah d’ouvrir les yeux sur son vécu.
Comme dans un tableau de Hopper, Eric Reinhardt nous rend témoin de l’immense solitude de Sarah. Ayant voulu exprimer son désir, suite à sa rémission, elle se trouve exclue de sa propre vie. Cette violence silencieuse que Sarah subit, sans jamais accabler son mari, ne prend toute son intensité dramatique que par le récit qu’en fait l’écrivain par le vécu de Suzanne qu’il lui propose. Sarah précise et questionne en donnant son avis sur le déroulé du roman. Suzanne se construit au fil de leurs échanges. Sarah et Suzanne, les prénoms s’emmêlent, se confondent obligeant le lecteur à s’attacher aux signes plutôt qu’au sens.
Roman féminin
C’est au cœur d’une machination diabolique que nous convie Eric Reinhardt ! Et, il faudra attendre la scène avec Momo (presque à la fin) pour que le fou rire de Suzanne réveille la torpeur dépressive de Sarah, la même que celle où l’écrivain a plongé son lecteur !
Car, ici, le couple est synonyme de domination. Celle d’un homme, ayant perdu l’objet de son amour, qui n’a de cesse que de la “tuer” symboliquement. C’est une violence insidieuse décrite par le menu jusqu’à la folie pour l’une et l’accident pour l’autre.
Eric Reinhardt confirme son désir de créer des personnages féminins, qualifiées de naïves par d’autres, mais qu’il décrit comme dénuée de duplicité, éprise de liberté et d’absolu, et surtout, d’une confiance à toute épreuve en ceux qu’elles aiment. Le personnage de Sarah en est encore une incarnation.
Roman spécial prix littéraire
Eric Reinhardt détaille la position de l’écrivain et la relation tenue avec son sujet. En revenant sur un sujet déjà entrevu, il complète sa réflexion autant avec le milieu littéraire, qu’avec les critiques et même les distinctions. Franchement, le roman, Sarah, Suzanne et l’écrivain, répond parfaitement aux attentes d’un Goncourt : une œuvre littéraire parfaitement ancrée dans une actualité reconnue (la place des femmes) jouant sur un procédé littéraire (le double) et détaillant la position de l’écrivain ! Alors ! Réponse le 7 novembre 2023…
Chronique ici
https://vagabondageautourdesoi.com/2023/10/31/eric-reinhardt-sarah/
J'ai eu un sentiment similaire avec un autre roman de cet auteur "L'amour et les forêts" qui ressemble beaucoup à celui-ci d'ailleurs...